Damnet: le défi de la gestion participative

Portrait
Par · 08/11/2012

Jérôme Herman a pris, cet été, la succession de Jean-François Coutelier à la tête de la société Damnet. Il prend ainsi la direction d’une petite société un peu particulière de par son mode de fonctionnement et de gestion. A savoir: le management participatif.

Si son arrivée ne va pas bouleverser les bases jetées par le fondateur de Damnet, elle pourrait toutefois impliquer, à terme, certains réajustements, à terme, nécessités par l’évolution de la société.

Prestataire de services d’infrastructure IT, Damnet s’adresse essentiellement à une clientèle de PME, comptant généralement de 10 à 200 utilisateurs. Pour des clients plus importants, ses interventions se limitent à des services ponctuels, par exemple, “lorsque l’entreprise doit faire face à un pic de charge soudain ou doit combler l’absence d’un de ses informaticiens”, souligne Jérôme Herman, directeur de Damnet.

Le cadre d’intervention est volontairement limité à l’infrastructure (PC, serveurs, logiciels d’exploitation, équipements réseau, stockage, périphériques). Au-delà, pour tout ce qui est conception ou gestion de site Web, câblage et implémentation d’applicatifs métier, la société fait appel à des partenaires, tels Defimedia, Expansion, PMIgest (ERP), Ecosoft (comptabilité) ou Wavenet et Manex (pour les développements).

Depuis juillet, Damnet propose en outre une formule cloud, pour l’hébergement des infrastructures virtualisées. Partenaire pour ce service: ThinFactory.

Société coopérative

La principale caractéristique de Damnet ne tient pas à son catalogue de services mais plutôt à son organisation. La société a en effet été constituée en coopérative. Toute personne employée depuis plus d’un an a dès lors la possibilité de devenir associé(e).

“Le fondateur de la société [Jean-François Coutelier] a voulu miser sur le management participatif. Il voulait prouver que c’est possible d’entreprendre autrement, de tenir compte d’aspects sociaux”, explique Jérôme Herman. “Le principe du management participatif implique que chacun ait son mot à dire sur de grandes décisions, telles que le choix de nouveaux produits à ajouter au catalogue, le recours à des partenaires pour certaines compétences, ou sur des questions ayant trait à la vie de l’entreprise. Un exemple: chacun peut contribuer à la réflexion sur la manière de réinventer la participation coopérative dans un contexte de croissance de la société.” A noter que les associés ont également été impliqués dans le plan de succession qui a permis le transfert de témoin entre Jean-François Coutelier et Jérôme Herman.

Le personnel de Damnet se compose en majorité de jeunes, détenteurs d’un graduat en informatique ou d’un contrat PFI (plan formation insertion). Voir à cet égard l’opinion de Jérôme Herman sur le degré d’adéquation des profils que procurent ces formations. Ils sont encadrés par des personnes plus expérimentées que Damnet recrute auprès d’autres sociétés. Ou qui, parfois, se présentent d’elles-mêmes, attirées par le modèle participatif. “Pour certains, l’intégration dans notre modèle de fonctionnement peut parfois poser des problèmes parce qu’il exige d’avoir un esprit de mini-entrepreneur. Et ce n’est pas donné à tout le monde. Il faut s’impliquer de manière plus importante et ne pas se contenter de “faire son job”. Il faut pouvoir participer activement à des décisions importantes, s’intéresser au fonctionnement de la société, savoir ce qu’est un bilan, un compte de résultats… Cela suppose de se former. Nous en demandons plus à nos travailleurs”.

Autre particularité: un fonctionnement par portefeuille de clients. “Chacun doit avoir toutes les compétences nécessaires pour les gérer: établir un devis, assurer le suivi commercial… Trois personnes ont un rôle de coordination, en tant que responsables d’équipes.”

