Superbe Interactive: détourner l’outil IT au profit de la créativité

Portrait
Par · 28/11/2012

Deux artistes musiciens, un jour, se disent que leur art au quotidien ne suffit plus. Gaël Bertrand et Gaëtan Libertiaux se tournent d’abord vers des univers autres que celui de la musique pour explorer les méandres du numérique. Ils se sentent par ailleurs “le besoin de se frotter au monde de l’entreprise, de la dimension d’urgence, d’action et de nécessité de “délivrer” qu’elle implique”. Résultat? Superbe Interactive, une start-up qui voit le jour à Namur en 2011. Son champ d’action? “La création, le conseil et l’intégration de concepts et d’outils interactifs et technologiques” pour des réalisations à finalité commerciale, marketing, voire didactique.

“Si l’événementiel est un axe important pour nous, en raison de la forte demande qui s’y exprime, nous ne voulons pas nous limiter à ce seul terrain”, explique Gaëtan Libertiaux, l’un des deux fondateurs. “Nous visons également le didactique et le pédagogique, notamment au travers de réalisations pour des musées.”

En fait, Superbe Interactive se donne pour objectif de susciter “cette étincelle d’émotion qui jaillit lorsque le spectateur participe à la création qui lui est destinée”, explique Gaëtan Libertiaux.

Et, pour ce faire, la société exploite toute technologie ou média numérique potentiel: supports audio ou vidéo, capteurs de mouvement, de son, supports tactiles, interfaces gestuelles (telles qu’implémentées par les consoles Kinect et Wii), table interactive, tapis sensitif, puces RFID, codes QR Code, moteur pas-à-pas… Tout, aux yeux de Superbe Interactive, peut être détourné en vue de générer des interactions, une relation nouvelle, parfois décalée, entre l’utilisateur et son environnement.

Sans surprise, plus de création

La machine à “tweet-bulles”. Ou comment des plaisirs d’enfance oubliés réinventent nos ébats sociaux…

“Nous tentons de creuser un nouveau sillon technologique à chaque projet. Notre démarche consiste à aboutir au concept désiré, quelle que soit la technologie exploitée pour y parvenir. En effet, on en trouvera toujours une à utiliser ou à détourner pour arriver à nos fins.”

Résultats? Une table interactive qui révèle aux enfants le monde des animaux (une réalisation commanditée par la Commission européenne pour le Salon de l’Agriculture, à Paris). Des photomatons “esthétiques et poétiques” où les clichés sont déclenchés par des événements ou phénomènes divers, par capture de sons par exemple (tel l’éclatement d’un ballon, de quoi saisir l’expression inénarrable de ‘flashé’).

Détourner l’image, la déstructurer, suprendre en combinant divers outils numériques, exploiter une interaction ludique pour insuffler une dose de surréalisme à la Belge dans les supports de communication…

Voilà le genre de choses qu’affectionne tout particulièrement la société. Exemple décalé: un drôle de “bidule”, à installer par exemple lors d’événements, et qui permet de personnaliser ses tweets ou ses messages Facebook. Pour cela, il suffit de souffler dans l’appareil pour créer des bulles. votre visage apparaîtra alors dans un nuage de bulles servant de fond d’écran à votre message ou à votre tweet.

Superbe Interactive est aussi à l’origine de réalisations plus ambitieuses telles la modélisation 3D d’un tronçon de la Meuse, réalisée pour la Maison du Patrimoine médiéval mosan (Bouvignes) qui permet de proposer une visite en trois temps aux enfants. “Dans un premier temps, les élèves participent à une visite pédagogique sur le terrain, pour étudier l’implantation de l’homme dans certaines zones à une certaine époque. S’ensuit une visite dans le musée où ils découvrent le monde des cartes. La modélisation réalisée leur permet de naviguer en 3D au moyen d’un joystick et de procéder à la superposition de cartes- géographiques, hydrographiques…- avec des photos prises de l’endroit qu’ils ont visité. Troisième temps: le jeu. Il s’agit alors de replacer différents éléments dans le paysage: village, hommes, animaux, moulins… L’enfant participe ainsi activement à la découverte des éléments qui expliquent pourquoi l’homme s’est installé, à travers les âges, à tel ou tel endroit…”

Gaëtan Libertiaux: “cette étincelle d’émotion qui jaillit lorsque le spectateur participe à la création qui lui est destinée”.

Autre exemple: la réalisation d’un “paysage génératif” au CHR Val de Sambre à Auvelais. Le pan de mur d’un couloir se fait interactif. Le paysage qui s’y affiche et qui évolue dynamiquement est généré en fonction des mouvements détectés par des caméras. Il se crée dès lors en fonction du passage de personnes. Selon le schéma ou la vitesse de déambulation, un nuage déversera la pluie sur la terre ferme, faisant surgir de la végétation, ou dans le cours du ruisseau, d’où émergera soudain un poisson.

Garder l’esprit créatif

L’équipe de Superbe Interactive est encore fort légère. Quatre personnes, auxquelles viennent s’ajouter, au gré des projets, des compétences mises à disposition par DogStudio, société voisine dont les dirigeants sont également associés dans Superbe Interactive.

A priori, l’intention de la société est de garder une taille modeste, trapue. Même si elle ne reculerait évidemment pas devant la perspective de devoir s’étoffer pour répondre aux sollicitations de l’un ou l’autre client prestigieux qui lui ouvrirait de nouvelles perspectives. Mais, déclare Gaëtan Libertiaux, “nous ne voulons pas grandir à toutes forces. Nous voulons en effet éviter de nous disperser, de saucissonner nos réalisations. Nous voulons avant tout préserver le modèle actuel d’interaction étroite entre les membres de l’équipe.”

Autre espoir: mettre en place une cellule de R&D. Ce qui suppose de pouvoir s’appuyer sur des ressources financières nouvelles. A cette fin, une demande de subside APE (Aide à la Promotion de l’Emploi) a été introduite auprès de la Région wallonne, en vue de pouvoir engager un ingénieur.

KIKK

Loin de couper les ponts avec le monde des artistes (numériques), les fondateurs de Superbe Interactive ont eu l’envie de créer un cadre où des talents fort divers pourraient s’exprimer et s’exposer. “Gilles [Bazelaire, de DogStudio] et moi avons ressenti le besoin de partager notre vision du monde numérique et de la créativité. De propager notre vision de notre métier en la partageant avec des gens venus de tous horizons.”

C’est ainsi qu’est né le KIKK Festival de Namur qui en était, cette année, à sa deuxième édition (8 et 9 novembre). Un festival qui se définit comme un “lieu d’exploration des implications économiques et artistiques des nouvelles technologies, considérant que s’approprier ou anticiper le changement permet de le transformer en opportunité.”