Baromètre wallon “Smart City 2020”: la transition sociétale gagne du terrain

Pratique
Par · 22/01/2021

Le Smart City Institute (HEC Liège) dévoile les résultats de son enquête annuelle des “smart cities” ou “territoires durables et connectés”.

Il s’agit là de la troisième enquête effectuée par cet organisme référent wallon du phono!phénomène “villes et territoires connectés”. De quoi commencer à dégager des tendances et de premiers enseignements de l’évolution de la dynamique au sein ou au niveau des municipalités wallonnes.

Au-delà du “smartwashing”

La technologie pour la technologie (engouement forcé ou non pour les capteurs, le big data, la surveillance de l’utilisation faite de l’espace territorial ou des faits de vie) n’a jamais été une pratique conseillée par le Smart City Institute ou par les autres acteurs de la stratégie “Wallonia Smart Region”. Même si l’“outil” technologique et numérique est un nécessaire levier.

Petit à petit, le discours voulant qu’une “smart city” soit un concept et un objectif multi-factoriel semble faire son chemin dans l’approche adoptée par les villes et communes. Si l’informatisation et le numérique conservent une place prédominante, encore renforcée par la crise sanitaire et le besoin de revoir les modes d’interaction et d’action, estime Julie Randaxhe, auteur de l’étude et chargée de projets au Smart City Institute, la participation citoyenne, le collaboratif entre acteurs du territoire et la volonté d’améliorer le cadre de vie gagnent du terrain.

 

Julie Randaxhe (Smart City Institute): “Avant tout perçue comme un moyen d’agir sur leur image de marque en 2018, la Smart City est aujourd’hui majoritairement associée à la digitalisation des communes (87%), à la participation inclusive des citoyens et des acteurs publics et privés (66%) et à l’amélioration de la qualité de vie (61%).”

 

Si, dans un premier temps, l’étiquette “smart city” a été accolée à tout et quasi n’importe quoi, dans un réflexe de “smartwashing”, teinté ou non de “greenwashing”, le curseur semble en revenir légèrement à une démarche plus honnête. “Les communes perçoivent désormais le concept davantage comme une opportunité de transition sociétale profonde et durable plutôt que comme un moyen d’améliorer à court terme, entre autres, leur image de marque.”

A quelle finalité les communes associent-elles le concept et la démarche “smart city”?

En 2020, la transformation numérique, plus que jamais sans doute en raison de l’effet confinement (crise du Covid), demeure largement le principal prisme, avec un score de 87%. Suivent: la participation inclusive des citoyens et des acteurs publics et privés (66%) ; l’amélioration de la qualité de vie (61%) ; et l’image de marque (54%). Plus loin dans le classement apparaissent des objectifs tels que le développement urbain durable (48%), l’amélioration de la planification et de l’exécution des projets (41%) et le développement économique (40%). 

Source: Smart City Institute

 

Principales thématiques privilégiées du côté des communes ayant engagé des projets: l’environnement, la gouvernance et l’optique individu/citoyen (système éducatif, télécommunication, innovation).

Principaux obstacles – ou difficultés – de mise en oeuvre évoqués? Dans l’ordre, “le manque d’expertise technique et méthodologique de l’administration” (36% des réponses) ; “la difficulté à mobiliser les budgets” ; “la difficulté à mettre en place la dynamique entre les acteurs” (30%) ; ou encore “la difficulté à identifier et mettre en place les nouvelles technologies” (38% des réponses).

Les auteurs de l’enquête Smart City Institute relèvent d’ailleurs que le paramètre “expertise” pèse plus qu’il y a trois ans (le manque d’expertise est cité 17% plus qu’il y a trois ans). Décourageant et étonnant, à première vue, mais le Smart City Institute y voit la confirmation que “les communes souhaitent passer davantage aux questions de fond liées à la thématique”.

Le ponctuel l’emporte encore

Se lancer dans des projets de villes connectées et durables dans un objectif vertueux tangible est certes un pas dans la bonne direction mais le cheminement semble encore long vers une articulation au long cours.

65% des (144) communes ayant participé à l’étude indiquent avoir engagé de un à cinq projets smart city.
Moins de 10% peuvent se prévaloir de “6 à 10 projets”. Parmi elles, quatre grandes villes.
Les championnes avec plus de 10 projets enclenchés sont encore plus rare (moins de 5%).
16% avouent n’avoir encore initié aucun projet – et 9% “ne savent pas” (par manque de compréhension du concept ou parce que la personne ayant répondu à l’enquête n’est pas forcément au courant?).

A ce jour, parmi l’échantillon de villes et communes ayant participé à l’étude du Smart City Institute à l’automne 2020, moins d’un tiers ont inscrit leur(s) projet(s) “smart city” dans un “plan stratégique, plus largement formalisé pour la transition durable et intelligente du territoire”, que ce soit au travers d’une stratégie spécifique, d’une insertion dans le Plan Stratégique Transversal ou un schéma de développement communal. Ce pourcentage est toutefois encourageant et les communes rurales semblent d’ailleurs le faire davantage que leurs homologues urbaines (33% entre 27%).

Top down vs bottom up

Impliquer davantage le citoyen dans la réflexion, voire la co-création, semble gagner du terrain. Mais une réelle approche collaborative, inclusive, à toutes les étapes de l’exercice – depuis l’identification du besoin ou de l’attente réel(le) jusqu’à l’évaluation des projets et décisions -, est encore loin d’être une réalité.

Le sens-unique ou le mode passif l’emportent encore largement: si “91% des communes impliquent les citoyens dans leur démarche, à des niveaux différents, […], la majorité (49%) en sont encore aux prémisses: elles fournissent au citoyen l’information nécessaire et objective pour l’aider à appréhender le problème ainsi que les options et solutions envisagées mais ne le consulte pas et ne l’implique pas directement.” Un peu moins d’un quart des communes ayant participé à l’étude disent toutefois “consulter” les citoyens à propos de leurs projets smart city. Seulement 3% – toutes rurales – disent s’être engagées dans un processus réellement collaboratif.

Tous les résultats, chiffres et analyses concernant ce Baromètre 2020 des smart cities sont disponibles sur le site du Smart City Institute. 

Méthodologie

Pour son étude 2020, le Smart City Institute a réussi à convaincre 140 villes et communes de participer à l’exercice. Sur un total de 262 entités sollicitées.
Typologie des participantes: 77 communes urbaines, 63 rurales ; 135 petites communes, 5 grandes communes.
Calendrier: l’étude a été réalisée entre août et octobre 2020.
Auteurs de l’étude: le Smart City Institute et HEC Consulting Group.