TechnocITé: se réinventer sans cesse

Portrait
Par · 23/06/2021

21 printemps et une volonté de renouveau constante pour mieux coller à la réalité qu’est celle de la formation, des compétences, de l’évolution technologique sur les terrains du numérique, de l’informatique et des industries culturelles et créatives. Voilà comment on pourrait résumer le contexte de l’événement organisé, en ce début de semaine, par le centre de compétences ICT/ICC (industries culturelles et créatives) TechnocITé.

Basé dans le parc scientifique Initialis de Mons depuis 2008 mais avec une antenne majeure à Hornu et une présence plus récente du côté de Tournai (à l’Eurometropolitan e-campus), TechnocITé couvre, par ses activités, le territoire de Mons-Borinage (avec donc quelques débordements). Comme le soulignait Basilio Napoli, président du conseil d’administration de TechnoCité, lors de son intervention, l’ambition de TechnocITé est de soutenir le développement économique, de“rayonner davantage à travers l’ensemble du Hainaut, Wallonie picarde comprise”.

ICT et ICC

TechnocITé se positionne “à cheval” sur les domaines de l’ICT et des ICC. Un champ d’action plutôt large et varié… Autant l’IT et le numérique se composent déjà, en soi, d’un éventail hyper-varié de technologies (en explosion constante), autant l’acronyme ICC (industries culturelles et créatives) couvre une multitude de domaines – car, en la matière, TechnocITé voit large. Les ICC, à ses yeux, c’est en effet – et sans être exhaustif – les arts de la scène et du vivant, le gaming, le design, les médias, la musique, l’audiovisuel, la mue des musées et du tourisme,…
Un vaste champ donc. Positionnement choisi il y a une dizaine d’années afin de donner au centre de compétences un cachet à part entière qui le différencie de ses homologues wallons (Technofutur TIC, Technobel, Technifutur). La motivation? “Déployer une approche plus transversale du numérique, qui s’éloigne de la vision en silos-métier”.

Sécurité, IoT, IA…

La (cyber)sécurité, l’Internet des Objets, l’intelligence Artificielle figurent désormais en tête de liste des technologies sur lesquelles le centre de compétences concentrera son attention et qui seront au coeur des activités de formation (tous niveaux d’âge confondus) et d’accompagnement à l’entrepreneuriat. Mais pas pour faire de la technologie à tout prix. Plusieurs des intervenants, dont Basilio Napoli et Joyce Proot, directrice de TechnocITé, ont ainsi insisté sur la nécessité d’évaluer et de “s’interroger sur l’impact et les usages”, sur la nécessaire “maîtrise et gestion des risques liés au numérique”.

L’un des risques étant d’“être dépassé par le développement exponentiel des technologies [numériques], tant dans une optique de fracture numérique que dans celle de la pénurie des talents IT.” Ce que Joyce Proot définit comme un défi allant bien au-delà de la “fracture numérique de premier degré” que l’on connaît bien – et depuis longtemps. Le défi, désormais, se définit selon elle en termes d’“urgence sociale numérique, en ce compris pour les nouvelles générations, et avec la dimension de maîtrise tout au long de la vie.”

A cet égard, soulignait Basilio Napoli, “il est essentiel de continuer à agir à trois niveaux. Tout d’abord, la formation, en ce compris selon une démarche de reskilling, d’upskilling et de cross-skilling.

Ensuite, la mise en oeuvre de méthodes d’apprentissage actives et participatives pour embarquer plus de personnes et mieux, notamment via une approche ludique, un accompagnement personnalisé, l’importance des soft skills. Et, enfin, les partenariats à développer afin de procurer des projets concrets aux stagiaires. A cet égard, la formation en alternance est un enjeu-clé dans lequel TechnocITé devra s’investir.”

Voir plus loin la petite interview de Basilio Napoli, à l’occasion de laquelle il revient sur certains de ces points.

 

Le ministre en filigrane

Invité à l’événement organisé par TechnocITé pour son 21ème anniversaire, le ministre Willy Borsus, qui a les centres de formation du Forem dans ses attributions, s’est exprimé sur l’importance que revêt la formation et l’apprentissage du numérique à tous les stades d’une vie ou d’une carrière. Avec, en filigrane, quelques indices sur ce qu’on pourrait retrouver dans les décisions d’action, dans le cadre du programme Get Up Wallonia…

“Le premier axe de Get Up Wallonia porte sur l’acquisition de compétences, la formation continuée, la réorientation des compétences en cours de carrière.

En Belgique, seulement 40% de la population dispose de compétences numériques de base. Selon une étude récente d’Agora, seulement 1,9% des jeunes diplômés sont “experts”. Ce sont là des statistiques plus qu’interpellantes…

[…] Une modification des éléments de soutien, de coopération [entre acteurs] sera à l’agenda, pour susciter plus de vocations, inciter plus de gens faisant des choix de métier ou de création d’activités ou d’entreprises.”

