3B Fibreglass: quand la simulation rêve de temps réel

Pratique
Par · 15/02/2018

3B Fibreglass est une société spécialisée dans la fabrication de fibres de verre. Ses marchés stratégiques: le secteur automobile (pièces de moteur, systèmes ignifuges, systèmes de refroidissement, isolateurs électriques, connecteurs, hayons…), l’énergie (pales d’éolienne…) ou encore l’aérospatial, grand consommateur de matériaux composites que vient renforcer la fibre de verre. Cette dernière se retrouve également dans des matériaux composites pour tankers, tuyaux renforcés, isolateurs électriques…

Filiale du groupe indien Braj Binani depuis 2012, après avoir appartenu pendant plus de 40 ans à l’américain Owens Corning, la société dispose à Battice, dans la région de Liège, de l’un de ses trois sites de production mondiaux. La moitié du tonnage produit par le groupe sort d’ailleurs de l’usine de Battice dont le chiffre d’affaires est assuré à 90% à l’export.

La simulation, instrument vital

Le site sert également de centre de R&D pour l’ensemble du groupe. Dans un marché très concurrentiel, dans un secteur où la recherche de nouveaux produits, débouchés et innovations est indispensable pour la survie, le siège belge fait un recours intensif à des outils de modélisation mathématique et numérique.

“Il y a encore une dizaine d’années, ils n’étaient utilisés que de manière ponctuelle, au niveau des filières [Ndlr: dispositifs en forme de canaux percés de trous qui permettent de transformer le magma qu’est la matière première en fibres et filaments de verre]. Aujourd’hui, ils interviennent dans tous les processus de fabrication de la fibre de verre – depuis le four jusqu’à l’étuvage”, indique Christophe Waucquez, Modeling Technology Leader chez 3B.

La fibre de verre, un matériau dont les qualités conviennent à de multiples secteurs… Source: 3B Fibreglass.

“Nous utilisons des modèles mathématiques et des outils de simulation numérique pour prédire le comportement des processus. La modélisation est une aide précieuse à la conception, à l’optimisation et au contrôle des procédés qui se doivent d’être stables et parfaitement maîtrisés afin de garantir la qualité des produits et la longévité de l’outil industriel.”

Les outils de modélisation, souvent très spécifiques, sont ainsi utilisés pour optimiser la conception et la gestion des filières, l’étude et l’optimisation des gaz de combustion dans les fours, la conception de ces fours proprement dits, le calcul des effets électromagnétiques…

“Au niveau des fours et des filières, l’uniformité thermique est critique pour nos procédés chauds qui font intervenir de nombreux paramètres multi-physiques (écoulement des fluides, mécanique des solides, effets thermiques, intégrité des structures, rayonnement électromagnétique…). La simulation numérique nous permet de prédire le comportement d’un four, de comprendre les paramètres physiques sous-jacents, de manipuler les différents paramètres qui déterminent le bilan énergétique, par exemple la température d’entrée, la tirée, la section de la fibre…”

Flux d’air de refroidissement dans une position de formage de la fibre de verre. L’air accélère au contact des fibres, ce qui a pour effet de modifier les phénomènes de transfert de chaleur entre les fibres et l’environnement.

3B ne se contente pas de produire la fibre de verre. La société est également co-artisan des équipements auxquels elle a recours. “Les fours sont conçus et dessinés chez nous, par notre propre équipe d’ingénieurs, et fabriqués selon nos plans. Et ce qui est vrai pour les fours, l’est aussi pour les filières et pour les différents éléments de la chaîne de production de la fibre de verre.”

La composition, la qualité, le comportement de la fibre de verre varie par ailleurs en fonction de l’utilisation qui en sera faite dans tel ou tel secteur, en liaison ou au coeur de tel ou tel matériau composite, en respect de telle ou telle propriété physique. D’où la nécessité de modéliser le plus finement possible…

La simulation numérique permet non seulement d’améliorer la qualité finale mais aussi de réduire sensiblement les coûts de développement. En passant par le concept de “jumeaux numériques”, de précieuses ressources financières et temps de développement sont épargnés.

