Nicolas Himmer (Namur): la vraie valeur des embryons de projets smart city

Interview
Par · 18/04/2018

Nicolas Himmer, “Monsieur Smart City” de la Ville de Namur, présidait cette année le jury du hackathon Citizens of Wallonia, organisé par FuturoCité.

Qu’en a-t-il retiré? Les villes et communes peuvent-elles y trouver l’une ou l’autre bonne idée ou, mieux, s’investir dans le prolongement de certains projets naissants? Un hackathon est-il utile ou l’exercice devrait-il être mieux balisé? Petite interview.

Regional-IT: Quels projets vous ont le plus séduit et quels projets, selon vous, ont le plus de “valeur”, de pertinence ?

Nicolas Himmer: Les projets que je pense les plus pertinents sont ceux qui ont compris ce qu’est une ville intelligente telle que nous la définissons chez nous, c’est-à-dire pas par l’entrée purement technologique. Ces projets ont un intérêt soit parce qu’ils ont une véritable valeur ajoutée pour les citoyens et usagers de la ville, soit parce qu’ils aident/accompagnent les “entreprises administrations communales” dans leur changement vers de nouveaux modes de fonctionnements.

L’un ou l’autre exemple de ces projets qui “ont compris”, pour reprendre votre expression?

Un exemple d’un projet simple mais pertinent est sans doute celui du potager communautaire connecté [Ndlr: nom choisi par l’équipe “My Little Green Sanctuary”; une plate-forme permettant de louer une parcelle équipée de capteurs IoT, entretenue de manière semi-automisée, avec possibilité pour le locataire de choisir le type de culture et de superviser son évolution via des caméras fixes ou embarquées sur des drones]. 

Les membres de l’équipe sont partis d’une logique d’usage, avec un brin de logique commerciale, et pas d’une optique “technologie pour le plaisir de la technologie.”

Dans quelle mesure y a-t-il eu échanges et co-réflexion entre équipes de participants et représentants des villes et communes ?

Lors de la séance de présentation des business canevas, les deux représentants des villes [Mons et Namur] et les représentants de la Smart Region ont pu challenger les participants, les conseiller, les orienter, pour parfois réorienter ou mieux cerner leurs idées.

A mi-parcours, le samedi soir, les projets ont été présentés aux membres du jury pour jauger leur pertinence. Cet exercice s’est-il avéré fructueux?

C’était intéressant, à mi-course, de “sentir” le projet, de pouvoir ainsi le cadrer, le réorienter éventuellement. Tous les projets, ou presque, ont été réorientés. Souvent en effet, les idées étaient trop larges ou le raisonnement était trop du style “la techno pour la techno” mais sans se poser la question de l’usage. Or, un hackathon n’est pas un concours de codage.

Certains aussi voulaient en faire trop. Or, ce n’est évidemment pas possible en l’espace d’un week-end. Nous les avons donc reconcentrés vers une idée ciblée, simple, réalisable…

Nicolas Himmer (Ville de Namur): “Cela vaut mieux d’avoir de petits embryons, non finis, mais qui peuvent évoluer s’ils sont couvés plutôt que de voir de grands groupes venir y chercher un regain de visibilité.”

Dans quelle mesure les porteurs de projets se sont-ils inspirés des idées qu’avaient soumises les villes et communes ? Dans la “boîte à idées”, on relevait notamment celle de la Ville de Namur, que vous portez, et qui vise à faire naître “une solution permettant d’approcher le défi de la numérisation par la donnée, de manière totalement transversale, à l’instar de ce qui se passe dans le monde des entreprises privées qui ont adopté une logique ERP”…

Un projet de ce genre est clairement trop ambitieux pour un hackathon. Mais cela m’amène à une réflexion. Il était évident que plusieurs participants s’étaient inscrits, emmenant avec eux des projets qui avaient déjà été démarrés. Ils n’étaient donc pas venus dans l’esprit qui doit être celui d’un hackathon. A savoir, un jeu, un concours d’un week-end., l’occasion de faire germer une idée, d’en sortir quelque chose, pas forcément de bien énorme mais qui ressemble à quelque chose.

Pour ceux qui viennent dans cet esprit, il faut bien entendu s’intéresser à la manière de prolonger l’idée.

C’est la raison pour laquelle j’ai suggéré à Nicolas Installé [directeur de FuturoCité] de procéder, lors des prochaines éditions, à un exercice de sélection en amont, de pré-lister des projets qui sont réellement “à l’échelle” d’un hackathon. J’estime en effet que cela vaut mieux d’avoir de petits embryons, non finis, mais qui peuvent évoluer s’ils sont couvés, plutôt que de voir de grands groupes venir y chercher un regain de visibilité.

Que voudriez-vous qu’il advienne des projets les plus prometteurs ou pertinents ?

Qu’ils puissent être soutenus de deux manières. Dans leur dimension entrepreneuriale, afin de pouvoir créer de l’emploi, et dans leur dimension “projet”, dans la mesure où certains ont une véritable vision ou répondent à une vraie demande du terrain. L’aide doit donc se faire à différents niveaux.

Sous quelle forme, une ville comme Namur pourrait-elle dès lors assurer le suivi, la continuité d’un projet jugé intéressant?

Dans l’ensemble, le jury a veillé à récompenser les projets qui le méritaient par des prix qui répondent à leurs besoins plus particuliers. Par exemple, une période d’incubation, du coaching, de l’accompagnement par des experts business ou un accompagnement technologique.

Le Smart City Institute offrait par exemple six mois gratuits d’incubation au sein du Venture Lab, l’incubateur étudiant de l’ULg, et une participation à l’atelier Deep Inside, qui propose une réflexion sur les compétences et la motivation du jeune entrepreneur.

En termes de ce que peuvent faire les villes, la chose est moins évidente si l’on se place sous l’angle du terrain d’expérimentation. Cela exige en effet de mettre en oeuvre les conditions adéquates de support technologique. Il est dès lors nécessaire de faire intervenir d’autres acteurs, plus techniques, que les villes et communes. Raison pour laquelle on s’oriente de plus en plus vers le principe de consortia…

Relire par ailleurs l’article que nous avions consacré à certains des projets récompensés à l’issue de cet hackathon Citizens of Wallonia.