Infopole portera-t-il la bonne parole numérique au sein des Pôles de Compétitivité?

Portrait
Par · 21/02/2019

Pascal Widart, nouveau visage à la tête de l’Infopole Cluster TIC

Depuis la mi-novembre, la direction de l’Infopole Cluster TIC est assurée par Pascal Widart qui a pris le relais de Sandrine Quoibion.

Dans quelques mois, il lui faudra décrocher un nouveau contrat de gestion de la part des autorités régionales. Toutefois, le cabinet du Ministre Jeholet a déjà confié à l’Infopole, voici quelques semaines, une nouvelle mission, financée par une subvention supplémentaire, qui devrait perdurer au cours du prochain triennat. A savoir: favoriser l’innovation numérique au sein des Pôles de Compétitivité et “décloisonner” les actions afin de mieux faire se découvrir et travailler ensemble acteurs du numérique et acteurs industriels ayant besoin de ressources et outils IT/numériques.

Parallèlement, Pascal Widart estime que le cluster peut jouer un rôle nouveau afin de favoriser la croissance des petits et moyens acteurs IT/numériques wallons.

Les modalités exactes de ces deux nouvelles “missions” doivent encore être précisées mais le nouveau directeur nous en a déjà dévoilé le cadre et le principe à l’occasion d’un entretien.

Agir sur la croissance

Vielle antienne, cousine de soeur Anne: la croissance. Celle des PME belges, en particulier, et, parmi elles, les acteurs locaux de l’IT et du numérique. Cette croissance, on en parle depuis des lustres, on la réclame, on la brandit comme nécessaire pour le regain et la vitalité économiques wallonnes. Mais le déclic ne se produit pas. Ou pas assez.

Pascal Widart, lui, estime que l’Infopole “a la possibilité de devenir un acteur de référence pour aider les acteurs locaux du numérique dans leur phase de croissance et dans la mise en application de leur potentiel disrupteur”.

L’extension possible des activités traditionnelles de l’Infopole, Pascal Widart la destine tout naturellement aux PME qui constituent la majeure partie des membres de l’Infopole. Mais en veillant aussi à jeter des passerelles vers les start-ups (ces futures “PME” en puissance). “C’est en effet un monde qui se remet sans cesse en cause, qui a un important potentiel d’innovation et qui peut être un levier pour les PME.”

Le mode d’action, les leviers, devront encore être définis mais “les signaux sont au vert et on sait que les marges de croissance sont impressionnantes”. Il voit par ailleurs deux arguments essentiels: “le secteur IT/numérique est un secteur à forte croissance et se situe au croisement de nombreux autres secteurs [qui ne peuvent plus faire l’impasse sur le numérique]. Par ailleurs, le cluster se veut une organisation proche de ses membres et joue les relais d’informations pour ce qui est notamment des aides et incitants publics.”

C’est d’ailleurs là un rôle qu’il convient de renforcer selon lui: “les acteurs du secteur ont besoin d’un “connecteur”, d’un partenaire de confiance qui puisse les accompagner lors de l’émergence d’un projet mais aussi les orienter vers les bonnes portes et les bonnes aides, vers les possibles schémas de mutualisation des moyens.”

Au-delà du rôle habituel

Pas question de renier ou de négliger la raison d’être première, confiée depuis ses débuts à l’Infopole. A savoir: être un animateur de terrain, organiser des rencontres entre acteurs locaux du secteur IT/numérique et au-delà du cluster, créer des opportunités d’affaires – en local, à l’international, avec de grandes entreprises ou encore avec des sociétés membres des Pôles de Compétitivité…

“Mais il est possible d’aller plus loin, de développer de nouveaux services, de transformer ce qui est un “réseau” d’entreprises se réunissant périodiquement, parfois selon des thèmes définis, en réelle communauté. Et ce, afin de favoriser l’innovation, de déclencher de nouveaux projets, de générer la croissance…”

Pascal Widart (Infopole Cluster TIC): “Aller plus loin que les fonctions de base, développer de nouveaux services, transformer ce qui est un “réseau” d’entreprises en communauté d’innovation.” 

Nouveau dans ses fonctions, Pascal Widart n’apporte pas de réponse toute faite. “Je serai d’abord à l’écoute. Le but est d’explorer les compétences et la piste de l’innovation collaborative. La question du comment est encore ouverte. Il reste notamment à déterminer si – et dans quelle mesure – les entreprises-membres seront preneuses.

Le potentiel est là. On peut le favoriser mais pas l’imposer. L’Infopole ne peut se substituer aux fondements et au volontarisme des entreprises. Par contre, nous sommes là pour aider celles qui veulent aller plus loin, avec nos services, existants ou futurs, afin de leur permettre de réaliser le plus d’impact possible.”

Pascal Widart (à g.) et Charlie Feron: le duo actuel de l’Infopole Cluster TIC. Avec la perspective d’un renfort à court ou moyen terme?

