Altheria Solutions: la VR pour apprendre les gestes industriels

Portrait
Par · 24/04/2019

Bien qu’encore jeune (deux ans), la start-up Altheria Solutions a déjà suivi tout un cheminement en mode twist & turn afin de se trouver un terrain et un modèle pouvant permettre à son idée première de germer. 

La jeune pousse est portée par un quintette de jeunes fraîchement émoulus de l’université (ULB), la “CFO” est d’ailleurs encore aux études. Leur idée, ils l’ont eue voici deux ans. Si le fil conducteur technologique – les techniques de “réalité alternative” (réalité virtuelle ou augmentée, hologrammes) – n’a pas changé, la forme que prend concrètement l’idée, elle, a résolument changé de cible.

Nous vous en avions d’ailleurs déjà parlé à l’époque, du temps où le projet répondait encore au nom de SolVR.

L’idée était alors de “révolutionner” l’apprentissage scolaire, pour des matières et concepts complexes (chimie, physique…), grâce à la simulation en réalité virtuelle. Mais “le marché, du moins en Belgique, n’est pas au rendez-vous, sans doute pas encore mûr”, déclare aujourd’hui Dimitra Manoliadis, directrice financière de la jeune pousse.

Entre-temps, l’idée a dès lors connu deux réactualisations. Toujours nichée au Start.Lab, l’incubateur pour projets d’étudiants de l’ULB, Altheria Solutions participe actuellement au programme d’accélération MoveUp de Digital Attraxion qui se termine début mai.

De SolVR à Logia

Ayant mis au frigo son rêve d’apprentissage estudiantin “augmenté” vint la phase B2B2C. A savoir, l’idée d’un éditeur de contenus en réalité virtuelle que le commun des mortels pourrait utiliser pour générer lui-même des présentations agrémentées d’augmentation virtuelle. “Mais nous avons à nouveau changé de cap, car nous voulions que ce qu’on développerait ait plus d’impact qu’un simple outil de présentation.” 

Dimitra Manoliadis (Altheria): “Si notre MVP évolue, c’est grâce à Thales. Nous avons pu vérifier l’adéquation du contenu de notre solution en vérifiant de première main la manière dont fonctionne par exemple leurs chaînes d’assemblage de pièces, destinées à des satellites.”

Résultat, la start-up a pris le nom d’Altheria Solutions et a mis au point un prototype de solution, qui en est au stade de minimum viable product, en passe d’être testé sur le terrain avant une commercialisation espérée d’ici la fin de l’année. Nom du produit: Logia, une plate-forme de création de formations en réalité virtuelle.

Le positionnement – la formation via des espaces virtuels [Logia fait référence à une “lodge” ou espace de réunion ou de travail] – est plus proche de l’idée de départ (SolVR), mais dans le scénario sur lequel l’équipe travaille désormais, la formation est destinée au secteur industriel. Pour assurer la formation initiale de techniciens, ouvriers, mécaniciens, personnes devant opérer sur une chaîne de montage ou d’assemblage dans une grande variété de secteurs.

La société a tout d’abord imaginé un prototype destiné au secteur de la chimie. C’est avec lui qu’Altheria Solutions a postulé chez Digital Attraxion. Mais un nouveau “pivot” est intervenu, en raison notamment de l’appariement réalisé avec Alstom et Thales. L’optique a en effet été réorientée vers l’industrie, Thales, par exemple, étant potentiellement intéressée par la solution pour la formation des personnes produisant des panneaux pour satellite.

Altheria a donc réorienté son projet vers le développement d’une boîte à outils permettant de développer des environnements de formation en VR. 

Piocher, créer

La volonté est de proposer un éditeur de contenus VR qui soit aisé à utiliser (“aussi facile que la création d’une présentation Powerpoint”), reposant sur une bibliothèque d’objets, de processus, d’interactions, de séquences (enchaînement de tâches d’apprentissage) quasi prêtes à l’emploi. Exemple d’interaction “prêtes à consommer” et à assembler en séquence, selon le contexte et l’objectif de l’utilisation: visser ou souder des pièces, imprimer une rotation…

Bien entendu, chaque situation sera spécifique, en fonction du type d’industrie, de matériau, de type de production… Logia compte parer à cet écueil en permettant le chargement aisé de modèles 3D préexistants, conçus en CFAO, pouvant être injectés dans les modèles de sa bibliothèque. 

