Programme wallon Made Different (Industrie 4.0): les actes et les messagers

Portrait
Par · 22/03/2018

Neuf ans après la Flandre qui, sous l’impulsion d’Agoria, s’est lancée depuis longtemps dans le programme Made Different, la Wallonie a à son tour lancé en 2017, à l’initiative du programme Digital Wallonia et du ministre Marcourt, un programme d’accompagnement des entreprises industrielles dans leur mutation vers ce qu’on a pris coutume d’appeler l’industrie 4.0. Autrement dit: des processus et modèles industriels plus efficaces, plus numériques, plus durables.

Ce 20 mars était l’occasion de faire le bilan de cette première année “Made Different” et de désigner sept sociétés “ambassadrices”, devant servir d’exemples et d’évangélisateurs.

7 transformations, 7 ambassadeurs

Aux sept types de transformation (à cumuler) qu’implique l’objectif “industrie 4.0” (voir ci-dessous), les responsables du programme Made Different, version wallonne, ont associé sept premiers “ambassadeurs”. En l’occurrence, des sociétés qui se sont déjà engagées dans ces processus de transformation et qui feront office de porte-drapeau, d’exemple et d’évangélisateur pour les autres.

Ces 7 adoubés sont:

  • Transformation en “Network Factory”: Lasea, spécialisée dans la conception et la fabrication de machines laser de haute précision. Laser a été désignée “ambassadrice de l’usine en réseau” pour avoir instauré un système de coopération et de co-création avec ses fournisseurs et clients afin de booster sa R&D et ses processus de commercialisation. Elle a par exemple fait alliance, dès 2007, avec la française Amplitude Systèmes, fabricant de sources laser, pour fonder la co-entreprise Trackinside, spécialisée dans le marquage de matériaux transparents destinés à des solutions de traçabilité et de lutte anti-contrefaçon. Plus récemment, elle s’est alliée à deux sociétés wallonnes – Citius Engineering et Unisensor – pour reprendre certaines activités de la défunte WOW et donner naissance à Ciseo, société d’ingénierie concevant et produisant des machines spéciales et des équipements médicaux destinés au secteur des sciences du vivant (biotech, pharma, médical).
  • Transformation en “Digital Factory”: Prayon. La société, productrice de phosphates, s’est lancée dans divers projets d’optimisation de ses processus industriels en se basant sur l’exploitation et l’analyse des données (big data) avec développement d’algorithmes spécifiques. Au-delà de l’utilisation qu’elle en fera pour ses propres besoins, avec mise en oeuvre de processus optimisés reproductibles, la société a l’intention de proposer le résultat de ses développements à ses propres clients pour leur permettre, eux aussi, d’optimiser leurs processus. “La société se transforme donc d’un acteur industriel de commodités en un acteur proposant des services à haute valeur ajoutée”, explique Marc Senterre, directeur informatique de Prayon. “Nos développements seront transposés en mode générique pour que notre entité technologique puisse le vendre à ses clients.”
  • Transformation “Smart Production”: Mobic, fabricant d’ossatures bois. La société a déployé une plate-forme d’e-commerce permettant aux candidats bâtisseurs de configurer eux-même le bâtiment via le configurateur en-ligne. Cela permet d’injecter directement les plans dans l’étape suivante pour piloter la mise en production par l’atelier de fabrication de Mobic (la chaîne est robotisée, avec pilotage sur-mesure des robots).
  • Transformation “World-class Manufacturing Technologies”: Burnsen, producteur de chaudières et de ballons d’eau chaude (sanitaire). La société s’est engagée dans un programme de robotisation de divers équipements de production pour optimiser la production de (très) petites séries.
  • Transformation en “Smart Factory”: Atelier de l’Avenir, atelier protégé produisant notamment des ossatures bois pour bâtiments. La société a implémenté une solution de maquettage numérique 3D pour la préparation de la production et un ERP pour la gestion des achats, des ventes et des stocks.
  • Transformation “Smart Production”: Stabilame, fabricant de systèmes constructifs en bois. La société mise sur l’automatisation et l’informatisation de la chaîne de production: conception 3D, ERP, robots, traçabilité de bout en bout.
  • Transformation “Eco-Production”: Emac, producteur de portes et fenêtres en bois et PVC pour une clientèle de professionnels. Sa philosophie: gestion durable des matériaux, valorisation via matériaux recyclables, valorisation de rebuts bois pour chauffer les bâtiments, préférence aux circuits courts…

Le bilan après un an?

