Pilote.Media: en quête de potions magiques pour “new media”

Portrait
Par · 19/11/2018

Le monde des médias et celui de la comm’ dans son ensemble sont en profond tumulte (parfois jusqu’au désarroi). Les nouveaux canaux et modes de communication numériques ne cessent de venir brouiller les stratégies, les processus, les métiers, les relations avec cibles et lecteurs. Voire les règles. Comment communiquer un message pertinent, qui soit à la fois “attractif”, judicieux et vrai, dans un environnement toujours plus cacophonique et parfois futile, souvent trop consumériste? Comment réinventer contenus et “supports” sans y perdre son âme ou son objectif?

C’est ce filon des “nouveaux médias” qu’un nouveau programme d’idéation/accélération/formation se propose d’explorer au début 2019. Son nom: Pilote.Media. A la barre, le trio Lab Davanac (le “labo” média de Damien Van Achter), Engine (qui reproduit ainsi, mais sur un “vertical”, ce qu’il a déjà fait, sous d’autres formes, du temps de NestUp) et l’équipe du KIKK (festival digitalo-créatif de Namur).

Croiser et entrechoquer

Objectif de Pilote.Media: “appliquer les outils de la création de start-ups [démarche lean, “fail fast”, “out of the box thinking”…] à l’univers des médias et explorer les opportunités offertes par le numérique pour développer l’entrepreneuriat dans ce secteur et favoriser le lancement de projets innovants de reportages, d’applications et de services numériques”.

Type de participants espérés: des journalistes, chenus ou tout juste diplômés, des indépendants, des “communicants” – qu’ils soient freelance ou salariés d’entreprises, voire des profils ayant davantage un profil de marketeurs ou de story-tellers… Point commun: des participants francophones – belges mais aussi venus d’autres pays francophones.

Le panel est potentiellement – et volontairement, assurent les initiateurs – vaste et diffus afin de susciter un melting-pot fertile et éviter une trop grande mono-tonalité dans les réflexes et modes de pensée. “Nous voulons avant tout aider les gens à créer non pas un média mais du média”, soulignent David Valentiny (Engine) et Damien Van Achter. “Si le programme s’adresse avant tout aux journalistes et aux professionnels de l’info, nous avons voulu voir plus large parce que si nous nous étions limités à ce type de profils, il y aurait eu un biais dans la démarche que l’on veut initier.”

Le but n’est par ailleurs pas de rester dans le théorique et la réflexion à vide mais bien de permettre à des projets de prendre corps. De ce point de vue-là, “appliquer le principe de la start-up et un modèle d’affaires à un contexte média” se traduira par la recherche de finalités de pérennité pouvant être mesurées de différentes façons, et pas uniquement selon le seul prisme d’une viabilité financière pure et dure (toujours aléatoire lorsque l’on parle de média).

Les idées et projets pouvant s’aligner sur la ligne de départ devront en tout cas avoir une réelle dimension de nouveauté. Ce qui semble disqualifier les sites ou médias déjà existants qui viendraient chercher une seconde jeunesse. “Par expérience, nous savons que les projets pré-existants correspondent généralement à des choses qui sont portées par plus d’une personne”, ce qui est donc en contradiction avec le filtre principal que s’est défini Pilote.Media. “Il faut un réel porteur de projet. Et pour ceux qui émaneraient d’entreprises, il faut donc que le participant ait un pouvoirs réellement décisionnaire.”

Jusqu’à 25 participants

La diversité des profils visés suggère aussi une forte différence potentielle dans les finalités ou les objectifs que chaque participant(e) poursuivra. C’est là une dualité voire un grand écart qui ne semble pas inquiéter les organisateurs. Pour eux, il y aura bel et bien un fil rouge: “redonner et créer du sens, aller au-delà du narratif, notamment du côté des projets portés par une entreprise.” 

