Ulrich Penzkofer s’explique sur les raisons de son départ et sur l’avenir de NRB

Interview
Par · 04/05/2016

Ulrich Penzkofer, patron du groupe NRB, a annoncé son départ (effectif d’ici quelques mois). Nous lui avons posé quelques questions pour faire le bilan de son action – les réussites et les moins bons résultats -, parler de l’avenir de la société, du profil de son successeur, des ambitions stratégiques à perpétuer.

Régional-IT: Monsieur Penzkofer, vous expliquez votre départ par le fait que vous estimez avoir rempli la mission qui était la vôtre, en l’occurrence celle de “turnaround manager”. Pouvez-vous préciser pourquoi vous avez pris cette décision?

Ulrich Penzkofer: Je suis chez NRB depuis plus de 4 ans. Je reste jusqu’à la fin de l’année. J’estime que 5 ans, c’est une période déjà importante pour réorienter une société qui en avant besoin et qui, à mon arrivée en 2012, connaissait des problèmes évidents. A savoir, un recul du chiffre d’affaires depuis 2009, la perte régulière de clients…

Aujourd’hui, les choses ont fortement changé. Je trouve que le moment est venu de me trouver un nouveau défi. Après les changements profonds qui sont intervenus, même si le marché reste très agile, l’avenir de NRB est stable. C’est sans doute mieux qu’il y ait maintenant un autre type de manager qui prenne la relève.

Vous estimez avoir réussi ce qu’on attendait de vous. Parmi les paramètres de redressement, certains vous paraissent mieux réussis que d’autres? Quels sont les axes sur lesquels il faut encore persévérer?

Il m’est difficile d’identifier certaines choses qui seraient plus mûres que d’autres. Le business model qui a été mis en place et qui est très différent de celui d’avant 2012 est très stable. On évolue désormais selon un business model décentralisé, articulé autour de verticaux. Mon espoir est que mon successeur conserve cette structure, avec des business reviews mensuelles.

NRB affiche une croissance organique de 9% par an depuis 2012. C’est clairement une belle réussite.

Si on regarde d’où vient cette croissance, on constate qu’elle ne vient pas uniquement d’un marché vertical en particulier. La stratégie fut d’élargir le portefeuille au-delà de la focalisation sur l’économie mainframe, qui était la base des activités de NRB en 2012.

On y a ajouté l’outsourcing, basé sur des technologies cloud. Au-delà du mainframe et de l’outsourcing, le défi consistait dans des développements non-mainframe. D’où le rachat de Trasys, qui est clairement une société axée développements mais compétente aussi dans des technologies spécifiques, tant industrielles qu’horizontales – sécurité, SAP, développements Java… On a ainsi comblé l’une des faiblesses de NRB.

Ulrich Penzkofer: “J’ai eu la chance d’avoir ajouté de la valeur à une société qui a maintenant trouvé sa place sur le marché.”

Un défi important que j’ai dû relever à mon arrivée se situait du côté des filiales. Xperthis, par exemple, n’était pas stable. Il y avait eu trois acquisitions mais c’était toujours trois acteurs non intégrés. On a procédé à d’autres acquisitions pour créer un acteur fort, qui a eu de bons résultats en 2015.

Au niveau du groupe, l’année 2015 a été une année très forte. L’année 2016 a bien commencé. Dans notre marché, évidemment, il y a toujours des défis. On ne peut jamais dire que si on a réussi, on réussira demain. Mais, à mes yeux, les conditions établies sont bonnes pour un départ…

Au-delà des mesures que vous avez prises, y a-t-il certaines choses, un défi, un chantier que vous auriez voulu mettre en oeuvre et qui n’a pas réussi ou qui n’a pas encore été engagé?

L’ambition, en 2012, était de positionner NRB sur le marché belge en améliorant son niveau de qualité et d’innovation. Je crois que nous avons réussi. Ce qui ne veut pas dire que nous soyons au bout du processus.

Par exemple, nous avons fortement investi dans le domaine du big data mais nous en sommes encore au milieu du gué. C’est trop tôt encore pour dire si c’est une réussite ou non. On pourra en juger à partir de 2017.

Il y a eu aussi des ballons d’essai que nous avons lancés pour tester le marché. Par exemple, sur la thématique de la mobilité autour du portefeuille SAP. Ce fut clairement un échec… [Ndlr: il s’agit de l’offre “Managed Mobility Platform”, lancée début 2013, qui visait à mettre à disposition des applications mobiles en mode SaaS – CRM, RH… -, hébergées et gérées dans le cloud, sur base de la technologie SAP]

Ulrich Penzkofer: “Je suis convaincu que NRB doit s’imposer sur un marché très concurrentiel, tel que l’industrie, parce que c’est symbolique pour notre compétitivité.”

Dans notre secteur, il faut tenter des choses. Si cela réussit, tant mieux, si cela échoue, on peut arrêter rapidement. D’une manière globale, depuis 2012, NRB a bien mené sa barque. En termes de chiffres, nous avons dépassé les objectifs imaginés en 2012… Avec l’acquisition de Trasys, nous avons dépassé le cap des 300 millions de chiffre d’affaires, un chiffre dont il n’était pas question en 2012. [Ndlr: A noter que ce chiffre de 300 millions est une extrapolation sur l’année. Le chiffre d’affaires réalisé en 2015 est de 246 millions d’euros mais n’inclut que trois mois du résultat de Trasys Group et de ses filiales.]

