Xperthis: d’éditeur à “consolidateur” de solutions e-santé

Portrait
Par · 21/11/2017

Le moment choisi n’était peut-être pas idéal mais il a en tout cas eu le mérite de se formaliser et de ne pas se produire trop tard. Voici un peu plus de deux ans ans, Xperthis, elle-même la résultante de la fusion de 3 sociétés (Polymedis, Partezis et Xtenso), procédait à l’acquisition de deux nouvelles sociétés locales, actives dans les solutions médicales: d’une part, MIMS, auteur de la solution OmniPro, et de l’autre, Ciges, avec son bDoc.

Et voilà que NRB, la maison-mère, se retrouvait avec un éventail de solutions quelque peu redondantes, jusque là concurrentes sur le marché, basées sur des éléments technologiques pas vraiment alignés.

Pour résoudre et faire disparaître ce côté hétéroclite, trois options. Redévelopper une solution unique, cohérente et harmonisée, à partir de zéro. Ce qui aurait impliqué un gigantesque et long, trop long, chantier.

Intégrer les différentes solutions, en sélectionnant et combinant des fonctions et applications existant de part et d’autre. Une piste qui impliquait malgré tout d’aligner les technologies et une analyse précise des “écarts fonctionnels” entre les différents produits.

Abandonner une solution au profit d’une autre. Mais quid, dans ce cas, des utilisateurs soudain forcés de migrer vers une solution qu’ils n’avaient pas plébiscitée au départ? Et dans quel délai concret pour la “grande bascule”?

Après une assez longue période d’évaluation des solutions et des options, et après avoir revu quelque peu le scénario en cours de route, la stratégie choisie par Xperthis fut de jouer la carte de l’intégration, tant vis-à-vis de l’existant qu’en prévision de futures briques fonctionnelles. Et, sous ce prisme-là, la solution qui ressortait du lot était celle de Ciges, bâtie sur la plate-forme technologique d’Intersystems (Caché, HealthShare…), et qui présentait en outre l’avantage, selon Xperthis, d’être technologiquement plus récente que la solution OmniPro de MIMS. Voir la note “bDoc plutôt qu’OmniPro ou H++” en fin d’article.

C’est donc bDoc qui a servi de socle majeur pour le développement (en cours) de la nouvelle génération baptisée Xperthis Care.

La fin du patchwork

Plusieurs contraintes ont déterminé ce choix. D’une part, la redondance – et grande similarité – fonctionnelle des solutions en portefeuille (Ciges, MIMS, Polymedis). D’autre part, l’hétérogénéité des solutions déployées sur le terrain, chaque solution hospitalière (dossier patient informatisé, dossier infirmier…) ayant été développée de manière différente, avec divers acteurs, selon des fonctionnalités différentes et sans forcément d’intégration entre les différentes “briques”.

S’y ajoutent encore les investissements réalisés dans des applications plus verticales, ou dans des “silos” métier – radiologie, gestion du bloc opératoire, labos, pharmacie… “Ce sont là des fonctions verticales fortes. La seule manière d’englober le tout est d’intégrer cet écosystème dans un DPI transversal”, indique Philippe Neumann, Chief Strategy Officer chez Xperthis.

Philippe Neumann (Xperthis): “Notre démarche consiste à favoriser le trajet transversal du patient, à consolider le marché et à protéger les investissements verticaux effectués par les clients hospitaliers.”

Autre contrainte: la pression croissante qui vient des autorités publiques qui pressent les hôpitaux de déployer leurs DPI à court terme et conditionnent de plus en plus l’octroi de subsides et de financements à l’existence de ce “trajet patient informatisé” et au respect des critères BMUC (Belgian Meaningful Use Criteria). Ce “BMUC” impose aux hôpitaux d’inclure dans leur implémentation DPI un certain nombre de fonctionnalités de base, sans lesquelles ils ne seront pas jugés conformes et n’auront dès lors pas droit à un financement public.

 

Un autre phénomène, extérieur à la fois à Xperthis et au contexte réglementaire belge, a également influencé le choix d’Xperthis. En l’occurrence, “l’arrivée sur le marché de grands acteurs internationaux, proposant une solution monolithique, avec l’ambition de remplacer toutes les applications verticales et horizontales développées pour les hôpitaux belges au fil du temps.”

Impossible de faire barrage à ces grands acteurs. Impossible aussi d’en nier l’existence et la force de persuasion qu’ils exerceront. La seule réponse possible est de garantir aux hôpitaux que, quel que soit leur choix, NRB/Xperthis pourra demeurer une pièce majeure du puzzle, en jouant la carte de l’intégration.

Du produit à la “plate-forme”

“Nous sommes passés d’une approche produits à une stratégie de “plate-forme médicale”, cette plate-forme faisant en quelque sorte office de colonne vertébrale pour toutes les informations ayant trait au trajet patient. La solution proposée doit permettre aux hôpitaux de répondre à leurs propres besoins, en ce compris au phénomène croissant de l’hospitalisation à domicile.”