“Le développement de filières est un processus très coûteux. Il n’est plus possible aujourd’hui de développer une filière en recourant à des prototypes. Le développement et l’optimisation par simulation numérique sont désormais incontournables”, insiste Christophe Waucquez.

Un logiciel belge à la manoeuvre

Parmi ces outils de simulation figurent plusieurs logiciels d’Ansys – et, notamment, une solution d’origine belge. Certains d’entre vous se rappelleront sans doute le patronyme de Polyflow, une spin-off de l’UCL, créée en 1988, qui fut reprise par Fluent, elle-même rachetée ensuite par Ansys.

Dès ses débuts, cette société (dont il subsiste encore aujourd’hui une équipe, au sein d’Ansys, basée à Wavre) s’est spécialisée dans la conception de logiciels de simulation de la dynamique des fluides, avec des débouchés notamment dans l’industrie chimique, verrière, métallique, cimentière…

“La production du verre et de la fibre de verre implique un processus d’écoulement. A ce stade, le verre est un fluide visqueux”, explique Christophe Waucquez. “La solution Polyflow était un must-have. Aucune autre solution n’est disponible pour modéliser et gérer correctement l’écoulement du verre.”

Compte tenu de ses besoins spécifiques, il arrive à l’équipe de Battice de 3B Fibreglass de demander à Ansys des développements spécifiques, de nouvelles fonctionnalités à ajouter à la solution Polyflow (1) et à d’autres de ses logiciels). Notamment pour un contrôle plus fin du comportement de viscosité du verre.

L’un des défis futurs sera de passer du concept de simulation à celui de contrôle temps réel. Pour ce faire, la puissance et la réactivité des outils de simulation devront être sensiblement améliorées.

“La représentation d’un modèle physique d’une filière exige encore un jour de calcul. Dans ces conditions, il n’est pas possible de procéder à du véritable contrôle [de production]. L’objectif futur sera de réduire ce délai à quelques minutes, voire à quelques millisecondes, afin de pouvoir faire de la prédiction de comportement doublée d’une dimension de contrôle.

Une autre évolution attendue – mais toujours dans le but de travailler dans des délais “davantage acceptables” – est la possibilité d’insérer dans un même canevas de surveillance un nombre accru d’éléments physiques connectés. “Le but est d’en arriver à pouvoir effectuer une seule grosse simulation à la fois des fours et des filières, chose qui n’est actuellement possible que sur des modèles réduits.”

Pour atteindre cet objectif, les équipes d’ingénieurs collaborent étroitement avec les concepteurs des logiciels Ansys, pour enrichir ou ajouter de “nouveaux modèles mathématiques ou physiques, évoluer vers de la parallélisation de calculs ou encore réduire les équations à résoudre.”

Source: 3B Fibreglass

S’y ajoute l’incontournable dimension “big data”. L’optimisation des processus et l’optimisation numérique exigent en effet de collecter d’immenses volumes de données. Ce qui débouche sur un autre défi: disposer de “logiciels capables de stocker les résultats des collectes mais surtout d’en extraire les éléments intéressants.”

Dans la veine de l’avènement de l’“industrie 4.0”, 3B Fibreglass a elle aussi multiplié les capteurs intégrés aux équipements – notamment aux fours. Objectif: toujours ce contrôle temps réel de la production et l’aptitude à décider plus rapidement et plus efficacement des modifications à apporter pour un meilleur “comportement” de l’outil de production. “Nous avons ainsi fait adapté à nos besoins spécifiques la solution BrainCube, un logiciel de collecte de données provenant de différents types de capteurs qui nous permet de réaliser des traitements statistiques pour assurer le suivi de la production, prévenir les incidents et procéder à de la maintenance prédictive.

A terme, nous voulons combiner cette solution à d’autres éléments afin de faire remonter l’information vers un système centralisé qui nous donnera une vue globale de la production. L’information pourra alors être accédée au départ de n’importe quel système, en ce compris à partir d’un simple smartphone, ce qui permettra d’intervenir à tout moment, au départ de tout endroit.”

(1) Aujourd’hui, la solution Polyflow est commercialisée par Ansys sous le nom de CFD Enterprise (CFD, comme dans Computational Fluid Dynamics), recouvrant à la fois des produits Polyflow et Fluent. [ Retour au texte ]