Certes, les moyens d’action du cluster sont limités: deux personnes en tout et pour tout pour l’instant – mais avec la perspective d’embaucher un nouveau collaborateur à court terme, pour prendre en charge la nouvelle mission confiée par la Région (voir plus plus). Moyens modestes donc mais pour un rôle que Pascal Widart estime indispensable: “La complexité s’accroît, l’évolution technologique se fait de plus en plus rapide alors que les entreprises et leurs responsables ont toujours autant le nez dans le guidon. Cela reste donc plus que jamais difficile pour eux de pouvoir prendre du recul. Certaines méthodologies nouvelles pourraient pourtant les aider. Du genre design thinking, growth hacking…

Nous voulons pouvoir les aider en la matière, du moins celles qui veulent libérer du temps pour la réflexion et l’exploration, qui sont ouvertes à ce qui se fait ailleurs afin d’identifier de nouvelles niches, se développer plus vite…”

L’agenda de l’Infopole (ateliers, conférences, formations…) pourrait accueillir de nouveaux thèmes, selon un programme et un format qui doivent toutefois encore être définis.

Le fait que Pascal Widart veuille donner, notamment, cette coloration “nouvelle approche” n’est pas un hasard. Ce serait plutôt l’effet de ces expériences professionnelles passées qui l’a vu s’occuper d’abord d’accompagnement à la création et au développement d’entreprise avant de rejoindre, pendant trois ans, le SPW où il s’est investi dans la mise en oeuvre de la politique économique et a notamment oeuvré au lancement des sept “hubs créatifs” wallons. Il se définit d’ailleurs comme “orienté entrepreneuriat et innovation dans une perspective d’économie créative et territoriale”.

Le numérique, levier de croissance trans-sectoriel

Voici quelques semaines, c’est dans une optique d’aide à la croissance et de promotion du numérique par-delà la structuration en Pôles de Compétitivité que l’Infopole s’est vu confier une nouvelle mission: “favoriser l’innovation numérique en trans-sectoriel”, en faisant en sorte que les projets qui naissent (et sont subventionnés) au sein des divers Pôles de Compétitivité wallons incluent une dimension numérique plus importante et que les entreprises membres de ces Pôles adoptent elles-même davantage les solutions IT et numériques dans leurs propres processus et en fassent un levier d’innovation.

Trois types d’actions ont été pressenties:

  • structuration et valorisation de l’offre du secteur numérique – en clair: renforcer la connaissance que l’Infopole (et, en coulisses, Digital Wallonia) a des profils et compétences des membres du cluster, en cataloguant mieux lesdites compétences et ressources, par exemple selon certaines thématiques ou par secteur d’activités
  • business development et innovation: le but ici est d’identifier et de développer des écosystèmes numériques articulés autour de l’offre sectorielle, en collaboration avec les Pôles de Compétitivité et la recherche
  • internationalisation: par le biais de l’animation et d’un support aux entreprises du secteur IT/numérique dans leur processus d’internationalisation ou dans la dimension internationale des projets qu’elles initient.

Pour les volets 2 et 3 de cette “accentuation de l’innovation numérique”, le cluster jouera essentiellement un rôle d’animation. “Notre but sera notamment de favoriser l’innovation numérique au sein des Pôles de Compétitivité sans pour autant nous substituer à leur mission de développement économique.

Le fait est que les acteurs locaux du secteur IT et les sociétés membres des Pôles se connaissent encore insuffisamment. Il y a certes eu quelques premières activités destinées à favoriser leur rencontre – en l’occurrence, les journées “ICT meets…” organisées par l’Infopole. Mais cela ne s’est pas encore fait de manière réellement structurante. C’était trop ponctuel. Il faut aller plus loin et adresser structurellement les besoins.”

L’action du cluster Infopole se positionnera dès lors “en amont, au stade de l’idéation, de la sensibilisation” mais aussi selon des activités plus classiques de réseautage et, “en aval, par une intervention visant à valoriser les projets. Par exemple, via des missions croisées à l’international avec l’Awex.”

Charité bien ordonnée commence par…

Autre aspect des choses sur lequel Pascal Widart voudrait concentrer les efforts de l’Infopole – à la fois pour les besoins de ses membres et de ceux des membres des Pôles: ce qu’il appelle le “digital soft”.

“Un peu partout, on constate que les besoins primaires en numérisation ne sont pas encore adressés – outils de gestion, CRM… Une aide à l’implémentation demeure donc nécessaire.” Ce sera là l’un des messages que l’Infopole et son futur nouveau collaborateur tenteront de faire passer et de faire adopter par les membres des Pôles.

L’un des outils sur lesquels le cluster pourra s’appuyer pour une première démarche n’est autre que l’outil d’auto-diagnostic de maturité numérique développé dans le cadre du programme Digital Wallonia. Passé cette première étape, l’Infopole pourrait entrer en jeu mais, ici encore, selon des modalités qui restent à préciser. Ateliers, sessions personnalisées…? A voir.

“Au cours des prochains mois, des rencontres auront lieu avec chaque Pôle et avec d’autres partenaires afin de définir les besoins et un programme d’opportunité d’actions”, souligne Pascal Widart.

Le catalogue existant d’activités d’accompagnement servira de socle, avec d’éventuels réaménagements: ateliers numériques, rencontres business & technology club, événements ICT meets…, Infopole on Tour (visite d’entreprises ayant mis en pratique le numérique)… “Avec aussi, potentiellement, des activités plus spécifiques directement axées sur les besoins et des événements “décloisonnés” entre Infopole et Pôles de Compétitivité”.

Le futur collaborateur [l’appel à candidature pourrait être lancé en mars] aura pour tâche de jouer les agents de liaison avec les Pôles mais aussi avec un programme tel que Made Different (industrie 4.0). “La régularité des contacts sera l’une des clés pour créer du lien et concrétiser le but poursuivi”.