Amélie de Spot (Internet Attitude): oser l’échec… pour réussir

Portrait
Par · 03/07/2012

Plusieurs étapes et rencontres, fortuites ou planifiées, ont façonné ce qu’est aujourd’hui devenue Amélie de Spot, administratrice déléguée du fonds d’investissement Internet Attitude spécialisé dans les investissements pour start-ups high tech. Ses choix personnels, à divers moments-clé de sa vie, tant privée que professionnelle, ont certes influencé son parcours mais le hasard a également eu son rôle à joué.

Alors qu’elle venait de décroché son bac en Business administration à l’ICHEC, elle a pris, en 1995, un premier tournant sans doute décisif. Il s’est joué entre… l’Indonésie et Washington DC. En 1995, elle participe en effet à un programme organisé par l’Office belge au Commerce extérieur qui visait à envoyer 12 jeunes diplômés belges (6 francophones et 6 néerlandophones) réaliser des études de marché à l’étranger pour des entreprises belges. “J’aurais tout aussi bien pu me retrouver planchant sur le marché de la soie en Thaïlande mais le jury a vu que ma personnalité correspondait mieux à un autre projet, en l’occurrence l’étude des prémices de l’e-business aux Etats-Unis. C’était vraiment passionnant, une formidable opportunité de rentrer en contact avec ce monde qui démarrait.”

Après 5 mois passés aux USA, elle rentre en Belgique, s’attelle à la rédaction de l’étude de marché, poursuit avec un roadshow auprès des entreprises qui s’étaient montrées intéressées. Et se retrouve ensuite devant un grand vide: “en Belgique, à l’époque, il n’y avait pas grand chose dans ce domaine. Si ce n’est par exemple les frères Zurstrassen qui démarraient Skynet dans un garage, ou quelques pistes de ce genre-là. Les premiers fournisseurs d’accès étaient encore très orientés technologies. Ce qui ne m’emballait pas plus que ça.” C’est là que son intuition lui fait prendre un nouveau tournant. “J’étais convaincue que ce marché, en Europe, démarrerait via la publicité parce que la cible était la tranche d’âge des 35-45 ans, niveau d’éducation élevé, avec des ressources financières. Une cible que les annonceurs avaient du mal à toucher. Je me suis dit que quand ils s’apercevraient que cette cible était sur Internet, ils s’intéresseraiennt au média.” Elle décide donc de faire un stage dans une agence (Euro RSCG Gabarski). C’est là qu’elle déniche rapidement une petite annonce passée par “un gars qui voulait lancer une régie publicitaire sur Internet”.

Ce “gars” n’était autre qu’Arnaud Huret et son projet Netvertising.

“Ce fut une formidable aventure, il fallait éduquer le marché, définir des standards… Tout un marché à construire.”

Son choix allait s’avérer payant. “A mon retour en Belgique, mon bagage m’ouvrait déjà toutes les portes traditionnelles. Mes parents n’ont pas compris pourquoi je choisissais un stage non rémunéré pour une obscure boîte de pub…”. Mais cela lui permet finalement de côtoyer une poignée de personnes qui allaient donner naissance, avec des bonheurs divers, à un joli petit éventail de projets. Arnaud Huret, Jean de Gheldere, Patrick de Schutter, Benoît Lips, Brice le Blévennec… dont les entreprises qu’ils ont contribué à lancer sont autant de pièces du puzzle qui, avec certains déchets et déconvenues, allaient lancer la “nouvelle économie” sur ses rails: Netvertising, ContactOffice, NetShopping, NetCapital….

Que ce soit en suivant certains d’entre eux au gré de leurs initiatives ou en lançant ses propres projets, Amélie de Spot a ainsi participé à des aventures telles que NetShopping, Express.be, FlashDate, LinkCity.be… On la retrouve aussi analyste business ou consultante chez Proximus, Belgacom, WIN. L’effervescence typique de cette époque, au tournant du siècle. Avec ou sans éclatement de la bulle.

La fibre projets

Puis vient un semi-répit professionnel justifié, sciemment, par “le début de projets familiaux”. Un mari, quatre enfants. Semi-répit parce qu’elle continue en freelance, tâtant de la convergence Internet/mobile, de “customer experience”, de communautés virtuelles (qu’elle enseigne à l’ICHEC).

Quatrième moment-clé: 2010. Une connaissance lui fait rencontrer Olivier de Wasseige, directeur de Defimedia qui lance un fonds d’investissement baptisé Internet Attitude, orienté vers le financement de start-ups technologiques.

