Agoria: “Nous aimerions voir des projets e-gov plus innovants”

Interview
Par · 15/01/2014

Régional-IT: A la lumière de la dernière édition des e-gov Awards, quel jugement portez-vous sur l’évolution des projets d’e-gouvernement ces dernières années?

Bart Meert (Agoria): En 2013, nous avons reçu 30 dossiers de candidature, ce qui représente une augmentation par rapport aux deux dernières années (25 dossiers en 2011 et 26 en 2012). Cette hausse est essentiellement due à l’augmentation du nombre de dossiers introduits par des administrations wallonnes (6 dossiers wallons contre deux l’année passée).” [Ndlr: Ce qui, soit dit en passant, demeure extrêmement faible, les acteurs publics francophones s’estimant d’ailleurs négligés dans les sollicitations que peut faire Agoria pour “dénicher” ou susciter la candidature spontanée de projets…]

“Qui plus est”, poursuit Bart Meert, “nous avons constaté qu’un plus large éventail d’administrations a introduit des dossiers. Alors que plus de la moitié des projets émanaient de villes ou communes en 2012, la proportion n’était plus que d’un tiers en 2013.”

Cette interview fait partie d’un dossier consacré à divers projets et thèmes liés à l’informatisation des pouvoirs publics. Dossier que vous pourrez découvrir via ce lien. LIEN

Quel regard portez-vous sur la qualité ou la nature des projets candidats, sur les éventuelles carences par rapport aux besoins?

Le jury a constaté que plusieurs dossiers introduits présentaient de grandes similitudes avec les projets présentés les années précédentes. Nous savons que c’est difficile, mais nous aimerions voir des projets e-gov plus innovants. Nous constatons aussi que certains projets sont des copies d’initiatives que d’autres Régions ont déjà développées les années précédentes.

Certains dossiers introduits pour ces eGov Awards ne sont que des versions d’applications déjà existantes adaptées aux besoins des smartphones ou tablettes. Cette tendance est bien entendu logique mais ces projets ne sont que des évolutions et n’impliquent en aucun cas une révolution au sein de l’administration.

Bart Meert (Agoria): “Nous aimerions voir des projets e-gov plus innovants. Certains projets sont des copies d’initiatives que d’autres Régions ont déjà développées les années précédentes. Ou simplement des versions mobiles d’applications déjà existantes.”

Quels sont, selon vous, des exemples de « chantiers » qui devraient être démarrés?

Suite au transfert des pouvoirs aux Régions, nous pensons que de nombreux projets e-gov devront être développés en 2014 et 2015 dans les Régions. Nous espérons qu’elles s’en rendent compte et que les investissements nécessaires seront budgétisés et réalisés.

Les budgets alloués sont-ils suffisants et à quoi sont-ils destinés?

La bonne nouvelle est que l’on continuera en 2014 à lancer de nouveaux projets e-gov, mais moins qu’avant. Des économies sont déjà programmées en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement des services ICT en 2014.

Les investissements liés au développement de nouveaux projets diminuent et on observe un retour vers davantage de projets de maintenance et de modernisation de systèmes déjà existants.

Pour 2014, le budget global des autorités fédérales pour les services ICT a été réduit de 20 millions d’euros, soit une baisse de 4% par rapport au budget 2013.

Bart Meert: “Il faut se rendre compte que si le budget est de plus en plusconsacré à la maintenance, les montants qui restent pour investir dans de nouveaux services innovants aux citoyens et aux entreprises seront très réduits.”

Les SPF Finances et Justice, par exemple, disposent respectivement d’un budget réduit de 8,5 et 2,5 millions d’euros. Cette tendance à la diminution des budgets ICT est la même dans la plupart des SPF.

C’est la première fois qu’Agoria observe de telles réductions depuis qu’elle a accès à ces chiffres fédéraux.

En raison de ces compressions budgétaires, priorité est souvent donnée à des projets d’amélioration du fonctionnement interne des administrations. Ce type de projet permet en effet d’augmenter l’efficacité et vise donc un ROI à court terme. Agoria se réjouit de voir se développer ces projets mais tient aussi à encourager les administrations à développer de nouvelles initiatives visant à améliorer le service aux citoyens et aux entreprises. Il faut en effet se rendre compte que si le budget est de plus en plusconsacré à la maintenance, les montants qui restent pour investir dans de nouveaux services innovants aux citoyens et aux entreprises seront très réduits.

Agoria a, par ailleurs, lancé une mise en garde au sujet des compétences mises en œuvre pour ces projets, regrettant un recours moins important à des prestataires extérieurs…

Agoria déplore qu’au sein de la fonction publique, des appels de plus en plus pressants soient lancés pour que les services ICT soient davantage assurés par du “personnel propre” et/ou par des “organisations ICT propres”. Les différences de coûts dont on fait actuellement état entre, d’une part, un collaborateur ICT du secteur privé et celui d’un fonctionnaire, ne sont pas corrects et leur calcul est loin d’être transparent.

Qui plus est, ces calculs ne tiennent pour ainsi dire pas compte des effets d’éléments tels que la productivité, les connaissances et le réseau. On constate même parfois que des administrations développent en interne à partir de zéro des applications qui sont déjà disponibles sur le marché, et cela à un coût nettement inférieur à celui qu’implique un [nouveau] développement.

Les pouvoirs publics et les entreprises ICT doivent rechercher ensemble des solutions ICT qui permettent aux pouvoirs publics d’assurer leurs différentes fonctions au sein de la société de manière innovante et efficace. Les pouvoirs publics doivent dès lors décider s’ils optent pour une décision “make” ou une décision “buy”. Cela doit toutefois se faire sur la base de calculs corrects et transparents, permettant de se concurrencer de manière loyale, et non pas sur la base d’affirmations du type: “Ce que nous faisons nous-mêmes coûte moins cher”.

Agoria: les services publics ont trop tendance à vouloir répondre à leurs besoins par leurs propres moyens, faisant ainsi moins appel à des intervenants externes. “Il ne faut pas croire qu’ils seront forcément plus chers que des développements en interne.”

Agoria tient dès lors à encourager les administrations à tenir compte, dans leurs projets e-gov, des innovations technologiques que développent constamment nos entreprises ICT et à ne pas croire qu’elles seront forcément plus chères que des développements en interne.