Willy Borsus a au passage souligné l’importance d’initiatives telles que l’Entrepreneur Skills Center de TechnocITé, ou les actions dans le domaine du gaming qui se déroulent [notamment] en région montoise. “Il faut faire se développer substantiellement un écosystème du gaming en Wallonie. Cela passe par le tax shelter mais aussi par un financement au stade précoce de conceptualisation des projets.”

De manière plus large, il mettait l’accent sur la “créativité culturelle”. Un registre dans lequel, selon lui, “Il faut donner une dimension supérieure à l’écosystème wallon”.

 

Une ruche et un nid

Formations pour demandeurs d’emploi, pour les jeunes (dès 8 ans, en mode sensibilisation), accompagnement de projets, de futurs entrepreneurs, formation d’enseignants… Le champ d’action est vaste – tout comme c’est le cas pour tous les centres de compétences ICT wallons. Formation initiale, continuée, réorientation en cours de carrière, rafraîchissement des compétences ou acquisition de connaissances et aptitudes nouvelles… Présentiel et distanciel. Formations courtes, (davantage) individualisées, qualifiantes. Inclusion d’une dose de ludification dans les méthodes d’apprentissage.

Les défis et besoins des différents publics-cible exigent une flexibilisation de l’approche. Cette prise de conscience n’est pas neuve mais le constat posé est qu’il faut encore aller plus loin dans la prise en charge des apprenants. Notamment parce qu’ils ne sont pas toujours en mesure de bénéficier des cursus et des contenus qu’on leur propose, en raison de lacunes et de faiblesses dans leur acquis.

Voilà pourquoi, à la rentrée, TechnocITé lancera deux nouveaux programmes à destination des plus de 18 ans qui désirent s’engager dans un parcours de formation qualifiante (ICT ou ICC). Constat posé: “il arrive que les candidats [le terme utilisé est celui de “stagiaires” plutôt que d’apprenants] ne disposent pas du niveau de compétences ou de maturité requis pour accéder à la formation.”

Les deux nouveaux programmes de “mise à niveau”, d’une durée de plusieurs mois, permettront de combler leurs lacunes, afin de leur mettre le pied à l’étrier ou pour les réorienter vers des structures pédagogiques qui puissent les aider. L’objectif de ces deux programmes, baptisés Le Nid et La Ruche [organisés respectivement à Mons et à Hornu, selon que l’on parle d’ICC ou d’ICT], sera aussi d’orienter les futurs stagiaires, de leur permettre de choisir leur filière en fonction des objectifs professionnels finaux qui leur conviennent le mieux. Si une personne a clairement des compétences créatives, reste en effet encore à déterminer si elle se coulera davantage dans une perspective de design, de gaming, d’audiovisuel…

L’idée est donc d’éviter qu’un apprenant s’engage en pure perte dans une formation dont il ne peut espérer émerger gagnant. Jusqu’ici, soit ils échouaient, soit ils n’étaient pas acceptés mais étaient alors laissés à leur triste sort ou reposaient leur candidature à une formation ultérieure – toujours avec de faibles chances de réussir. “Il y avait jusque là un chaînon manquant”, explique Joyce Proot. Le Nid et la Ruche seront donc un parcours de “préparation aux pré-requis technologiques et aux soft skills”. Et ce, “dans un environnement ludique, avec un accompagnement spécifique.”

 

Petite interview avec Basilio Napoli, président du conseil d’administration de TechnoCité

 

Pourquoi lancez-vous le programme de mise à niveau [acquisition de pré-requis, technologiques ou autres] à la rentrée?

Basilio Napoli: Le constat qu’on a pu faire est que différentes catégories de personnes s’engageant dans des formations qualifiantes ne disposent pas des pré-requis nécessaires. Les embarquer dans de telles formations, c’est l’échec assuré.

Voilà pourquoi nous proposons ce parcours personnalisé, en amont, afin qu’elles acquièrent les compétences de base. Il sera parfois important de le faire selon une approche ludique mais aussi de manière la plus concrète possible. Cela s’inscrit dans le contexte de notre ambition d’inclusion sociale.

Quelles sont les principales lacunes que vous avez pu constater par le biais des expériences passées en termes de formations qualifiantes?

Le déficit se situe surtout du côté des soft skills. C’est un constat bien connu mais qui persiste. Ce ggenre de compétences ne peut être acquis qu’en “faisant”. D’où l’importance d’une approche par mise en situation.

Le problème se définit surtout en termes de connaissances de base. Le programme Le Nid et La Ruche est donc essentiellement une mise à niveau via un parcours personnalisé ou, le cas échéant, avec renvoi vers un établissement d’enseignement de promotion sociale ou autre…

Basilio Napoli (TechnocITé): “Il faut co-construire le parcours d’alternance avec chaque filière pour voir ce qui est souhaitable mais aussi praticable pour les entreprises.”