Quels sont, parmi les secteurs et marchés sur lesquels NRB est aujourd’hui active, ceux où le groupe est le plus solide, où il a le plus de chances ou, au contraire, ceux où il doit encore se renforcer?

Les chiffres donnent une indication. Nous sommes très forts dans le secteur public. Nous y disposons de la connaissance métier et des compétences technologiques. C’est surtout le cas en Wallonie mais aussi à Bruxelles.

C’est aussi le cas sur un marché plus petit, qui est celui des utilities – nous y sommes l’un des acteurs-clé – et dans le secteur des soins de santé où nous sommes présents dans la plupart des hôpitaux belges.

Pour ce qui est des secteurs à renforcer, il y a l’industrie où nous nous sommes engagés voici seulement trois ou quatre ans. Nous y réalisons environ un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros, sur un marché très concurrentiel.

Répartition du chiffre d’affaires de NRB par secteur, en 2015, en pourcentage.

Mais je suis convaincu que NRB doit gagner sur un marché très concurrentiel parce que cela prouve notre agilité, notre capacité d’innovation. Si nous réussissons, comme par exemple auprès de D’Ieteren ou de la Sonaca [Ndlr: deux nouveaux clients décrochés en 2015], c’est symbolique pour notre compétitivité. Qui plus est, le marché de l’industrie est très grand.

Donc pour l’avenir, je dirais que NRB doit se renforcer dans le vertical Industrie et étendre ses activités au-delà de la Wallonie et de Bruxelles. Le groupe y réalise actuellement deux-tiers à 70% de son chiffre d’affaires. NRB a désormais atteint une masse critique qui lui permet de se poser la question d’un investissement, d’un planning pour aller au-delà. Et pas uniquement en visant la Flandre mais aussi les pays voisins de la Belgique – les Pays-Bas, l’Allemagne, la France.

Nous avons déjà des prospects très fermes dans certains marchés adjacents et avons même décroché, aux Pays-Bas, un dossier important dans un marché-clé pour NRB – que nous pourrons bientôt dévoiler…

Quel devrait être le profil de votre successeur? Ses qualités?

Ce n’est pas vraiment à moi de le dire mais plutôt aux actionnaires de NRB. Mais quand on regarde la réussite qui fut celle de NRB, ces dernières années, il faudrait une personne qui a exclusivement une approche industrielle, sans affinité politique, sans affinité trop régionale. C’est quelque chose qui a réussi ces 4 dernières années et qui a, je crois, été apprécié par les clients et par les talents que NRB doit attirer pour l’avenir.

Votre successeur devrait-il venir des rangs de NRB ou une recherche en dehors de ses murs serait-elle une bonne chose?

Je n’ai pas de conseil à donner à cet égard. Je peux simplement dire que les statistiques démontrent que les risques liés à l’engagement d’un CEO externe sont parfois plus élevés que ceux liés à la nomination de quelqu’un qui vient de l’interne.

Cela c’est bien passé avec moi mais ce n’est pas toujours le cas. Quand il y a quelqu’un, en interne, qui peut prendre la main et la responsabilité, c’est sans doute mieux. Mais ce n’est pas à moi de dire s’il y a quelqu’un, en interne, qui peut le faire…

Le futur CEO de NRB? “Il faudrait une personne qui ait exclusivement une approche industrielle, sans affinité politique, sans affinité trop régionale. C’est quelque chose qui est apprécié par les clients et par les talents que NRB doit attirer pour l’avenir.”

Vos intentions futures? Vous parliez de vous trouver un nouveau défi…

J’ai déjà quelques opportunités mais je n’ai pas encore décidé. Pour ce qui est de mes activités futures, ma mentalité est de parvenir à réussir des défis. Je me vois plutôt dans un rôle de turnaround manager. Si une autre opportunité de ce type se présente, je ne dirai pas non. Peut-être en Belgique… J’y ai vécu une belle expérience avec NRB [Ndlr: après celle de Siemens]. Donc peut-être en Belgique mais je suis flexible. Toutefois à 56 ans, je n’ai pas envie de recommencer en Chine [gros sourire].

Vos préférences iraient plutôt à une grosse structure ou à une plus petite société, dans un créneau spécifique, voire une start-up?

C’est une question très intéressante parce que j’ai déjà reçu une proposition très ferme de gérer une société qui n’est plus réellement une start-up mais encore relativement petite. C’est intéressant mais pour l’instant, j’ai dit non. Je reste encore quelques mois chez NRB. J’étudierai plus concrètement en 2017 ce que je ferai plus tard…

Vous indiquiez en effet, au début de notre entretien, un départ “fin d’année”. Dans le communiqué de presse initial, il était question d’un départ fin août? Qu’en est-il réellement?

Ce qui a été convenu avec NRB, c’est que je reste disponible, comme CEO, jusque fin août – sauf si quelqu’un est nommé avant – et comme consultant jusqu’à la fin de l’année, si NRB le demande, pour travailler sur des projets spécifiques.