Cenaero: la vie au-delà de l’aéronautique

Portrait
Par · 29/11/2012

Voici un peu plus d’un an, Cenaero a revu sa structure opérationnelle afin de mieux l’aligner sur diverses branches d’activités et les besoins métier qui les caractérisent. Cette nouvelle structuration a en outre comme avantage de concentrer recherche et développements selon des axes plus directement ”exploitables”. Ils peuvent en effet, le cas échéant (même si ce n’est pas là l’objectif premier), servir de tremplin pour la création d’entités commerciales, indépendantes du Cenaero mais qui s’appuient sur les résultats de ses recherches. Un peu à la manière ce qui s’est passé avec geonX, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler.

 



Finalité métiers

Structuré précédemment en 4 groupes de recherche dont les travaux transgressaient les limites de divers secteurs industriels, Cenaero s’articule désormais en 10 équipes, organisées selon des finalités métier.

Trois des équipes ont été constituées autour de trois axes logiciels. A savoir, les trois solutions logicielles développées en interne pour répondre aux besoins de simulation spécifiques de certains secteurs d’activités:

• Argo: solution utilisée en modélisation de la dynamique des fluides, qui peut se connecter à des logiciels de calcul de propagation des ondes, de simulation thermique et d’analyse structurelle. Exemple d’application: la simulation 3D du processus de refroidissement interne d’une pale de turbine.

• Minamo: système d’optimisation multidisciplinaire, utilisé dans la conception de produits complexes. Il est utilisé dans les domaines de l’automobile, de l’aéronautique, de l’industrie manufacturière, du biomédical, des matériaux composites etc.

• Morfeo: Manufacturing Oriented Finite Element tOol, “solver” éléments finis qui est utilisé dans des scénarios de simulation de processus de soudure et d’usinage. C’est ce ‘solveur’ qui sert de base à la solution VirFac de geonX.

Sept autres équipes se sont organisées autour de thèmes davantage orientés services aux entreprises. Leurs compétences s’adressent aux domaines suivants:

  • ingénierie biomédicale
  • processus et structures composites
  • énergie et bâtiments
  • HPC (high performance computing)
  • processus et structures métalliques
  • aérodynamique évoluée de turbomachines
  • conception multidisciplinaire de turbomachines (ces deux équipes s’adressent au secteur des motoristes, autrement dit des constructeurs de moteurs)

Processus de maturation

Plusieurs des nouvelles activités sectorielles ont été “incubées”, un temps, dans les anciennes divisions. Ce fut le cas de l’ingénierie biomédicale, longtemps intégrée à l’axe Optimisation. Autre exemple: l’équipe Energie & Bâtiments qui opérait initialement dans l’enceinte de la division CFD (mécanique des fluides dynamiques).

“Lorsque nous avons vu que les domaines visés étaient mûrs pour se transformer en opportunité commerciale réelle, les équipes dédiées se sont constituées en entités distinctes”, explique Serge Bogaerts, research & technology manager.

“Ce processus est sans doute appelé à se reproduire à l’avenir. Nous fonctionnons en fait en mode de spin-off interne.” Jusqu’à ce que la preuve soit faite que des opportunités commerciales suffisantes permettent de tenter l’aventure d’une société en bonne et due forme. Comme ce fut le cas pour geonX, start-up issue de Cenaero, dirigée par deux anciens du Centre.

Procéder par opportunités

Les différentes équipes “thématiques” de Cenaero n’opèrent pas en vase clos mais, au contraire, s’échangent et mutualisent des compétences lorsque les projets le requièrent.

Le Cenaero n’a par ailleurs pas imposé à chaque équipe métier de définir un plan de développement stratégique précis. “Aucun chiffre n’a été fixé en guise d’objectif. Elles ne sont pas constituées en business units. Il n’y a pas d’obligation de “performances” ou de rentabilité. Même s’il est clair qu’on ne maintiendra pas des activités non porteuses.”

