Bruxelles: vers une mutualisation des images de vidéosurveillance

Pratique
Par · 25/06/2013

D’ici fin 2015, la Région de Bruxelles-Capitale devrait disposer d’une plate-forme régionale de vidéosurveillance “harmonisée et intégrée”. Objectif: mettre un terme à une grande disparité de solutions qui ne se “parlent” pas entre elles. Pas plus d’ailleurs que les acteurs qui captent les images.

L’idée de remettre un peu d’ordre dans cette situation était portée, depuis environ un an, par le CIRB (Centre Informatique pour la Région bruxelloise) qui, pour ce faire, a sondé et réuni autour de la table les différents acteurs.

“La désorganisation est totale”, déclare Hervé Feuillien, directeur général du CIRB. “Certaines zones sont sous-équipées. D’autres disposent certes de caméras mais qui sont obsolètes.” Et, surtout, il n’y a a aucune collaboration ou coordination entre les multiples opérateurs à la manoeuvre et, derrière eux, autant de responsables: communes, STIB, Bruxelles Mobilité, zones de police, SIAMU (Service d’incendie et d’aide médicale urgente)…

“Chacun gère ses problèmes dans son coin, en îlot.” Les images de la STIB sont inaccessibles à la police. Les images de la circulation ne sont pas exploitables à d’autres fins. “Les images prises dans les tunnels ne servent qu’à veiller à la fluidité du trafic et aucunement à la sécurité du public. Les caméras de la STIB dans le métro sont des caméras fixes, non intelligentes, qui servent uniquement à veiller au fonctionnement de l’infrastructure, du matériel. La STIB n’est en rien responsable de la sécurité des personnes…”

“On nous a longtemps opposé l’argument”, poursuit Hervé Feuillien, “que la loi sur les caméras et la loi sur la protection de la vie privée interdisaient de penser à un tel scénario d’unification de la vidéosurveillance et de partage des images. Nous avons dès lors chargé un cabinet d’avocats d’étudier la question et la réponse est sans détours: il n’y a aucun obstacle juridique. A condition, bien entendu, que l’on respecte les dispositions légales existantes.”

Etude lancée

L’obstacle légal ayant été écarté (même s’il faudra encore baliser les scénarios de capture, de stockage et d’échanges d’images), une note a été déposée au gouvernement bruxellois à l’instigation de Brigitte Grouwels, ministre chargé de la mobilité… et de l’IT. Décision a depuis été prise de charger le CIRB d’une étude portant sur la mutualisation des infrastructures et la consolidation des systèmes existants.

“Le CIRB devra notamment se pencher sur:

– la faisabilité technologique d’une plate-forme régionale d’échange d’images vidéo entre différents acteurs publics, tels que services de polices, STIB, SIAMU, Bruxelles Mobilité, communes, etc. ;

– les besoins actuels et futurs des différentes instances publiques ;

– les normes technologiques ;

– les aspects liés à la protection de la vie privée.”

Pour mettre en oeuvre la plate-forme harmonisée et permettre les échanges d’images, un certain nombre d’étapes seront nécessaires:

  • harmonisation de l’infrastructure
  • standardisation des équipements et formats
  • remplacement progressif des équipements existants
  • contrôle de gestion unifié
  • alignement des investissements futurs.

Première étape de l’étude confiée au CIRB: un inventaire de la situation, “commune par commune”.

Délai de concrétisation? Hervé Feuillien parle d’une mise en oeuvre de la plate-forme unifiée dans un délai de deux ans.

L’étude du CIRB démarrera en juillet et s’achèvera avant la fin de l’année, avec remise du rapport en décembre et “décision [du gouvernement] avant la Noël.”

Une fois le projet balisé, les choses pourraient aller relativement vite dans la mesure où le CIRB, qui jouera les coordinateurs, pourra s’appuyer sur le contrat-cadre [infrastructure IRISnet] qui permet d’allouer des lots de marchés aux prestataires sélectionnés.

Si Paris peut le faire…

Bruxelles va notamment s’inspirer de ce qui s’est fait à Paris.

“Entre 2008 et 2012, Paris a déployé intra muros un réseau de quelque 1.100 caméras sur une superficie équivalant grosso modo à celle de la Région de Bruxelles Capitale mais avec une population deux fois plus nombreuse. Tout le réseau est piloté par la préfecture de police [et plus spécifiquement par la DSPAP (Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne), département chargé de la prévention de la délinquance, de la sécurisation des transports en commun, de l’application de la réglementation routière et du maintien de l’ordre.]

L’une des salles de contrôle de la préfecture de police de Paris.

La gestion s’organise par quartier, en quelque 55 zones de contrôle. La Préfecture peut accéder aux caméras de la RATP, de la SNCF, des sapeurs-pompiers… Le tout dans une philosophie de protection, et non de surveillance, afin de lutter contre la délinquance, de gérer la circulation, de faciliter les interventions des services d’urgence. La préfecture peut même, dans certains cas et sous certaines conditions, avoir accès aux images fournies par les grands magasins et prendre le contrôle des caméras.

Si Paris l’a fait, Bruxelles peut le faire. L’infrastructure réseau parisienne repose sur quelque 500 kilomètres de fibre optique qu’il a fallu installer. Nous disposons déjà d’Irisnet et de ses 320 kilomètres de fibre. Autre élément nécessaire à ce genre de projet: un partenariat public-privé. Paris a notamment impliqué GDF Suez. Nous disposons, nous aussi, d’un partenaire privé via le pilote du réseau Irisnet, qui est un réseau aux mains du privé à 25%. Enfin, en termes de financement, Bruxelles dispose du Fonds de sécurité de la Région dont une partie du budget peut être réservé au projet. Il a déjà servi à financer une partie de l’étude préalable et nous avons reçu l’assurance d’un financement (2 millions en crédit d’engagement).”

Soutiens politiques

Le projet avait officiellement reçu le soutien de Charles Picqué, peu avant son passage de témoin à Rudi Vervoort, ce dernier confirmant d’ailleurs le feu vert. Le dossier a également l’aval de Brigitte Grouwels. Côté communal, la présence, dans la délégation qui s’est rendue récemment à Paris, de plusieurs bourgmestres (Uccle, Evere, Jette, Etterbeek) est sans doute le signe d’un intérêt marqué.

“Nous bénéficions d’un réel soutien politique, toutes familles confondues”, affirme Hervé Feuillien.

Il s’agira aussi de “rassurer” les instances de terrain et leur garantir que la plate-forme unifiée n’empiétera aucunement sur leurs besoins spécifiques. La sécurité de l’infrastructure de la STIB restera par exemple sa responsabilité et sa mission. Idem pour la gestion de la circulation. Mais les images pourront servir d’autres finalités, dans d’autres services. “De même, les quelque 10.000 caméras que l’on prévoit pour le métro automatique pourront être intégrées dans le réseau unifié.”