Doter les pays en voie de développement de potentiels de radiologie à la pointe de la technologie via l’exploitation des infrastructures mobiles et du télédiagnostic, tel est l’objectif d’un projet de l’UCL qui est un prolongement de développements réalisés pour IBA.
Merence Sibomana, ancien étudiant de l’UCL et consultant en imagerie médicale (il a également travaillé chez Siemens Healthcare aux Etats-Unis), a eu l’idée de réutiliser les résultats d’un projet mené en collaboration entre l’UCL et IBA afin de développer et de commercialiser un appareil d’imagerie 2D et 3D, compact, robuste, à faible coût, qui soit une alternative intéressante pour les pays en voie de développement, généralement privés de gros moyens, qui ne peuvent se payer des équipements tomographiques classiques.
iMagX.Eco
Le projet de Merence Sibomana, qui a reçu le support actif, notamment, du Professeur Benoît Macq, est devenu un dossier First Spinoff de la Région wallonne en décembre dernier.
Nom de baptême: iMagX.Eco. Autrement dit une version économique, pleinement fonctionnelle et plus abordable, de la plate-forme iMagX développée conjointement par l’UCL et IBA pour les besoins de cette dernière. A savoir, une plate-forme logicielle de prise de clichés et de reconstitution d’images et un scanner de petite dimension (technologie d’imagerie CBCT – v. encadré ci-contre) pouvant être installé au sein-même des salles de protonthérapie et servir ainsi, en temps réel, pour affiner la séance de protonthérapie.
Un brin de technologie
La solution d’imagerie iMagX développé par l’UCL (départements ICTeam et MIRO) et IBA repose sur la technologie d’imagerie 3D CBCT (Cone Beam Computed Tomography) qui a recours à des détecteurs plats (“flat panel”).
Plus rapides que les imageurs CT (tomographie informatisée), les modèles CBCT optimisent l’énergie utilisée, réalisent une image 3D en une seule rotation et requièrent moins de composants, simplifiant ainsi les procédures de maintenance.
Avec iMagX.Eco, l’idée est d’utiliser la plate-forme dans d’autres scénarios que la protonthérapie. A savoir une utilisation comme appareil de radiologie pouvant générer à la fois des images numériques 2D (radios osseuses, du thorax…) et 3D à des fins de diagnostic.
Marché identifié: “les hôpitaux desservant une population de petites et moyennes villes ou de régions comptant quelque 200.000 habitants dans les pays en voie de développement.”
“Les examens 3D sont actuellement réalisés avec des scanners CT qui sont complexes et rares dans ces pays”, souligne Merence Sibomana. “Lorsque les systèmes sont disponibles, ils sont souvent usagés ou de seconde main. La moitié de ces appareils ne fonctionnent d’ailleurs plus, par manque de pièces de rechange ou de compétences techniques. Il y a donc clairement un besoin et un marché pour une solution à la fois simple, peu onéreuse et technologiquement à la pointe.”
Téléradiologie
La plus grande simplicité d’utilisation et de maintenance d’un imageur CBCT sera certes un atout mais elle ne suffira pas à résoudre totalement le déficit de compétences dans les pays en voie de développement visés. “Le nombre de radiologues formés dans ces pays est très faible et certains manquent de pratique, faute d’équipement adéquat”, souligne Merence Sibomana.
Merence Sibomana (iMagX.Eco): “En Afrique, les examens 3D sont actuellement réalisés avec des scanners CT complexes et rares. Quand ils existent, ils sont souvent usagés ou de seconde main et 50% sont hors d’usage.”
D’où le volet transfert de données du projet iMagX. Le mode de fonctionnement qu’envisagent Merence Simobana et le professeur Benoît Macq est celui de la télé-expertise. Sur place, un technicien voire un membre du personnel médical réalisera le cliché et enverra les informations vers un radiologue expérimenté situé par exemple en Belgique pour diagnostic.
Le mode de transmission des données et la sélection des images jugées pertinentes sont deux des aspects du projet que les mois à venir doivent permettre de préciser.
Si le projet iMagX cible en priorité les “villes ou zones de 200.000 habitants”, ce n’est pas par hasard. “Dans plusieurs pays d’Afrique, par exemple, le déploiement des télécoms, via les réseaux mobiles et la fibre optique, a fait de gros progrès. Au Burundi, chaque centre provincial est relié à la fibre optique. La pénétration est encore plus étendue au Rwanda.” Mais l’infrastructure a évidemment ses limites et ne touche pas des zones plus reculées, où les radiologues, d’ailleurs, ne sont pas disponibles.
La lourdeur des fichiers et une bande passante pas forcément optimale risquent donc de poser problème. Un des scénarios imaginés est dès lors de procéder en deux temps: envoi du fichier au radiologue (belge par exemple) en basse résolution, via compression préalable (une technique que maîtrise bien l’UCL); identification des zones “utiles” par le télé-expert; envoi définitif, en haute résolution, des clichés pertinents.
“L’aspect téléradiologie sera une partie importante du projet. Il faudra créer des binômes de radiologues.”
“L’essentiel est d’autoriser la prise et le transfert de clichés 2D et d’images 3D de qualité. Aujourd’hui, certains projets de télé-radiologie existent à destination des pays en voie de développement mais les images envoyées sont très basiques”. Il cite en exemple un projet-pilote en cours de Médecins Sans Frontières où les images sont envoyées sur un serveur hébergé dans le cloud auquel se connectent des experts occidentaux pour diagnostic. “Mais ces images sont de simples photos, prises avec un appareil standard, de radiographies imprimées sur papier…” On fait mieux en termes de précision diagnostique!
Deux ans pour réussir
Merence Sibomana et les autres personnes qui participeront au projet, venant notamment de divers départements de l’UCL mais aussi d’IBA, se donnent deux ans pour démarrer la commercialisation d’un système opérationnel satisfaisant aux contraintes imaginées et aux besoins des clientèles visées.
Si le concept et même la plate-forme de départ existent déjà, il faudra encore procéder à des optimisations (notamment en termes de dimensions, de robustesse et de simplicité d’utilisation), imaginer le bon scénario pour les transferts de données, et définir un modèle économique qui tienne la route.
Les 6 ou 9 premiers mois seront dès lors dédiés à un proof of concept à la fois technologique et économique.
En cours de projet, des développements pourraient intervenir en termes d’algorithmes, afin d’optimiser encore davantage ceux qui ont été développés, pour le projet iMagX d’IBA, notamment pour la reconstruction du signal. “Ces nouveaux développements génèreront potentiellement un effet retour pour IBA et pour des applications locales”, souligne Benoît Macq. “Le projet sera de toute façon l’occasion d’expérimenter de nouvelles choses…”
Il voit par ailleurs dans le futur imageur un outil potentiel d’expérimentation pour les étudiants de l’UCL.
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