CitizenLab veut rendre les citoyens réellement “participatifs”

Pratique
Par · 04/05/2017

Redonner la parole aux citoyens, leur permettre de peser sur les choix que font les pouvoirs locaux, que ce soit en termes d’aménagement du territoire, d’adoption de solutions technologiques, d’investissements stratégiques… Tel est le but de la plate-forme de “participation citoyenne” que la start-up CitizenLab (voir son bref portrait en fin d’article) propose aux communes ou villes (voire à d’autres autorités publiques ou administrations) afin qu’elles puissent mieux engager le dialogue avec leurs citoyens et administrés.

Si ses premiers clients furent des villes et communes flamandes (Hasselt, Ostende, Alost, Lommel, Geel), CitizenLab a aussi mis le pied côté francophone. Arlon fut son premier contrat en Wallonie, dans le cadre d’une consultation populaire permettant aux Arlonais d’émettre leurs opinions au sujet de la rénovation du centre-ville.

Aujourd’hui, Mons et Liège ont toutes deux adopté sa solution pour des consultations citoyennes d’un genre nouveau.

La plate-forme

La solution de CitizenLab prend la forme d’un site ou d’un espace Internet dédié où les citoyens peuvent venir proposer des idées, voter sur des projets proposés, commenter l’idée d’autres e-citizens…

“Poster” une idée se veut un processus simple, avec résultat immédiat. Le citoyen s’enregistre (décline son nom et son adresse mail), rédige son idée dans la case prévue à cet effet, y ajoute une photo, choisit une catégorie (mobilité, propreté, sécurité, éducation, administration…). Dès cet instant, son idée apparaît dans une vignette visuelle aux côtés de toutes les autres et n’attend plus que les commentaires et les votes de tous les internautes pour grimper – ou non – dans le classement des idées favorites.

Quiconque peut commenter les projets existants – à condition de s’identifier en déclinant nom, prénom et adresse mail. Le filtrage (modération) a priori ou a posteriori est laissé à l’appréciation des responsables municipaux. Dans le cas de Mons (voir ci-dessous), aucun barrage n’a été installé. Des propos racistes ou autres propos condamnables seront toutefois, très logiquement, expurgés.

Le fait de s’identifier au préalable a un autre objectif: vérifier ou limiter le nombre de votes accordés à chaque citoyen. La plate-forme de CitizenLab permet, en la matière, une personnalisation assez poussée. Selon les cas et la volonté des autorités locales, le citoyen pourra soit déposer une idée, soit voter, soit encore faire les deux et pourra émettre un vote une seule fois ou plusieurs (avec un plafond prédéfini). Histoire d’éviter une sorte de spamming et de trucage de la consultation. Sans parler de la manipulation des voix par des robots.

A Mons, par exemple, tout citoyen ne pourra voter qu’une et une seule fois pour un même projet.

En coulisses, le gestionnaire du site garde toutefois la main sur la création des thèmes et le classement par catégories de projet. Il peut en outre exploiter le potentiel d’analyse développé par la start-up: analyse purement statistique mais aussi analyse de “sentiments”.

“Un tableau de bord permet d’analyser les idées et commentaires par thème, zone géographique, groupe démographique, de déterminer quel quartier, par exemple, est plus engagé sur tel ou tel thème, quel quartier propose davantage de projets…”, explique Bill Cortvriend, diplômé de Solvay (sciences économiques appliquées) et responsable de la stratégie de développement de la start-up du côté francophone (Belgique et France).

Ré-inventons Liège

Côté Cité ardente, la plate-forme de CitizenLab a été choisie dans le cadre de l’action Réinventons Liège. Les simples citoyens ont la possibilité de déposer leurs idées et projets jusqu’au 22 mai. Les internautes/citoyens pourront voter et faire ainsi émerger leurs projets favoris jusqu’au 25 juin.

Les projets les plus populaires seront mis en oeuvre parmi le catalogue de projets initiés par la Ville de Liège.

Le succès semble en tout cas être au rendez-vous puisque plus de 2.000 idées et commentaires ont déjà été postés.

Mons 2025

Même démarche du côté Cité du Doudou, où l’action a été baptisée Demain Mons. Pour ne pas laisser retomber la “dynamique” créée à l’occasion de Mons 2015, les responsables de la ville veulent en effet se projeter dans une perspective à 10 ans. Avec plusieurs objectifs:

  • “soutenir les activités économiques et une création d’emplois de qualité pour l’ensemble des 19 communes qui composent le Grand Mons”
  • soutenir la croissance de la population [objectif: 100.000 habitants alors que le nombre d’habitants était encore récemment de 92.000]
  • renforcer la dimension culturelle, patrimoniale et touristique
  • moderniser l’administration “qui doit devenir nettement plus interactive”. Et il y a, dans ce registre, “encore beaucoup à faire”, reconnaissant Elio Di Rupo lors de la présentation de la plate-forme Demain Mons
  • progresser dans le sens d’une “ville intelligente”.

L’équipe municipale a déjà listé quelque 270 projets possibles. Mais aucun choix ne sera fait ou décision prise sans avoir d’abord recueilli les avis et, surtout, les nouvelles propositions de la population. “Le travail effectué en interne”, déclarait Elio Di Rupo, “nous le gardons au frais. Il servira d’indication, de référence par rapport à ce que l’administration voudrait faire. Ce qui importe désormais est de laisser la place aux rêves et initiatives des citoyens, sans a priori, selon une démarche démocratique, simple et loyale.”

La consultation populaire passera par deux canaux: la plate-forme Internet implémentée par CitizenLab et des ateliers d’idéation, organisés avec la collaboration du hub Creative Valley.

Les citoyens pourront “poster” leurs idées et projets sur le site Demain Mons jusqu’au 21 août. De septembre à décembre, des réunions auront lieu entre “idéateurs” et le collège municipal. Le choix des “sujets pertinents” s’effectuera en janvier prochain. “L’un des paramètres de décision sera le rapport intérêt ou efficience de l’idée et son coût”, indique le bourgmestre de Mons. “On analysera également l’“interaction” des projets proposés avec ceux formulés par la Ville. Après que le choix ait été fait, il sera expliqué et justifié sur le site de Demain Mons.”

Les commentaires des citoyens ne seront pas modérés (sauf propos racistes, xénophobes…). Elio Di Rupo: “L’intention est de favoriser une démarche démocratique, participative. Il est impossible d’autoriser la liberté d’expression et, dans le même temps, de jouer aux gendarmes.”

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CitizenLab a été créée à l’automne 2015, notamment par des anciens étudiants de la VUB et a bénéficié d’un accompagnement par les incubateurs StartIT@KBC et IMEC. Sa solution est le fruit de travaux de développement, d’une durée de deux ans, qui ont été réalisés en collaboration avec l’Université de Gand.

En 2016, elle intégrait le top 5 européen des “start-ups les plus prometteuses dans le domaine des villes intelligentes” (concours organisé à l’occasion du Smart City Expo de Barcelone).

Fin 2016, la jeune pousse levait 500.000 euros auprès de PMV (ParticipatieMaatschappij Vlaanderen) mais aussi auprès d’entrepreneurs privés actifs dans le secteur informatique. Parmi eux, Bernard de Cannière, patron d’Audaxis, et Jan Verbeke, fondateur et ancien directeur d’AE.

Les ambitions de la CitizenLab dépassent dès à présent les frontières belges puisque de premières implémentations ont été réalisées aux Pays-Bas (à Schiedam) et au Danemark. La société veut en effet étendre ses activités aux pays d’Europe du Nord, en commençant par la France et les Pays-Bas. Retour au texte ]