Autrement dit, souligne Philippe Neumann, “Xperthis n’est plus un pur éditeur. Notre métier est celui d’intégrateur. Cela implique que nous ne voulions plus à toute force tout développer nous-mêmes mais que nous ouvrions la perspective de telle sorte à pouvoir également intégrer des solutions de start-ups ou d’acteurs internationaux.”

D’un concept de produits à celui de “plate-forme médicale”.

Un exemple de ce qu’Xperthis estime ne pas devoir être développé par ses propres équipes? “Un moteur de recherche sémantique opérant sur les dossiers patient historiques.”

Par contre, les fonctionnalités “coeur de métier” (DPI, dossier infirmier, prescription médicale…) continueront d’être développées par Xperthis.

Intégrer de manière “proactive”

Xperthis opère donc désormais selon trois modes parallèles: poursuite des développements de sa propre solution (la plate-forme Xperthis Care), déploiement d’outils et de capacités d’intégration, et recherche de partenariats, pour compléter l’offre ou innover dans certains axes. “Cette recherche proactive de partenariats est une voie importante pour nous”, souligne Frédéric Robinet, business lead manager.

Quels sont ou seront ces partenaires? Il y aura tout d’abord de grands acteurs reconnus, locaux ou internationaux, qu’ils soient éditeurs de solutions de gestion (ERP…) ou prestataires de services (gestion de données, analytique…).

Il y aura ensuite le champ “expérimental”. “Des secteurs qu’on sait devoir explorer mais qui n’ont pas encore fait leurs preuves et pour lesquels il faut encore déterminer la manière de les intégrer dans le trajet de soins.” Pour ces solutions encore “expérimentales”, Xperthis dit privilégier des acteurs locaux – avis aux start-ups ! Pour diverses raisons: “proximité métier et proximité relationnelle, aptitude de la société à “pivoter” en souplesse, à réorienter son idée, à trouver des cas d’usages…”

Deux conditions à remplir pour espérer séduire Xperthis et devenir partenaire: “faire la preuve de sa maîtrise technologique et d’un potentiel de masse critique”.

Enfin, troisième voie explorée par Xperthis pour l’identification de nouveaux partenaires pouvant venir enrichir sa stratégie de plate-forme médicale: “la veille que nous effectuons en permanence au travers de nos clients [les hôpitaux] qui ont parfois donné naissance eux-mêmes à des spin-offs. Nous restons ainsi au courant des tendances qu’ils détectent, des projets de recherche…”

Dans ce monde en effervescence des porteurs de projets technologiques, start-ups et spin-offs, Xperthis pratiquera-t-elle de préférence par partenariats ou par acquisition?

Même si les deux options sont retenues, la voie de l’acquisition n’est pas privilégiée pour l’instant (il est vrai qu’il lui faut encore terminer l’exercice de “digestion” de ses précédentes acquisitions pour “garantir la cohésion et un sentiment d’appartenance autour du nouveau projet”).

Xperthis favorise donc davantage la piste du partenariat (avec une spin-off ou start-up) ou l’intégration de certaines compétences en matière de processus métier, par exemple pour ceux “qui dépassent le cadre de nos produits, tels que l’efficacité des processus logistiques dans le monde hospitalier.”

Pour demeurer aux aguets et “rebondir” sur de nouveaux besoins, la société a ainsi constitué, en interne, une entité de consultance – baptisée Smart Care Consulting. “Elle fait office d’incubateur pour ce qu’on appelle le funnel [entonnoir] d’idées.”

Cette cellule se concentre à la fois sur la transformation des processus métier (hospitaliers) et sur les potentiels de l’analytique. “Le BMUC Cockpit en est la première concrétisation. Cette solution aide en effet les hôpitaux à implémenter l’analytique dans leurs pratiques quotidiennes, tant au niveau médical, gestion budgétaire, besoins en ressources humaines…”

Balises pour l’innovation

Le respect de nouvelles contraintes légales ou réglementaires, belgo-belges ou non, constitue l’une des balises majeures, dans le chef d’Xperthis, pour orienter ses développements.

D’autres facteurs de transformation du secteur des soins de santé influent aussi sur ses décisions et choix d’innovation. “Les hôpitaux doivent relever de multiples défis. La perspective de l’arrivée des réseaux hospitaliers – même si on ne connaît pas encore la forme qu’ils prendront – va les obliger à collaborer. Certains “métiers” ne seront plus exercés qu’à certains endroits de ces réseaux”, commente Frédéric Robinet.

“La gestion transversale des données sera dès lors un défi important. Par exemple, pour pouvoir identifier des patients enregistrés dans deux DPI ou solutions TarFac [tarification/facturation] différents. Ou pour identifier un médecin qui officie dans différents endroits de ce réseau. Idem pour l’identification des produits pharmaceutiques, des fournisseurs… Ce sera l’affaire d’un master data management.”

