WSL: “deep tech” et racines profondes

Portrait
Par · 07/03/2019

Profitant, fin de semaine dernière, d’une visite du Ministre-Président Willy Borsus, venu au Val Benoît à Liège pour une rencontre-bilan, l’incubateur technologique WSL présentait les résultats d’une évaluation internationale réalisée par UBI Global à laquelle a participé le WSL pour comparer ses “performances” à celles d’autres incubateurs “deep tech”.

Leurs caractéristiques communes?
Un financement public, généralement pas de prise de participation financière dans les sociétés incubées et/ou accompagnées, un lien étroit avec la recherche appliquée (universitaire ou industrielle), une focalisation sur les “deep tech” – les technologies de rupture dans un large éventail de domaines ingénieriques (depuis l’industrie jusqu’à l’espace ou la santé, en passant par les nanotechnologies, l’environnement, les biotech…).

Parmi les critères d’évaluation retenus par UBI Global, citons l’impact sur l’écosystème économique local, la rétention des talents, la valeur dégagée au profit des start-ups accompagnées (développement de compétences, parcours vers le financement…), l’afflux de dossiers, ou encore le degré de survie/pérennité post-incubation, tant à court qu’à moyen terme.

Mieux que la moyenne

Cette évaluation est, dans l’ensemble, positive pour le WSL. Score global obtenu: 44 sur 100 – “mieux que la moyenne qui est de 36”, souligne Agnès Flémal, directrice du WSL. A noter que les meilleurs obtiennent un score moyen de 60.

“Nous enregistrons un résultat particulièrement intéressant – 80 sur 100 – dans l’axe Développement de compétences.”

En termes de chiffre d’affaires cumulé généré par les sociétés passées par l’incubateur WSL, “nous faisons quatre fois mieux que la moyenne internationale et près de trois fois mieux que la moyenne européenne. Et le rapport UBI salue le nombre exceptionnel d’heures d’accompagnement que nos coachs et mentors consacrent à nos start-ups.”

Autre indicateur: la probabilité de lever des capitaux, à commencer par l’étape du pré-amorçage (seed). Là encore, le WSL fait mieux que la moyenne internationale. Score du WSL: 48 alors que la moyenne globale est de 32 et la moyenne des meilleurs de 57. Si l’on réduit l’optique à la scène européenne, le WSL, avec son score de 48 dans cette métrique, fait également mieux que la moyenne (38). Les meilleurs incubateurs deep tech européens atteignent, eux, une moyenne de 57. Dans l’ensemble donc, plutôt pas trop mal quand on est un acteur belge…

Le bilan du WSL, en quelques chiffres

Depuis sa création en 2000 jusqu’à fin 2018, le WSL a réceptionné près de 700 demandes d’accompagnement et d’incubation de jeunes pousses (start-ups ou spin-offs)
475 candidatures ont été formellement posées
183 conventions ont été passées
158 sociétés ont été créées (15 sont actuellement au stade de projet)


– chiffres d’affaires cumulés de toutes les sociétés passées par le WSL: 607 millions d’euros
– estimation d’emplois directs créés par ces sociétés: 866; taux de création annuel: 11%
– parmi les plus belles “valorisations”: Lasea, Micromega, Lambda-X, Nomics, Ampacimon, Ionics
– quelques acquisitions aussi: IPTrade racheté par BT, RFIdea par Siemens, Euro Heat Pipes par Airbus, Neo&Ides par Greisch…

Les choses à améliorer

L’évaluation d’UBI Global pointe toutefois quelques éléments nécessitant d’être améliorés et/ou réorientés. Parmi eux, ce que les responsables de l’étude qualifient de “rétention des talents”. Le WSL n’y obtient qu’un score de 23 alors même qu’il obtient une bonne note dans un domaine qui paraît pourtant très proche. A savoir, le fait que “toutes les entreprises accompagnées s’installent dans la région”.

Contradiction?
Pas vraiment, explique Agnès Flémal. Le critère “rétention de talents” est composé de deux paramètres: le nombre de start-ups acceptées dans le programme – “un KPI dont la pondération est importante” – et l’établissement des start-ups, après leur passage au WSL, dans une zone géographique proche. De manière spécifique, “à une heure de trajet, ce qui favorise les contacts en présentiel”.

UBI Global estime que le nombre de candidatures émanant de porteurs de projets de la région ou des régions proches est relativement faible.

“Pour améliorer notre score “rétention de talents”, il nous faudrait donc augmenter le nombre de dossiers acceptés”, déclare Agnès Flémal. “Le réservoir de dossiers ingénieriques, universitaires, n’est pas forcément illimité mais il y a certainement plus de clients potentiels. Il s’agira de communiquer plus et mieux. Mais sans pour autant diminuer la qualité des dossiers. Il faudra donc des moyens supplémentaires et cohérents, sans tomber dans la facilité.”

Autres points faibles aux yeux d’UBI: peu d’événements (co-)organisés, et pas encore d’entrée en Bourse parmi les start-ups ou spin-offs accompagnées.