Pour les porteurs de projets individuels, le fil rouge sera le “média numérique” (chaîne vidéo, podcast, site Web, réseaux sociaux, mobile…) et le souhait de faire d’une idée ou d’une passion personnelle une opportunité d’emploi, de métier…

L’équipe de Pilote.Media sera là pour encadrer, driller, bousculer, “piloter” les participants mais le but essentiel est que ces derniers se pilotent eux-mêmes. Pour être retenu lors de la sélection (voir le calendrier plus bas), chacun(e) devra venir avec un projet concret, même encore mal dégrossi. A lui ou elle de continuer à le porter seul(e) ou de l’arrimer à celui d’un(e) autre participant(e). “Lors de la sélection, nous ferons plus particulièrement attention à certains paramètres: degré de motivation, aptitude à accepter consignes et conseils, potentiels atomes crochus entre participants…”.

L’équipe de Pilote.Media tentera aussi, autant que possible, de constituer un “lot” de participants (maximum 25) équilibré, avec des compétences, des attentes, des personnalités qui soient complémentaires, qui puissent donc s’entr’aider, s’imbriquer et faire émerger des projets viables.

Trois mois “intensifs”

Les candidatures pourront être introduites auprès de Pilote.Media jusqu’au 6 janvier prochain (via le site de Pilote.Media). Les sélectionnés seront connus le 15 janvier.

Le programme s’étalera sur trois mois, avec un programme à horaire plein auxquels les participants s’engagent à consacrer au moins 85% de leur temps professionnel. Le parcours sera émaillé de trois fois une semaine de “session en résidence”. La première (du 18 au 22 mars) servira de “crash test”, pour une “première évaluation des projets, des compétences et lacunes”.

La deuxième (avril) verra les participants plancher sur un projet proposé par l’un des partenaires-sponsors (catégorie first class). Autrement dit, un cas concret à prototyper.

La troisième semaine de session en résidence sera dédiée aux projets des participants eux-mêmes.

Pour le reste, le programme de formation inclura des sessions génériques ou thématiques, collectives ou individualisées, des ateliers technologiques ou plus orientés business consacrés aux projets proprement dits, des master classes données par des experts extérieurs…

Parmi les connaissances que le programme visera à développer chez les participants, citons l’apprentissage de modèles d’affaires, l’appropriation d’une (nouvelle) culture numérique, les ressorts de l’intelligence artificielle ou de la blockchain, les méthodes lean, la typologie des audiences…

Une escapade à l’étranger n’est pas exclue. Via les relations tissées notamment avec Le Tank Media de Paris (qui se définit comme une “communauté d’entrepreneurs voulant favoriser l’émergence de nouveaux médias), il se peut que les participants puissent aller pitcher leurs projets dans la capitale française vers la fin du programme.

Initiative publique-privée

La participation au programme est gratuite ou payante selon le statut du participant. Pour ceux qui y viennent à titre individuel et pour les chercheurs d’emploi, les trois mois de formation/accélération Pilote.Media seront gratuits. Par contre, pour les salariés qui y viennent pour porter un projet de leur entreprise (que ce soit le leur ou celui de la société), la facture s’élèvera à 2.500 euros (à acquitter par l’entreprise).

Pour sa première édition, Pilote.Media a reçu le soutien financier de la Fédération Wallonie-Bruxelles, via le cabinet de Jean-Claude Marcourt, en charge des médias. L’apport public représente la moitié du budget global. Les 50% autres pour-cents devront venir des participants payants et des partenaires et sponsors privés. La Rtbf a déjà accroché le wagon et les écoles IHECS et EFJ supportent le projet en le relayant notamment auprès de leurs étudiants.

Deux niveaux de partenariats ont été imaginés.

Le premier niveau (valeur de ce sponsoring en business class: 15.000 euros) permettra au sponsor de découvrir l’évolution des projets et des  candidats lors de la deuxième session en résidence. 

Deuxième niveau (coût de ce billet en “first class”: 60.000 euros): les sponsors déboursent certes plus mais, en échange, ont le droit de proposer un projet sur lequel les participants, avec l’assistance des coachs, plancheront lors de cette deuxième semaine de résidence, avec possibilité d’y dépêcher leur propre équipe et même de déléguer un “observateur” tout au long des trois mois du programme. “Pour une société ou un grand groupe, cela peut-être intéressant de faire prototyper ou mûrir un projet, de challenger un scénario mais aussi d’avoir un contact direct avec des talents et éventuels futurs collaborateurs”, souligne Damien Van Achter.