“C’est exactement ce que je voulais: je retrouvais le monde des start-ups, du Web pur et dur. La possibilité de transmettre, d’échanger, de prendre de la hauteur aussi, de faire du ping-pong avec des idées.” Ce qui l’a notamment séduite, dans l’approche adoptée par Internet Attitude, c’est “le mode de travail en communauté”, ce “réservoir de gens- experts comme investisseurs- qui veulent soutenir le tissu économique local”. Et, par-dessous tout, les rencontres entre personnes, l’implication personnelle de chaque investisseur dans le projet soutenu, l’effet réseau qui se dégage de la “communauté” des associés.

Devenir l’administratrice-déléguée d’Internet Attitude lui permet donc d’assouvir cette passion qu’elle déclare pour le phénomène des start-up. Les rencontres avec les porteurs de projet ne se limitent d’ailleurs pas aux seules réunions pendant lesquelles ils viennent exposer leur idée et la défendre devant les associés. Ces rencontres se font aussi… autour d’une table, dans sa salle à manger.

Son petit côté ”philanthropique”, dit-elle. Une écoute en dehors des cadres mais qui n’est pas forcément désintéressée. “Tous ne passeront pas les filtres mais cela me donne une bonne idée des tendances, me permet de rester informée, de donner des pistes pour qu’un jour, ils soient éventuellement prêts. Il y a une grosse vingtaine de ces projers qu’on continue à suivre…”
L’autre élément qui l’intéresse dans son job à la tête d’Internet Attitude est l’aspect financier. A l’époque, la gestion de NetHolding l’aurait intéressée, dit-elle, parce que, tout au long de son parcours, “l’aspect financier des choses me trottait dans la tête”. Si elle s’en est longtemps éloignée, Internet Attitude l’y ramène de la plus belle des manières.

Provoquer la chance

Quand on déroule, à rebours, le parcours d’Amélie de Spot, on ne peut s’empêcher de se demander jusqu’à quel point elle savait que ses choix la mèneraient là où elle voulait. “Il y a aussi eu une part de hasard”, estime-t-elle, “mais on provoque toujours la chance. Lorsque j’ai choisi de travailler avec Arnaud Huret, j’ai aussi provoqué la chance. Ce fut une super aventure humaine. Il y avait un petit groupe de gens, des pionniers… Huret, Lips, Le Blévennec… On partageait des bureaux…. Cet environnement, ce milieu plus restreint faisait qu’il était plus aisé de se faire son réseau.”

La part d’inconnu et d’aventure, dans ses choix, est une constante de sa carrière. Opter pour Internet Attitude n’était pas forcément le choix le plus sûr à faire: “A cette époque, j’avais la possibilité de faire des missions de consultance pour Belgacom. [Lisez: la voie sûre]. De l’autre côté, il y avait Internet Attitude. Or, au tout début, c’était un club d’investissement, 14 copains. On pouvait en faire tout ou rien. Mais je suis tombée sur des gens super ouverts qui m’ont mis en selle en me disant: il y a tout à construire.”

Pour Amélie de Spot, il ne fait aucun doute qu’il ne faut pas avoir peur de prendre des risques. “J’ai toujours suivi mon intuition. J’ai une confiance énorme dans la possibilité qu’on a de faire coller les faits à ce qu’on veut. A cet égard, les études à l’ICHEC ont été très formatrices. On y apprend à prendre son destin en mains grâce aux nombreux stages, aux voyages à l’étranger, aux projets humanitaires. Mais, bien sûr, en partant d’un bon socle d’études et de formation.”

Risque pondéré

“J’ai toujours pris l’option la plus risquée. Parce que je n’avais pas beaucoup à perdre. De bonnes études, le support des parents… Quand on a cette sécurité, quand on a 22 ans, pas de responsabilité de famille, il faut tenter.” Cette vision des choses est ce qu’elle apprécie par exemple dans l’esprit anglo-saxon. En ce compris- au risque d’être belgo-iconoclaste- la “culture de l’échec”.

“C’est dans l’échec qu’on apprend quelque chose”. A la limite, on la soupçonnerait même de regretter, sans se l’avouer, de ne pas avoir vécu un échec. “Ssi Netvertising n’avait pas marché, j’aurais sans doute davantage appris de cette expérience – comment lancer une boîte, définir un business plan, lancer la partie commerciale, éduquer un marché…- que lors d’un stage d’un an chez ING en faisant le tour de tous les départements.”

Si Amélie de Spot aime prendre des risques, se lancer dans de nouvelles aventures, son intention n’est en rien d’écourter la phase qu’elle vit actuellement. “Si c’est en effet dans ma personnalité de changer, je resterai le plus longtemps possible avec Internet Attitude. C’est en effet le projet que j’attendais, un projet qui me convient super bien. J’apprends comme je n’avais plus appris les 10 années antérieures. Il comble tous mes besoins d’apprentissage. Donc, oui, le plus longtemps possible. La seule raison qui me forcerait à quitter serait une raison familiale, un changement de carrière de mon mari qui l’emmènerait à l’étranger…”