analytics.brussels: le commerce bruxellois “disséqué” en mode 2.0

Pratique
Par · 10/08/2018

En 2016, la Région bruxelloise initiait, en partie grâce à des fonds européens Feder, un projet de R&D baptisé Smart Retail City Lab destiné à faciliter la transition et la revitalisation (par le numérique notamment) du commerce et de l’horeca urbains, considérés comme “moteurs économiques, d’insertion sociale et pourvoyeurs de produits locaux”.

Parmi les différents projets initiés figure une plate-forme de collecte, d’analyse et de mise à disposition de données. Nom de baptême: analytics.brussels.

Initiée à l’origine par Atrium, l’agence régionale bruxelloise du commerce qui allait devenir hub.brussels, via fusion avec Impulse et Bruxelles Invest & Export (BIE), la plate-forme s’est tout d’abord focalisée sur les données commerçantes des principaux quartiers bruxellois mais compte bien étendre la perspective à d’autres dimensions de l’économie et de l’animation régionales (mobilité, environnement…).

L’objectif du projet analytics.brussels, comme l’explique Julien Bacq, directeur recherche et développement chez hub.brussels, est de disposer d’un outil d’intelligence urbaine qui autorise une analyse plus fine et pertinente de la situation et des perspectives de développement, par exemple pour le réaménagement de quartiers, l’implantation de nouvelles activités, le lancement de projets…

Centraliser pour mieux diffuser

La plate-forme analytics.brussels est le fruit de la conjonction de données “historiques” (pré-existantes) qui étaient disséminées dans diverses bases, auprès de divers acteurs (dans le temps, Atrium comptait pas moins de 20 antennes locales), et de données nouvellement générées, réactualisées “régulièrement”. Une régularité qui, encore à l’heure actuelle, demeure épisodique mais qui, à l’avenir, devrait se faire plus fréquente en s’appuyant sur des collectes d’informations plus modernes (on le verra plus loin, l’évaluation des moyens potentiels à mettre en oeuvre fait encore l’objet d’une réflexion).

De quelles données parle-t-on? Tout d’abord, des informations sur les quelque 25.000 ”commerces” bruxellois (points de vente, locaux commerciaux…) qui, jusqu’ici, font l’objet d’un recensement tous les deux ans. Ensuite, les résultats d’enquêtes de quartiers, effectuées en tournante tous les trois ans dans 60 quartiers de grande affluence (20 par an), via sondage auprès des passants. Objectif: comparer le “profil” socio-économique des personnes qui fréquentent ces quartiers avec celui de leurs résidents. “Cela permet par exemple à un candidat commerçant de déterminer si son concept est viable…”, explique Juan Vazquez Parras, géomaticien et responsable du projet analytics.brussels.

Troisième type de données: les statistiques de comptage (manuel) de passants. Chaque année, pendant une semaine, les piétons sont simplement comptabilisés dans les 60 quartiers référencés.

Pour rendre la consultation et la “consommation” de ces données et informations plus accessibles et digestes pour tout intéressé (simple citoyen, commerçant existant ou candidat-commerçant, association, …), hub.brussels a compilé, harmonisé ces données, les a injectées dans la plate-forme et les a pré-traitées afin de les présenter sous forme de cartes et de graphiques.

Juan Vazquez Parras (hub.brussels): “Contrairement au portail Open Data Store de la Région qui ne propose que des données brutes, la plate-forme analytics.brussels et ses produits sont directement utiles pour des utilisateurs – par exemple de futurs commerçants – qui n’ont pas de compétences particulières en manipulation et analyse de données.”

Le premier ”produit” publié est le Baromètre des quartiers commerçants. Les internautes peuvent le consulter et choisir leurs pôles d’intérêt, sélectionner et filtrer l’information par quartier, catégorie de commerce, effectuer des requêtes par sélection de critères (volume d’activité, densité, âge ou niveau de revenu de la population locale, types de moyens de transport desservant la zone…). “Nous proposerons plus tard un filtre temporel afin de pouvoir visualiser l’évolution de la situation d’un quartier dans le temps”, ajoute Juan Vazquez Parras.