L’approche personnalisée semble prendre de l’importance…

Il est indispensable de procéder par approche via parcours personnalisé parce que, comme tous les centres de compétences, nous éprouvons des difficultés à attirer des stagiaires [lisez: des apprenants s’engageant dans une formation qualifiante]. C’est là quelque chose d’essentiel, sans quoi on ne parviendra jamais à résoudre la pénurie de talents sur le marché et à permettre à chacun(e) d’avoir sa place dans sa société de demain… Et on sait que nous n’avons plus le choix…

Innover dans la prise en charge pédagogique reste un enjeu central.

Comment l’absence ou le déficit en pré-requis est-il identifié?

L’entretien préalable permet de détecter le déficit ou le type de déficit. C’est aussi un moment-clé et une étape importante pour déterminer comment l’apprenant pourra valoriser par exemple les compétences artistiques dont il fait preuve, pour choisir parmi les différentes orientations possibles. De ce point de vue-là, le lieu d’accueil revêt donc une importance essentielle.

Vous avez également souligné, lors de votre exposé, l’enjeu de la formation en alternance…

C’est en effet un enjeu, non seulement au niveau de TechnocITé mais aussi au niveau global, comme l’a encore souligné récemment Agoria Wallonie.

J’estime que ce sujet doit être abordé et discuté sous-secteur par sous-secteur parce que leurs réalités sont différentes. Il faut co-construire le parcours d’alternance avec chaque filière pour voir ce qui est souhaitable mais aussi praticable pour les entreprises.

Il faut aussi proposer du concret pour les stagiaires. Ils doivent pouvoir travailler sur des projets d’entreprise réels, en immersion dans la vie réelle.

Les entreprises sont-elles demandeuses? Avez-vous du répondant de leur côté?

Les entreprises sont en effet partantes. Dans les domaines que nous couvrons [ICT et ICC], il y a beaucoup d’intérêt pour l’alternance. Le problème se situe davantage en termes d’organisation.

C’est pourquoi nous avons recruté une conseillère et gestionnaire de carrière, pour accompagner les stagiaires.

Mais il est vrai qu’il faut augmenter le nombre de stages possibles, surtout du côté de l’ICT classique. Et augmenter les stages n’est pas toujours évident – surtout du côté des PME, qui constituent l’essentiel du tissu local…

Quels remèdes possibles?

Trouver les bonnes formules, toujours s’adapter…

Quelles sont les sources de financement sur lesquelles TechnocITé s’appuie pour assurer toutes ses activités?

La plus importance source de financement est la Région wallonne, via le Forem, dans le cadre du financement de formations pour demandeurs d’emploi. Vient ensuite la province de Hainaut qui joue un rôle très important en mettant à disposition les locaux que nous occupons au Grand Hornu [le château Deforge (1)]. 

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(1) A noter qu’à Mons, dans le parc Initialis, TechnocITé occupe et est déjà propriétaire d’une partie du bâtiment qui a longtemps accueilli le Microsoft Innovation Center. Grâce aux fonds libérés dans le cadre du plan de relance européen, le centre de compétences pourra financer l’acquisition de la partie encore manquante du bâtiment. Le dossier devrait être finalisé d’ici quelques semaines…

Depuis trois-quatre ans, nous bénéficions en outre d’une subvention du fédéral, via le Digital Belgium Skills Fund, essentiellement pour les activités réservées aux 8-18 ans – sensibilisation, éveil aux technologies, promotion des STEM… Ces activités se font sur base de projets avec des écoles… C’est important d’“agir à la racine”, d’aider les plus jeunes à comprendre très tôt les environnements technologiques d’aujourd’hui…

En termes de sources de financement, s’ajoutent encore des financements européens (FSE, Feder, Interreg) et, dans une moindre mesure, le Cefora pour des programmes pour demandeurs d’emploi, en liaison avec le Forem.

21 ans de TechnocITé en quelques chiffres

– près de 26.000 demandeurs d’emploi formés, dont 15.000 qui ont ainsi pu se réinsérer sur le marché de l’emploi
– auxquels s’ajoutent 23.400 étudiants, 2.400 enseignants et 7.200 salariés
– un total de 220.000 heures de formations par an

Les tranches d’âge et publics visés…
– sensibilisation (dès 8 ans) via le programme DigiBirds, financé depuis 4 ans par le Digital Belgium Skills Fund (DBSF)
– à partir de 18 ans, des formations qualifiantes aux métiers ICT, notamment pour les “NEETs” et un accompagnement à l’accès à l’entrepreneuriat pour jeunes adultes venant de milieux défavorisés
– 18-65 ans: formations qualifiantes aux métiers ICT (administration réseaux, IA, cyber-sécurité, gestionnaire de projets numériques…) et ICC (motion design, community management, vidéo Web, réalité augmentée…)
– 18-65 ans: accompagnent à l’entrepreneuriat et acquisition de compétences soft skills, via notamment l’Entrepreneur Skills Center, “lieu d’éclosion de projets exploitables, à finalité marchande et non-marchande”.
– en cours de carrière: formations upskilling” -formations en entreprises, spécialisations ICC, hackathon culture, formations artech (arts et technologies), …