En 2015, le cabinet d’analystes Roland Berger dressait un bilan peu glorieux de la “maturité” du secteur industriel wallon. Voir ci-dessous le tableau publié à l’époque. 

La transformation en industrie 4.0 vise à inoculer davantage de flexibilité dans les processus, de personnalisation dans les produits manufacturés, rappelait Didier Paquot, directeur du département Economie, R&D et Affaires européennes à l’UWE (Union Wallonne des Entreprises), lors de la soirée Made Different. “Au vu de l’étude de Roland Berger, il était évident qu’il y avait pour l’industrie wallonne une certaine urgence à prendre les enjeux à bras-le-corps.”

C’est la raison d’être du programme Made Different auquel participent un plein panier de partenaires: fédérations sectorielles, pôles de compétitivité, centres de recherche et de formation, et clusters. Avec l’appui de l’AdN et d’Innovatech.

Le programme Made Different prévoit un certain nombre d’étapes ou d’aides que les entreprises peuvent solliciter: simple auto-diagnostic en-ligne qui leur permet de se faire une idée globale de leur situation ; “scan” (ou audit) plus approfondi qui permet de préciser le stade de maturité atteint dans les 7 axes possibles de transformation ; analyse des écarts entre l’as-is et le to-be ; identification des priorités et objectifs ; définition et accompagnement à la mise en oeuvre d’un plan d’actions ; évaluation des progrès ; formations.

Pour chacune de ces étapes, les entreprises peuvent solliciter une aide financière de la Région. L’année dernière, la Wallonie a en effet activé son nouveau programme d’aide financière aux entreprises par le biais du programme Chèques Entreprise. Parmi ces chèques, des subsides destinés à celles qui s’engagent dans un processus de transformation industrielle (numérique notamment)

Ces chèques sont activables par des sociétés de toute taille – de la start-up à la PME.

Taux d’intervention financière de la Région: de 50 à 75%, avec des plafonds pré-établis. Voir le tableau ci-contre.

Qu’a-t-on accompli en l’espace d’un an? Voici quelques chiffres:

  • 35 entreprises ont eu recours à l’outil d’auto-diagnostic en-ligne
  • 25 ont opté pour une demi-journée d’orientation
  • quelques 120 entreprises ont été contactées pour un audit approfondi
  • 44 d’entre elles ont procédé ou démarré cette analyse de leur chaîne de production
  • 18 sont passées à l’étape de la mise en oeuvre d’un plan d’action.

Industrie 4.0, kesako?

La quête de l’estampille “entreprise industrielle 4.0” est un long parcours au gré duquel les sociétés s’engagent dans un maximum de transformations de leurs processus de production. Sept types de transformation sont au programme:

  • technologies de production de classe mondiale: implémentation des technologies les plus récentes
  • ingénierie de bout en bout: scénarisation d’une chaîne de valeur intégrée (production, commercialisation, maintenance, recyclage), qui détermine le type de produits et services proposés
  • usine numérique: numérisation des processus opérationnels, connectés via Internet
  • production centrée sur l’humain: implication des collaborateurs dans l’évolution et la mutation de l’entreprise
  • réseau de production: l’entreprise s’inscrit dans un réseau de collaboration, de co-création – avec des concullègues, des partenaires, des fournisseurs
  • éco-production: la durabilité de la production est mûrement réfléchie et concerne chaque étape, depuis la conception, l’approvisionnement en matières premières ou composants, la production jusqu’à la gestion de fin de vie (recyclage…)
  • systèmes de production “intelligents”: flexibilisation de la production, personnalisation optimale du produit ou service.

L’“industrie 4.0”, c’est aussi la transformation du modèle économique des entreprises:

  • décentralisation de la commande dans l’usine
  • optique du “client-centrisme”
  • “plateformisation” (transformation en “plates-forme de services”, via mise à disposition de solutions applicatives après numérisation des activités de production industrielle)
  • hybridation des filières industrielle et logistique
  • disruption et désintermédiation.  [ Retour au texte ]