D’autres “produits” suivront. Exemple: des études sectorielles, proposant la typologie des établissements. “Cela permettrait de déterminer le type d’entreprises ou d’établissements implantés dans telle ou telle zone, de cartographier les conditions d’accès à une profession, celles à remplir pour lancer tel ou tel type d’entreprise…”

Un autre produit pourrait prendre la forme de “fiches” sur les caractéristiques de marchés à l’exportation, qui détailleraient les spécificités de chaque destination et, dès lors, les choses auxquelles les sociétés désireuses de s’y implanter ou d’y faire des affaires devront faire attention.

Pour technophiles et technophobes

”Contrairement au portail Open Data Store de la Région, qui impose à ceux qui le consultent d’avoir un minimum de compétences en manipulation de données pour pouvoir tirer parti des fichiers open data qui y sont proposés, notre plate-forme propose des analyses toute faites, présentées sous forme de graphiques, cartes et autres tableaux de bord de telle sorte à être compréhensibles et utilisables par tout le monde”, souligne Juan Vazquez Parras.

Mise en ligne en décembre 2017, analytics.brussels n’a pas encore fait l’objet d’une réelle campagne de promotion. “Une seule session d’information a été organisée pour un public restreint mais le bouche-à-oreille a déjà eu ses effets. Nous comptons désormais 400 utilisateurs, hors équipe hub.brussels.”

Profils? “Des bureaux d’études, des bureaux immobiliers spécialisés dans les commerces, de futurs commerçants voulant se documenter avant de se lancer, des associations de quartier, mais aussi des responsables communaux qui veulent avoir une vue plus objective sur ce qui se passe sur leur territoire.”

La plate-forme n’existe encore qu’en version anglaise. Elle devrait devenir trilingue d’ici la fin de l’année.

 

Ce n’est toutefois là qu’un premier pas.

Le but est également de mettre les données à disposition de développeurs, entreprises, start-ups, chercheurs, statisticiens et consorts, via publication (d’ici le début 2019) d’une API actuellement en cours de finalisation.

“L’API, en fait, existe déjà mais nous ne l’avons pas encore ouverte au tout venant afin de procéder à des tests et debuggings avec quelques utilisateurs bêta – notamment Inoopa, start-up qui propose notamment un service d’évaluation de maturité pour des commerçants désireux de se lancer dans la vente en-ligne.”

Autre partenaire-testeur de la première heure, la start-up Joyn qui, par ses activités (solutions de marketing digital et de gestion de la fidélité client), permettra d’enrichir les données dont dispose hub.brussels. En l’occurrence, via des informations sur le type de dépenses des clients fréquentant les commerces bruxellois.

“Leurs données permettront par exemple d’identifier les types de dépenses, par ailleurs géolocalisées, qu’il serait utile de satisfaire par de futurs entrepreneurs et d’aider ainsi des agences locales, telles qu’Atrium, à conseiller des candidats-commerçants.”

Collecter plus avec de nouveaux outils

On l’a vu, les données “historiques” sur lesquelles la plate-forme et son premier “produit” ont été construits sont, pour certaines d’entre elles, encore parcellaires. Les sondages et enquêtes de terrain ne sont en effet qu’épisodiques, selon une fréquence qui oscille entre une semaine par an (pour le comptage de fréquentation… pédestre) et une enquête tous les trois ans.

Nettement insuffisant, bien entendu, pour prendre le pouls d’une ville ou d’un quartier et juger de la situation réelle, actuelle, voire des projets à mettre en oeuvre à court terme ou en réaction à une situation. Il faudra donc à l’avenir collecter plus régulièrement (ou fréquemment), au long cours, et de manière à la fois plus précise, granulaire et “multi-modale”. Mais aucune décision n’a encore été prise quant à la ou aux méthodes à favoriser: capteurs, caméras, données télécom, balises, compteurs automatiques dans les vitrines de magasins ou aux arrêtes de bus…

“Nous évaluons actuellement la manière de procéder afin d’accentuer la précision tant géographique que temporelle”. Une analyse qui doit prendre en compte à la fois des paramètres de coût et d’applicabilité. La publication de l’API pourrait, en la matière, s’avérer utile en débouchant sur des développements complémentaires ou sur un accès à d’autres sources de données – tant privées que publiques.