La solution Logia en est actuellement au stade du MVP (minimum viable product).
Dès la fin du mois (avril 2019), il sera testé sur le terrain, en usine d’assemblage, chez Thales et chez Alstom.
“A ce stade, nous pourrons procéder à quelques expérimentations, résoudre des bugs éventuels, en liaison étroite avec des responsables de formation”, déclare Dimitra Manoliadis. “Selon les réactions, nous procéderons ensuite aux éventuelles modifications nécessaires”.
Objectif: commercialiser la solution d’ici la fin 2019.
La société bénéficie du financement octroyé dans le cadre du programme MoveUp. Pour le reste, Altheria, qui emploie déjà 8 personnes, vit de projets de développement de solutions sur-mesure (AR et VR) pour quelques clients.
La solution Logia sera proposée sous deux types de licence:  l’une pour de grandes sociétés, avec offre de services personnalisés et déploiement de la solution sur site ; l’autre, pour des PME, correspondra à une solution plus “générique”, moins customisée, avec traitement et stockage dans le cloud.

La société dit vouloir proposer une solution qui soit “agnostique” en termes d’équipements VR supportés. “Pour l’instant, nous privilégions le casque Rift d’Oculus parce qu’il est aisément transportable mais nous développons pour tous les devices. Le HTC Vive, par exemple, est mieux adapté, en raison d’une meilleure précision, pour les environnements de chaîne de production.”

Même si Altheria Solutions dit pouvoir répondre, en principe, aux besoins de tout secteur manufacturier, ses cibles prioritaires seront l’aérospatial et le ferroviaire (dans le droit fil de l’intérêt déjà suscité auprès de Thales et d’Alstom – intérêt que ces deux industriels doivent bien évidemment encore confirmé une fois le produit Logia finalisé).

Autre cible potentielle: la fabrication automobile et le secteur paramédical, pour l’apprentissage de manipulations en laboratoire.

Il n’est par ailleurs pas exclu qu’Altheria Solutions déborde de son principe premier qui est l’apprentissage pour mettre sa plate-forme Logia au service de scénarios moins cruciaux, tels que la visite virtuelle d’espaces de production ou de laboratoire, avec visualisation réaliste du fonctionnement d’équipements.

Pourquoi viser le monde de l’industrie?

L’équipe d’Altheria estime que l’industrie, dans son ensemble, est un énorme champ encore largement inexploré pour les formations simulées. “Les méthodes n’ont guère évolué. Or, la simulation et les techniques augmentées permettent un apprentissage qui évite les risques, autorise les erreurs, minimise la casse de composants ou d’équipements par des débutants, avec les coûts que cela implique”, revendique Dimitra Manoliadis.

Dimitra Manoliadis (Altheria): “Le but est de permettre la répétition de gestes et de séquences, autant de fois que nécessaire, pour stimuler la mémoire musculaire afin que l’apprenant puisse en arriver à travailler sans risque.”

“Simuler permet aussi de modifier rapidement le contexte et le contenu de la formation, sans les énormes frais de reconfiguration d’environnements physiques.”

La solution Logia ne veut d’ailleurs pas virtualiser la totalité du cycle de formation. Sa solution sert d’outil de “dégrossissage”, d’“acclimatation” initiale du futur agent de production avant qu’il ne passe au stade de l’apprentissage en contexte réel.

“Le but”, souligne Dimitra Manoliadis, “est de permettre la répétition de gestes et de séquences, autant de fois que nécessaire, pour stimuler la mémoire musculaire afin que l’apprenant puisse en arriver à travailler sans risque et savoir quel est l’enchaînement des gestes et étapes de ce qu’il sera appelé à produire.”

Ainsi, chez Thales, Logia pourrait servir d’outil de formation complémentaire par rapport à une solution de réalité augmentée pré-existante. “Nous intervenons au stade de la formation au geste, tandis que la réalité augmentée sert plutôt pour des personnes déjà formées, et intervient en situation réelle de production, pour guider ou éviter les erreurs.”

Ajoutons encore que, dans la solution Logia, la scène en réalité virtuelle pourra être elle-même “augmentée” par l’ajout de “stimuli” audio (explication de la fonction ou des caractéristiques d’une pièce à manipuler) ou visuels (projection d’un document textuel, par exemple, permettant à l’apprenant de lire des infos complémentaires).