Cenaero n’a pas non plus d’idée préconçue sur les secteurs nouveaux auxquels il pourrait s’adresser par l’entremise d’une équipe dédiée. “L’évaluation d’activités autosuffisantes se fera en fonction des besoins et de l’évolution technologique de chaque secteur. Par exemple, si le bâtiment commence à recourir de manière systématique à la simulation numérique en raison d’une éventuelle obligation imposée par l’Europe dans une perspective d’environnement durable et d’efficience énergétique…” A rebours, des secteurs pourraient, à terme, ne plus avoir droit à une équipe dédiée.

Serge Bogaerts prend une exemple a priori peu plausible mais illustrant ce qui pourrait se passer avec d’autres: “imaginons que le secteur de l’aéronautique soit saturé, n’aie plus besoin de ressources de simulation numérique pour optimiser ses moteurs parce qu’on aurait trouvé une source d’énergie inépuisable…”.

De l’aéronautique au bâtiment

Constitué pour servir de centre R&D pour le secteur de l’aéronautique, Cenaero veut aujourd’hui diversifier ses “cibles”, en faisant bénéficier d’autres secteurs des résultats de ses recherches et des solutions de simulation numérique déjà développées. C’est ainsi que les techniques et ressources de simulation trouvent désormais à s’appliquer au monde du bâtiment.

Simulation de circulation des « fluides » dans un bâtiment (projet Simba)

L’équipe Energie & Bâtiments propose des solutions et des conseils en matière de simulation d’énergies et d’écoulement des fluides. Exemples: les effets des vents sur les structures, l’impact des flux d’air sur la température et les besoins énergétiques…

Les simulations dynamiques qu’autorisent les logiciels peuvent par exemple permettre de réduire les consommations énergétiques. Et ce, en mettant en oeuvre toute une série de potentiels: calcul d’étanchéité de l’enveloppe de bâtiments, calcul et simulation de ponts thermiques, calcul des besoins en termes de ventilation, de régulation compte tenu des conditions extérieures, taux d’occupation…

C’est dans ce cadre-là que le Cenaero s’est associé à l’UCL pour le développement d’éoliennes à axe vertical.

Autre exemple de simulation effectuée sur les systèmes de Cenaero: l’efficacité d’élimination de polluants par modulation du type de revêtement d’un bâtiment.

“Redimensionner” les outils

Les techniques de simulation existantes (CFD- Computational Fluid Dynamics) sont souvent trop complexes pour que le secteur du bâtiment se les approprie ou puisse les utiliser de manière efficace et rentable. Le Cenaero s’est donc lancé dans un exercice de simplification de ces techniques, afin de les rendre accessibles aux bureaux d’étude. Un exercice qui s’accompagne de procédure d’optimisation et de validation, afin d’éviter notamment que des erreurs et degrés d’incertitude n’apparaissent dans les techniques simplifiées.

“Une solution CFD peut modéliser et simuler jusqu’à un million de cellules. Nettement trop complexe pour un simple bilan annuel de bâtiment”, explique Cécile Goffaux, responsable de l’équipe Energie & Bâtiment à Cenaero. “Ces techniques ne doivent donc être utilisées que pour des simulations de cas extrêmes ou pour compléter des outils existants. Un bilan annuel se fera davantage avec des outils zonaux qui étudient au maximum une centaine de zones [d’un bâtiment].”

Complexité et coût des outils de simulation ou de calcul constituent l’un des freins majeurs à l’adoption de solutions IT par le secteur du bâtiment. Une enquête menée en 2011 auprès de bureaux d’études et d’architectes a ainsi révélé que si 80% des quelque 100 personnes interrogées utilisent bel et bien des logiciels à des fins de test, 83% estiment que les solutions logicielles existantes devraient être améliorées. 7% se disent d’ailleurs “totalement insatisfaits”. Une bonne part des solutions utilisées sont soit le fruit de développements maison, soit des solutions relativement basiques (de simples outils de simulation statique qui ne donnent que quelques grandes indications générales).

Le paysage des solutions utilisées est par ailleurs éclaté à l’extrême: PEB, PHPP, Trnsys, Design Buikder, PACE, Carrier HAP, Kobra… “On a relevé quasi autant de types de logiciels utilisés que de personnes interrogées”, déclare Cécile Goffaux. D’où l’ambition de faire naître des solutions plus performantes, répondant mieux aux besoins et capacités des bureaux d’études et d’architecte.