NeuroPath: le deep learning pour mieux soigner les maladies neuro-dégénératives

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Par · 18/02/2020

Installée à l’origine à Louvain-la-Neuve mais ayant désormais déménagé à Enghien, la jeune pousse NeuroPath se positionne sur le terrain du suivi médical basé sur des solutions logicielles, incluant une certaine dose d’intelligence artificielle, à destination essentiellement de patients souffrant de maladies neuro-dégénératives.

La société se concentre essentiellement sur les patients atteints de la maladie de Parkinson. “Nous avons décidé de nous y consacrer plus spécialement en raison du caractère complexe de cette maladie, du nombre de symptômes à interpréter, de leur variabilité en fonction de chaque individu et médication”, explique Benoît Tas, directeur de la société.

“Ce sont là des contraintes qui peuvent se prêter au potentiel qu’offrent les technologies numériques, notamment la capture et analyse d’images et l’intelligence artificielle.

Généralement, les patients ne voient leur neurologue que deux fois par an, pour quelques minutes. Il est impossible à ce dernier de prendre connaissance de tous les éléments pertinents pour une décision en si peu de temps. Les symptômes non moteurs sont trop peu pris en compte.”

D’où l’intérêt d’un suivi beaucoup plus régulier, voire au quotidien. La solution de NeuroPath consiste en une plate-forme logicielle qui centralise et analyse automatiquement les données collectées. Elle s’attache à deux types d’informations objectivables: d’une part, la mobilité fonctionnelle (mouvements) et, d’autre part, les comportements et “sentiments” (autrement dit, les ressentis) des patients.

NeuroPath: affiner diagnostics et suivi médical de maladies neurodégénératives en multipliant les données analysées (automatiquement).

Le logiciel d’analyse conçu par NeuroPath opère en effet sur un ensemble hétérogène de données, provenant de diverses sources: applis de suivi de qualité de vie au quotidien (par exemple, capture des habitudes de vie, réponses à des questionnaires portant sur les habitudes, les aptitudes mentales..), capteurs de mouvement, relevé de différentes constantes générées par des dispositifs corporels (en ce compris des montres connectés), données et informations recueillies par des agents conversationnels…

Analyse fine des mouvements

Le centre de compétences Multitel (Mons) est intervenu dans la conception et la validation de la solution, aidant notamment NeuroPath dans le domaine de l’analyse d’images (vision assistée par ordinateur) et de la voix, et la conception d’algorithmes. (voir encadré en fin d’article).

Des tests de validation ont notamment été effectuées, comparant et évaluant l’efficacité de dispositifs de vision 2D par rapport à ce que permet de faire la caméra 3D Kinect de Microsoft pour l’analyse du comportement de patients lors d’exercices de thérapie physique. Des tests ont notamment été réalisés en environnement hospitalier, à l’UZ Leuven et au CHU de Liège.

 

Benoît Tas (NeuroPath): “Traditionnellement, les visites semestrielles chez le neurologue ne permettent à ce dernier que de collecter des réponses subjectives du patient. Désormais, il devient possible de collecter et d’analyser au long cours des informations fidèles à la réalité.”

 

La solution de surveillance et d’analyse de mouvements de NeuroPath procède par exemple par analyse de variabilité, affinant l’analyse d’images captées et les indications données par une caméra telle que la Kinect de Microsoft, en croisant les données avec d’autres sources f’information, notamment des capteurs de profondeur.
En appliquant une méthode d’apprentissage profond (deep learning) d’évaluation de mouvements du squelette à des images 2D, il devient possible d’obtenir des résultats plus précis et significatifs que ce que peut produire à elle seule la caméra 3D Kinect. “L’analyse des mouvements est plus fine dans la mesure où on est ainsi capable de détecter et d’évaluer des mouvements du pied ou des orteils, lors d’un exercice consistant en un mouvement répétitif de cours portés au sol, là où la Kinect ne peut aller plus loin que de l’analyse de mouvements de la jambe…”, explique Benoît Stas.

Les capacités analytiques du logiciel, basées sur l’intelligence artificielle et des mécanismes d’apprentissage profond, permettent d’agréger, corréler et interpréter les informations disparates collectées.

Du côté analyse de mouvements, les algorithmes reconnaissent les mouvements effectués par le patient, selon un degré de granularité très poussé (voir encadré ci-contre).

“Ils reconnaissent les mouvements, apprennent et en tirent des enseignements.” La solution permet au professionnels de santé de visualiser, via des graphiques, l’évolution au jour le jour du patient, confronté au même exercice, avec mise en corrélation avec la prise réelle de médicaments par exemple ou des faits de vie notés dans un questionnaire clinique embarqué dans une appli.

“Les algorithmes permettent ainsi d’établir de nouvelles règles pour l’administration de médicaments, en fonction du suivi quotidien du mode de vie du patient”, souligne Benoît Tas.

Maladie de Parkinson: une multiplicité de symptômes à collecter er “décrypter” correctement…

Prêt pour les tests

NeuroPath a notamment bénéficié d’un financement de Wap Invest mais également de la province du Brabant flamand qui, fin 2019, investissait 150.000 euros dans la société.

La société a aujourd’hui quasi-finalisé son prototype et entame une phase de textes, en Belgique, en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (avec une possibilité d’en effectuer également en Finlande).

Outre-Atlantique, une convention a été passée en 2019 avec deux départements (vétérinaire et médecine) de l’université Texas A&M en vue de travaux de recherche portant sur des développements en matière d’analyse de mouvements. Les recherches seront effectuées notamment sur des rongeurs, lors d’une phase de tests pré-cliniques.

La mise en production est envisagée “d’ici quelques mois”.

Ajoutons ici que parmi les partenaires scientifiques de NeuroPath, outre Multitel, figurent également la KULeuven  (systèmes opto-électroniques) et le Mobilab, centre d’expertise multidisciplinaire situé à Geel (recherches en technologies biomédicales, orthopédiques…).

Multitel et l’IA

Les techniques d’intelligence artificielle appliquées notamment à l’analyse automatique d’images, de la parole et du son et autres types de signaux figurent parmi les compétences que déploie le centre de compétences montois Multitel.

Divers projets de recherche et innovation, dans ces domaines, sont en cours, impliquant souvent des industriels. Signalons par exemple les quelques projets suivants:
– développement d’agents conversationnels pour l’industrie automobiles, capables de faire fi de tous les bruits ambiants qui viennent influencer la compréhension des commandes et commentaires émis par un conducteur au sein de l’habitacle d’une voiture ; l’une des pistes envisagées est de coupler reconnaissance vocale et analyse d’images, via la caméra embarquée, pour lecture sur les lèvres
– analyse d’images pour détection de menaces et suivi d’“objets” autour de véhicules (par exemple, pour le maintien de l’ordre ou des manoeuvres militaires)
– analyse d’images de drones, avec collecte et analyse de données multispectrales, et optimisation d’algorithmes pour embarquer un potentiel d’intelligence artificielle à bord de ces engins autonomes.