eRowz: la sémantique et l’analytique derrière votre comparateur de petites annonces

Portrait
Par · 01/06/2016

Tout fraîchement rebaptisée eRowz (voir encadré ci-dessous), BC.net avait vu le jour voici 5 ans, à Enghien. En 5 ans, sur fonds propres et grâce à des moyens alloués dans le cadre de projets R&D wallon et européen, la société a vu ses activités progresser à un rythme soutenu (+ 65% par an ces 3 dernières années).

Son créneau? L’analyse comparative des meilleures affaires sur le marché de l’occasion.

Jusqu’il y a peu, la société s’était choisi comme patronyme BC.net. Pas très “catchy”. Pour se donner également un cachet plus international et plus “2.0”, elle vient de se rebaptiser eRowz. A prononcer comme héros en anglais. Mais avec, aussi, un jeu de mots rappelant les activités de la société: e, parce que la plate-forme est numérique, “row” pour les lignes que comportent les bases de données que malaxe le moteur de recherche de la société, et le z, “pour le fun” et la consonance.

La solution? Un portail électronique et un moteur de recherche qui, sur base des petites annonces passées sur des centaines de site internationaux (du genre Secondemain, Kapaza, Le Bon Coin, eBay, Amazon, Price Minister…), les agrègent et en font émerger celles qui répondent le mieux à la recherche et aux spécificités de chaque internaute.

Depuis ses débuts, la société s’est spécialisée dans les petites annonces de produits d’occasion: habillement, accessoires, produits grand public, maison et jardin, petit électro, ameublement…

Demain, elle ambitionne de s’attaquer à d’autres catégories de biens, de plus haute valeur (immobilier, voitures d’occasion…) où il s’agira plus que jamais de marquer sa différence.

Des centaines de millions de petites annonces

La base de données d’eRowz collecte, scrute et analyse plusieurs centaines de millions de petites annonces, postées aux quatre coins de la planète. Car eRowz dépasse largement les limites du marché belge qui pèse d’ailleurs moins de 1% de son chiffre d’affaires.

La société s’est appropriée, dans 14 pays, un nom de domaine-clé (site-annonce en Belgique et en France, used.forsale aux Etats-Unis, for-sale.co.uk au Royaume-Uni, gebraucht-kaufen.de en Allemagne, in-vendita.it en Italie…) et propose ses services de comparaison, pays par pays (90% des transactions sur petites annonces se font en local).

Du moins était-ce le cas jusqu’à présent. Demain, en s’attaquant à des secteurs tels que l’automobile ou l’immobilier, les recherches se feront probablement selon des démarches davantage transfrontières. De quoi augmenter le défi pour la société qui, plus que jamais, devra prouver l’efficacité de son moteur de recherche et de ses algorithmes sur un magma de données hétérogènes, multilingues, multi-formats…

Ses algorithmes analysent et décortiquent les textes des petites annonces pour en retirer la “substantifique moelle” et l’information qui permettra d’établir une corrélation entre ce que recherche l’internaute et l’annonce la plus pertinente. Une série de filtres permettent de mieux baliser la recherche: par géographie, couleur, marque… La société y ajoute un service quotidien d’alerte par e-mail qui alimente les internautes-membres en annonces pouvant les intéresser.

Le modèle économique

eRowz se rémunère par commission auprès de sites partenaires vers qui son moteur de recherche renvoie l’internaute après analyse et comparaison des meilleures offres correspondant à sa demande.

De start-up à scale-up, par ses propres moyens

Jusqu’ici, la société n’a pas fait appel aux capitaux et estime ne pas en avoir besoin dans l’immédiat. Pourquoi d’ailleurs “alors que le potentiel de croissance organique existe?”, déclare Bart Verschueren, PDG et co-fondateur de la société. “Nous sommes présents dans 14 pays et plus encore demain. Nos coûts ne devraient pas augmenter fortement, contrairement aux revenus.”

En s’attaquant à de nouvelles catégories, eRowz compte doper encore sa croissance. Les marges devraient en effet y être plus confortables.

“Nous avons d’abord misé sur un créneau de marché peu rémunérateur. Nous avons en quelque sorte pris le marché à contre-courant”, déclare Bart Verschueren. “Aujourd’hui, nous avons engrangé suffisamment de revenus pour nous attaquer à la concurrence avec des arguments différenciateurs.”

Une perspective de rachat par un autre acteur n’est pas non plus la bienvenue. Les fondateurs préfèrent de toute évidence garder en mains les rênes de leur avenir.

eRowz est donc payé par des sites tels qu’Amazon, eBay, Google ou Price Minister pour les achats de produits effectués sur leurs propres sites d’annonces. Le prélèvement de la commission (en moyenne 2,50 cents par visite) s’effectue donc dans le portefeuille des sites partenaires sur lesquels les annonces ont été placées, sur base de la marge qu’ils dégagent eux-mêmes.

Une somme infime mais qui confirme la théorie petits ruisseaux-grandes rivières. Avec une moyenne de 2,50 cents par transaction, la société réussit en effet aujourd’hui à réaliser un chiffre d’affaires de… 2,2 millions d’euros.

Le modèle risque-t-il de péricliter, par exemple si les partenaires décidaient un jour qu’ils peuvent se passer du service d’eRowz? Vincent Vandegans, responsable technologique et cofondateur de la société, ne le croit pas. Selon lui, ces sites n’ont qu’un but: maximiser le nombre de visites sur leur site et, le plus possible, des visites converties en achats. “Si eBay, par exemple, décidait de ne plus nous payer, cela impliquerait qu’un Amazon gagnerait quelques parts de marché…” Peu probable, donc.