Frédéric Robinet (Xperthis): “La gestion transversale des données sera dès lors un défi important dans la perspective d’un fonctionnement en mode réseaux hospitaliers.”

“Autre phénomène déterminant, dès 2018: la forfaitarisation. De plus en plus, les critères économiques détermineront les choix des hôpitaux de n’assumer que tel ou tel métier au sein du réseau. On va assister à un phénomène d’industrialisation de telle ou telle fonction. Le mode de calcul (coûts, rentabilité) va s’aligner sur le principe de l’activity- ou case-based costing

Les nouveaux modes de fonctionnement [imposés par le SPF Santé] auront inévitablement un impact sur les solutions – dont Xperthis Care. Il nous faut prendre en compte les nouveaux processus et flux des hôpitaux dans leur nouvel environnement.”

Autre réalité nouvelle: le désenclavement de l’hôpital en raison du principe de “continuité des soins”, “avec un trajet patient qui déborde en amont et en aval de l’hospitalisation. Télémédecine, surveillance à domicile des paramètres vitaux… sont rendues possibles par de nouvelles technologies. Reste à définir le cadre de financement.”

Et c’est loin d’être anodin ou neutre pour le visage que prendra Xperthis Care. “Il faut atteindre différents objectifs: améliorer l’expérience patient, réduire les coûts par patient, augmenter la qualité de la santé et diminuer les temps d’hospitalisation via activation de nouveaux modes de délivrance des soins.”

Un trajet encore long

Le développement de la “plate-forme” Xperthis Care est en cours. Et prendra encore “un certain temps.” Voir, ci-dessous, la ligne de temps que prévoit la société.

Les besoins du secteur hospitalier continuant d’évoluer, Xperthis ne peut évidemment pas se permettre de geler totalement les développements des solutions pré-existantes. “Le marché ne s’arrête évidemment pas. L’un des exemples en est le BMUC, qui nous a conduit à développer la solution BMUC Cockpit (relire notre article à ce sujet). Nous continuons donc d’accompagner nos clients. Pour les clients H++ et OmniPro, toute demande d’apport d’innovation doit se faire en concertation entre l’hôpital et nous.

De plus en plus, notre optique pour l’ajout d’innovation est celle de l’intégration d’éléments tiers. Les principaux facteurs d’évolution sont surtout des considérations légales, qui sont la principale préoccupation, à l’heure actuelle, des hôpitaux.

Toutefois, le respect de nos engagements contractuels est évidemment essentiel. Si les évolutions fonctionnelles ont été consignées dans les cahiers de charges, nous les concrétiserons.”

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bDoc plutôt qu’OmniPro ou H++

Entre OmniPro et H++, il n’y avait pas réellement de recouvrement, la première étant une solution DPI (dossier patient informatisé), la seconde une solution DII (dossier infirmier informatisé). Les deux solutions coexistent d’ailleurs souvent au sein d’un même hôpital.

bDoc et OmniPro, par contre, se faisaient nettement plus concurrence, la seconde étant largement plus répandue dans les hôpitaux du sud du pays que sa collègue d’origine hennuyère.

Côté purement fonctionnel (fonctions de gestion médicale), OmniPro et bDoc étaient largement similaires, “avec quelques différences en termes de puissance fonctionnelle sur l’un ou l’autre point”. Mais rien qui fasse réellement pencher la balance d’un côté ou d’un autre.

OmniPro, toutefois, a été désavantagé par le fait que la solution s’appuyait sur une technologie plus ancienne et que la décision de Microsoft d’arrêter le support d’anciennes générations imposait des redéveloppements (chose que MIMS, à l’époque où elle était encore une société indépendante, pouvait difficilement assumer).

On l’a vu, ce sont les caractéristiques technologiques et architecturales de la plate-forme d’Intersystems, sur laquelle s’est bâti bDoc, qui ont joué un rôle important dans le choix d’Xperthis.

Trois “composantes” en sont les socles: base de données Caché, mécanismes d’interopérabilité HealtShare et langage de programmation COS.

“bDoc a été architecturé en fonction de l’organisation des données qui gravitent autour du patient et non pas en fonction d’un acteur de soins en particulier”, souligne Philippe Neumann. “La plate-forme technologique d’Intersystems est plus puissante, en termes d’intégration, et garantit le développement de couches technologiques supplémentaires dans lesquelles nous ne devrons pas investir nous-mêmes. C’est là un accélérateur intéressant pour la mise en place de notre plate-forme en mode écosystème.”

Pour ce qui est du volet gestion financière et logistique, il y aura, là aussi, “consolidation technologique” entre les solutions existantes (ADT/TarFac et ERP4HC). Nouveau socle commun: SAP HANA. Une harmonisation fonctionnelle sera réalisée entre les deux solutions (tant au niveau applicatif qu’analytique/aide à la décision).  [ Retour au texte ]