Une relève en douceur

Ingénieur industriel de formation et employé chez Damnet depuis plus de 7 ans, Jérôme Herman ne compte pas remettre en cause le modèle participatif mis en oeuvre par Jean-François Coutelier, “cet étonnant laboratoire qui défie les lois de la gravité du management traditionnel” tel que le qualifiait lui-même le fondateur de Damnet dans la lettre ouverte qu’il publiait lors de son départ.

Jérôme Herman: “prouver que le modèle participatif tient la route, même avec plus de 20 associés”

“Il n’y aura pas de révolution avec mon arrivée à la tête de la société”, déclare Jérôme Herman. “Il nous faut avant toute relever quelques défis en termes de management. Jusqu’en 2011, nous fonctionnions en deux équipes. La croissance de la société avait eu pour résultat de gonfler les équipes, jusqu’à 7 personnes, sans compter les stagiaires. Pour grandir, il a fallu nous structurer différemment, renforcer le management. C’est ainsi que nous avons engagé quelqu’un pour gérer la qualité et la communication. Un comité directeur a été constitué. Nous sommes aujourd’hui 13 associés sur 20 personnes (fixes). Un important travail est nécessaire en termes de gestion de la participation et des équipes. L’idée, à terme, est de faire tourner le modèle, d’ajouter des services connexes, tels des services d’audit de sécurité en plus des audits infrastructure. Mais cela prendra du temps et c’est un sujet que nous devons discuter entre associés.

A plus long terme, le but est de continuer à grandir pour toucher davantage de clients et de prouver que le modèle participatif tient la route, même avec plus de 20 associés.”

La croissance de la société ne sera pas excessive, tient à souligner immédiatement Jérôme Herman. L’un des moyens envisagés est d’explorer de nouvelles pistes de partenariat. “Le danger serait de courir deux lièvres à la fois. A savoir: développer de nouvelles compétences pour de nouveaux clients. Nous respecterons le “principe de l’hypoténuse”, à savoir ajouter de nouvelles compétences au profit de clients existants ou proposer des compétences existantes à de nouveaux clients.”

La stabilité d’abord

En période de crise, lorsque les projets et contrats se concrétisent plus difficilement, il est essentiel pour une petite société telle Damnet de pouvoir s’appuyer sur un petit matelas de projets à long terme et de contrats de maintenance.

“Nous avons par ailleurs été attentifs à diversifier la clientèle: aucun client ne représente plus de 5% de notre chiffre d’affaires.” Près de 50% de la clientèle se compose d’organismes évoluant dans le monde associatif. L’autre moitié est faite de PME, avec quelques rares clients dans le secteur public. Géographiquement, la société se concentre essentiellement sur la province de Namur, ainsi que sur des clients situés à Bruxelles, Liège ou dans le Hainaut.

Pour ses contrats de maintenance, Damnet a introduit le principe du contrat CARPE (Contrat d’Administration en Régie Plafonnée et Evaluée). En clair: le client confie la gestion de son parc informatique à Damnet qui opère selon un budget annuel plafonné. “Si le plafond est dépassé, on génère une note de crédit. Si le client “consomme” moins de prestations que ne le prévoit le plafond, nous ne facturons que ce qui est réellement presté. Chaque mois, le client peut être en-dessous ou au-dessus du plafond prévu, sans que cela ait d’impact sur sa facture. Si nous prestons moins d’heures que celles prévues dans le contrat, les heures non prestées sur le mois sont reportées au mois suivant. Sur l’année, il peut compter sur notre garantie de non dépassement de budget.”

La clé, pour Damnet, est de bien évaluer le temps de travail nécessaire, en liaison étroite avec le client. “On se base, pour ce faire, sur l’importance et la composition du parc informatique et sur le type d’équipements. On sait par exemple qu’on sera amené à passer plus de temps sur un vieux PC tournant sous Windows XP que sur un PC géré sous Windows 7. Bien évidemment, le contrat peut également être revu en cours d’année, par exemple si le client augmente son parc. De même, si un incident majeur, tel un incendie ou un vol, se produit, nécessitant le remplacement de matériels, un contrat distinct est signé.”