A noter que tous les sites de petites annonces ne rémunèrent pas eRowz, mais ceux qui le font, et qui sont parmi les plus grands, suffisent à lui fournir des revenus substantiels. Les sites qui ne paient pas ne sont pas désavantagés pour autant, promet eRowz. “Ce qui est primordial pour nous, pour notre croissance en termes de visites et d’expérience utilisateur, c’est que l’internaute soit envoyé vers une annonce qui lui convient.”

La société veut également accélérer sa présence sur un nombre croissant de pays. Elle est aujourd’hui active dans 14 pays (Belgique, France, Royaume-Uni, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Irlande, Etats-Unis, Canada, Brésil, Argentine, Inde, Nigeria).

10 autres devraient les rejoindre dans un avenir plus ou moins proche. Dès cette année, eRowz compte notamment ajouter le Japon, la Suède, les Pays-Bas, l’Australie… à son catalogue.

L’ambition d’eRowz: devenir un site d’e-commerce “en convertissant les acheteurs en vendeurs.”

A court terme, un bureau ouvrira ses portes en Espagne (le marché est aujourd’hui couvert par un collaborateur freelance). Le but n’est pas uniquement de renforcer la présence en Espagne mais surtout de mieux prospecter l’Amérique du Sud.

A noter que s’imposer sur un marché peut coûter cher. Non pas (ou pas uniquement) en vertu des coûts liés à l’ouverture d’un bureau ou d’une filiale – c’est de l’économie 1.0 – mais pour y acquérir une visibilité, devenir – à l’aune de l’Internet – une destination naturelle. Raison pour laquelle eRowz n’a pas hésité à débourser 250.000 dollars pour… acheter le nom de domaine for-sale.com.

Accélérer l’innovation

Tel que développé, le moteur de recherche d’eRowz permet d’identifier, dans des descriptifs forcément très variés, parfois approximatifs, mal libellés…, le produit correspondant à la recherche de l’internaute. En coulisse, des mécanismes d’analyse sémantique et d’apprentissage automatisé (machine learning) sont à l’oeuvre.

Si les compétences en matière d’algorithmique sont maîtrisées – et jalousement cultivées – en interne, la société a fait appel à un partenaire pour tout l’aspect sémantique et analyse de texte, en l’occurrence la société néolouvaniste Early Tracks qui est le fruit d’une fusion avec Knowbel Technologies, spin-off du département Cental de l’UCL (production d’informations structurées et analyse au départ de contenus non structurés.

Vincent Vandegans (à g.) et Bart Verschueren: “Le but n’est pas de concurrencer les agences ou de remplacer le devis d’un entrepreneur. Notre avantage, en tant qu’agrégateur, est d’être plus objectifs et d’avoir une force de proposition.”

A l’avenir, eRowz poursuivra la collaboration avec cette société, avec notamment pour ambition de produire des contenus automatisés représentant une valeur ajoutée pour les internautes. L’analyse sémantique ne se limitera plus aux seuls contenus des annonces mais les combinera à d’autres sources de données – notamment des ressources open data.

Exemple dans le secteur de l’immobilier: procurer du contenu pertinent à valeur ajoutée qui “contextualisera” la petite annonce en proposant des commentaires additionnels sur le taux d’ensoleillement, la valeur immobilière de l’endroit… Le tout sur base d’open data sur le climat, le contexte sociogéographique, le niveau économique d’une commune…

“C’est là un atout concurrentiel évident et essentiel pour nous”, explique Vincent Vandegans.

L’analytique sur big data et open data permettra aussi d’orienter plus efficacement un internaute vers un bien ou un produit lui convenant mieux. Par exemple en appliquant divers filtres et en évaluant le coût à l’usage d’une maison sur base des conditions d’ensoleillement, de superficie au sol, de type de chauffage, comparé aux statistiques existantes…

“Nous envisageons aussi de générer des estimations de charges ou de frais de rénovation en fonction des caractéristiques actuelles du bien”, déclare Vincent Vandegans. “Le but n’est pas de concurrencer les agences ou de remplacer le devis d’un entrepreneur. Notre évaluation sera toujours approximative et de nature informative mais nous avons l’avantage, en tant qu’agrégateur, de ne pas être payés par les vendeurs [des biens] et donc d’être plus objectifs et d’avoir une force de proposition.”

Une partie du budget R&D d’eRowz a été financé par la DGO6 (Région wallonne) et par un projet de recherche européen Eurostars (programme H2020) portant sur le développement d’algorithmes prédictifs de recommandation de contenus. Partenaire de la “scale-up” belge dans ce projet: l’université de Bourgogne et la société française Kernix Software.

La société d’Enghien a encore d’autres projets en tête, tels que l’analyse des historiques de prix afin de prédire la dévaluation de certains types de produits avec le temps.

eRows en quelques chiffres

Chiffre d’affaires 2016: 2,2 millions d’euros

Progression: + 65% sur les 3 dernières années

R&D: 60% du chiffre d’affaires réinvestis en 2015

Emploi: 17 personnes, plus 7 indépendants couvrant des pays tels que l’Espagne ou le Cambodge

Clientèle: 100.000 “membres”; plus de 7 millions de visites chaque mois (sur l’ensemble des sites).

Une base de données contenant plus de 500 millions de petites annonces de bonnes affaires.

Chaque jour, 300 millions de petites annonces mises à jour, venant de 14 pays.

Activités dans 12 pays – et 10 nouveaux en préparation.

Co-fondateurs de la société: Bart Verschueren, PDG et… ex-eBay, et Vincent Vandegans, directeur technique.

Financement: fonds propres, prêt Novalia, ligne de crédit Sowalfin, projets R&D DGO6 et Eurostars.