Take Eat Easy: ajouter du relief aux commandes de plats à livrer

Portrait
Par · 11/12/2012

Take Eat Easy est l’un des six projets qui a été “accéléré” par le programme Nest’Up. Positionnement: un site de commandes de plats à livrer, servant d’agrégateur pour restaurants. Le site liste des restaurants de qualité, qui livrent des commandes ou permettent d’emporter leurs plats.

Particularité: un système de recommandation, basé sur algorithme, qui oriente les propositions de plats en fonction des goûts personnels et du profil (personnel ou social) du client.

Commander et se faire livrer des plats à domicile. Quoi de plus basico-basique?, direz-vous. Les restos les plus en pointe utilisent désormais le Web pour afficher leurs offres, permettre aux clients de passer commande. Mais cela demeure relativement rudimentaire, Internet ayant simplement remplacé le duo brochure/téléphone.

L’idée à la base du projet Take Eat Easy est de personnaliser au maximum les choix, de permettre au client de se faire aider dans la sélection du plat qui, à tel ou tel moment, compte tenu de ses préférences, de ses envies du jour ou des circonstances, séduira le plus ses papilles et/ou ses convives. Du genre: ce midi, je mange végétarien, léger et éco-responsable. Ou, ce soir, j’invite des amis pour un petit gueuleton exotique, panaché et festif.

Au lieu de proposer un répertoire de plats possibles, alignés à la Prévert ou à la chinoise, Take Eat Easy veut distiller de l’intelligence et de la sélection assistée par ordinateur. Ou, plus exactement, par algorithme de recommandation.

L’internaute encode son adresse (pour une sélection à proximité) et ses préférences via des réglettes qui permettent d’indiquer s’il est plutôt viande ou poisson, plat classique ou original, alimentation légère ou consistance et le système sélectionne ce qui correspond le mieux à sa demande. En coulisses, l’algorithme de recommandation est à la manoeuvre. Son développement est l’oeuvre de Karim Slaoui. “Je suis parti de quelques idées qui existaient dans d’autres domaines mais qui n’ont jamais été appliquées au monde de l’alimentation.” Il y ajoute “d’autres éléments qui, mathématiquement, peuvent apporter des choses intéressantes.”

Au cours des mois à venir, il poursuivra son travail de combinaison de divers concepts mathématiques. En parallèle, l’algorithme continuera d’être affiné. Il devra notamment se construire et se nourrir sur base de données qui s’accumuleront au fur et à mesure que le réservoir de clientèle prendra de l’ampleur. A cet égard, l’équipe compte beaucoup sur l’effet viralité et communauté d’amis.

L’alchimie des goûts

La base de données existante contient essentiellement les informations concernant les plats des restaurants encodés (une vingtaine, à ce jour, situés sur Bruxelles). “Nous avons amassé plus de données sur le type de cuisine et les ingrédients des différents plats que quiconque”, souligne Adrien Roose. Reste, pour rendre les recommandations réellement pertinentes, à y ajouter l’“ingrédient” essentiel que seront les informations portant sur les goûts, préférences, affinités des clients. Pas question de collecter des données à caractère personnel. Les seules données personnelles qu’un client encode lorsqu’il s’inscrit et passe commande via le site sont son nom, son adresse (pour repérage des restos opérant à proximité) et son numéro de téléphone. “Histoire d’éviter les fausses commandes”, explique Karim Slaoui. “Quand il s’inscrit, le client reçoit un SMS contenant un code qu’il doit valider via le site.”

L’équipe de Take Eat Easy. De g. à dr.: Jean-Christophe, Chloë, Karim et Adrien.

Toutefois, certaines informations supplémentaires sont collectées lorsque l’utilisateur passe via Facebook pour s’inscrire. Des infos du genre âge, sexe… qu’il a encodées dans son profil Facebook.

Take Eat Easy collecte par ailleurs des informations plus “soft”: “nous enregistrons ce que l’utilisateur choisit afin de le conseiller par la suite. Nous enregistrons aussi son parcours sur le site.” Histoire de voir par exemple quel type de plat il recherche généralement (même s’il ne passe pas commande), le nombre de clics, son parcours de déambulation, ses hésitations, les comparaisons auxquelles il procède… “Nous travaillons aussi par analyse des métadonnées qui permettent de repérer des similitudes entre personnes. Plus que l’âge ou le sexe, ce sont les goûts qui déterminent les choix. A cet égard, ce qui compte surtout est de bien connaître l’historique de commandes de chaque personne.”

Mais aussi d’anticiper ses goûts en étudiant… son groupe d’amis sur Facebook: “des amis ont tendance à avoir les mêmes goûts”, souligne Karim Slaoui. D’autant plus que des affinités de niveaux sociaux se dessinent. Sauf que… les “amis” sur Facebook ne sont pas forcément de vrais amis, a fortiori proches et compatibles. Un tri, une fois encore mathématique, consiste à détecter les “vrais amis” via recoupement des cercles d’amis.

Pour enrichir son référentiel de données “soft”, Take Eat Easy a encore pas mal de travail à faire. Plusieurs pistes sont à l’étude, comme d’inciter les clients à participer à un jeu qui révélerait certaines de leurs préférences. Ou un système de recommandation sociale de plats entre internautes.

Phase de construction

Le site Take Eat Easy sera opérationnel au 1er janvier 2013. Pour l’heure, le site en est encore à sa phase de “pré-chauffe”. Les internautes doivent donc se contenter de saliver à la vue de quelques dizaines de plats, de s’inscrire, d’inviter des amis à les imiter.