Agnès Flémal (WSL): “Participer à la ré-industrialisation de notre région en intégrant l’ensemble des projets “deep tech” dès le stade de l’incubation jusqu’à l’internationalisation.”

Suite à l’analyse du rapport UBI et des résultats d’une étude de satisfaction effectuée auprès des “alumni” du WSL, une série d’actions ont été identifiées qui seront intégrées au prochain plan à présenter au conseil d’administration quelques jours. On devrait en savoir plus d’ici quelques semaines sur les éventuelles nouveautés et/ou sur les priorités qui seront définies pour l’avenir.

Agnès Flémal, pointe toutefois déjà quelques-uns de ces points à améliorer: renforcer l’axe communications “vers et entre membres”, apporter davantage de support aux processus commerciaux complexes des start-ups incubées, améliorer le support apporté pour la recherche de financement (en particulier pour les spin-offs), renforcer les relations avec les acteurs publics et institutionnels, s’associer davantage à des acteurs industriels ou “facilitateurs” (pour progresser dans les champs financement et commercialisation). Notamment afin d’“amener plus rapidement à maturité des projets à haut potentiel et leur donner, dès la finalisation de la recherche appliquée, les moyens de tester le marché”.

Vive l’ancrage local

A l’issue de sa visite, Willy Borsus semble avoir attribué une bonne note à WSL, estimant que son action correspond à plusieurs de ses “convictions profondes” en matière d’entrepreneuriat en Wallonie. Voir ci-dessous.

Parmi les indicateurs qu’il dit principalement apprécier, au-delà du nombre de sociétés accompagnées efficacement et d’emplois ainsi créés, il y a le taux de survie à long terme (95% selon les statistiques du WSL) et ce que le Ministre-Président wallon appelle la “rétention positive”, “sans externalisation d’activités et perte de return pour la Région.” Il fait ici référence au fait que 100% des sociétés accompagnées jusqu’ici par WSL sont restées ancrées en Belgique, même si un certain nombre d’entre elles ont été rachetées par des sociétés ou groupes étrangers (voir notre encadré “Bilan chiffré de WSL” ci-dessus).

Venons-en à ces “convictions profondes” qu’évoquait Willy Borsus: “La Wallonie a clairement besoin de davantage d’entrepreneurs”, déclarait-il en substance. “Il faut encore plus de gens qui se lancent. Une tendance au goût d’entreprendre est en train de s’affirmer. La volonté est croissante, à tout âge, en ce compris du côté des plus de 50 ans mais le mouvement doit encore se déployer et s’amplifier.

Il faut davantage investir dans les métiers de l’ingénieur. C’est crucial pour notre avenir, notamment en raison des opportunités digitales, du besoin d’innovation, de renouveau des processus et des services. A cet égard, mon but est qu’il y ait, chaque année, de 10 à 15% d’inscriptions en plus dans des filières technologiques – notamment numériques.

Il faut ensuite que ceux qui se lancent trouvent aisément un accompagnement particulièrement professionnel afin que l’on puisse transformer une bonne idée en bon projet, un bon projet en projet solide et ensuite le projet solide en entreprise pérenne. Pour pouvoir franchir chacune de ces étapes, il faut une structure qui donne toutes ses chances au projet. A cet égard, je voudrais souligner le bon travail de WSL.”

Willy Borsus: “Les jeunes aspirent à contribuer davantage, sociétalement, à l’évolution de la société. Dans une large mesure, les métiers technologiques rentrent dans ce modèle.”

Petit retour sur ce “but” qu’annonce le Ministre-Président wallon d’augmenter de 10 à 15% par an le nombre d’étudiants inscrits dans des filières de formation à orientation technologique ou numérique. Quelle recette préconise-t-il pour y arriver?

Selon lui, il faut mettre en oeuvre davantage de mécanismes permettant aux jeunes de réellement découvrir ce qui se fait en entreprise – notamment par le biais des journées Découverte Entreprise. “Il faut que les étudiants aient une vision plus précise de ce que peut être leur avenir. Ils doivent également pouvoir réellement découvrir ce qu’est la vie d’un entrepreneur. Celui-ci doit davantage être valorisé à leurs yeux.”

Autre moyen: mieux définir le statut des filières et annoncer clairement les perspectives d’emplois qu’elles offrent. Il revient sur le “paradoxe” que souligne également son collègue Pierre-Yves Jeholet chaque fois qu’il en a l’occasion: “il a plus de 30.000 postes vacants du côté des métiers en pénurie en Wallonie et pourtant on dénombre encore 200.000 demandeurs d’emploi.”

Enfin, dernier élément à mieux exploiter selon lui: la volonté des jeunes de contribuer davantage, sociétalement, à l’évolution de la société. “Dans une large mesure, les métiers technologiques rentrent dans ce modèle. Il faut davantage démontrer comment les sociétés technologiques génèrent une contribution sociétales.”