Le catalogue de Take Eat Easy répertorie pour l’instant une vingtaine de restaurants bruxellois qui assurent la livraison de plats commandés. L’espoir est d’atteindre le chiffre de 50 fin décembre. A raison de 20 plats, en moyenne, par restaurant. De quoi avoir un catalogue suffisant au lancement du site, planifié pour le 1er janvier 2013.

Pour sélectionner ses restaurants partenaires et procurer un répertoire de qualité (en termes de cuisine) à ses clients, l’équipe s’est fiée aux ratings existants (tels ceux de CityPlug). Par la suite, l’échantillon de restaurants vivra aussi des recommandations et appréciations des utilisateurs. “L’un des buts de l’algorithme de recommandation est aussi de permettre aux usagers de commenter et coter ce qu’ils ont commandé et consommé”, souligne Karim Slaoui. “Si un plat récolte une mauvaise critique, son score dans l’algorithme sera dégradé. Il sera dès lors moins recommandé. Il y aura donc sélection et punition naturelle des mauvais plats.”

Prochaines étapes prévues? L’ajout de restaurants bruxellois ne livrant pas mais proposant des plats à emporter.

Après Bruxelles, Take Eat Easy envisage d’étendre son service à d’autres grandes villes. A l’heure actuelle, le choix n’a pas encore été fait. “Ce pourrait tout aussi bien être Liège et Anvers que des villes telles Paris”, indique Adrien Roose. Et il ne se donne pas de date-butoir pour cette deuxième étape: “nous voulons procéder de manière posée. Nous ne nous étendrons pas au-delà de Bruxelles avant d’avoir appris ce qu’il y a à apprendre, ou avant d’avoir maîtrisé le modèle et détecté un maximum de problèmes éventuels. Si nous en avons les moyens, nous ajouterons d’emblée plusieurs autres villes.”

Karim Slaoui: “Bruxelles nous servira à tester le concept, à accumuler un maximum d’indicateurs et à développer une communauté.”

Ce “si nous en avons les moyens” est évidemment une petite phrase essentielle. L’équipe de Take Eat Easy se résumera à deux personnes début 2013 et s’appuiera sur le concours à temps partiel des deux autres membres de l’équipe, encore aux études. Côté financement, la société a déjà récolté 200.000 euros auprès d’un investisseur privé. Elle en cherche 200.000 de plus “afin de financer notre déploiement sur plusieurs villes supplémentaires en l’espace d’une grosse année”, précise Adrien Roose. Ces fonds supplémentaires pourraient venir de nouveaux investisseurs privés ou de sources publiques, voire bancaires. Toutes les pistes sont pour l’heure explorées.

2013 sera aussi l’année d’un premier déménagement. Take Eat Easy peut encore utiliser l’infrastructure Nest’Up jusqu’en mars. Après, l’oiseau devra quitter le nid. Et son prochain point d’ancrage sera sans doute un espace de coworking. Histoire de continuer d’évoluer dans un “environnement motivant, dynamique et enrichissant.” Un lieu où l’équipe pourra continuer à bénéficier de l’effet d’entraide et de l’émulation de start-ups et de porteurs de projet.

Accepter de déconstruire

L’équipe de Take Eat Easy était venue à l’AxisParc avec la conviction d’avoir, sous le bras, un produit abouti, un projet prêt-à-lancer. Les premiers jours du programme furent donc rudes puisque l’équipe de coachs a pointé d’emblée la nécessité de revoir la copie. “En fait, nous avions en effet un produit mais nous n’avions pas l’entreprise”, explique Adrien Roose. “Nest’Up nous a obligés à déconstruire nos idées, à revenir sur nos bases, à ne garder que les ingrédients essentiels afin de lancer un minimum viable product.”

A cet égard, le projet initial était trop complexe. “Avant de suivre le programme d’accélération Nest’Up, notre idée était de perfectionner les détails d’un grand projet. Désormais, nous en sommes venus à une approche qui consiste d’abord à valider les étapes avant de s’intéresser aux détails.”

A cet égard, l’équipe a totalement fait sienne la philosophie défendue par les coachs de Nest’Up: mieux vaut échouer tôt que de s’apercevoir, après des mois d’efforts, que le projet ne correspond pas au marché, à ses attentes et contraintes. Conviction de l’équipe Nest’Up: un produit ne doit pas forcément être fini, fignolé, avant d’être lancé. L’essentiel est de le confronter très tôt au monde extérieur et de le faire mûrir par enrichissements et validation progressive.

Plus fondamentalement encore, Adrien Roose ajoute: “nous avons reconstruit le produit mais, surtout, nous avons construit l’entreprise. Nous avons professionnalisé les divers éléments. Et nous avons appris à avoir confiance dans nos idées.”


L’équipe de Take Eat Easy

Adrien Roose: ingénieur en gestion, diplômé de l’UCL

Jean-Christophe Libbrecht: ingénieur civil en informatique, diplômé de l’UCL, actuellement employé par une société de consultance IT. Il deviendra, d’ici fin janvier, le deuxième employé effectif de Take Eat Easy (qui a été incorporée avant même que ne démarre le programme Nest’Up).

Karim Slaoui, doctorant à l’UCL où il a suivi des études d’ingénieur civil en mathématiques appliquées.

Chloë Roose: étudiante en Arts à La Cambre et co-auteur du blog Brussel’s Kitchen, passionnée de design, de photographie et de cuisine.