Bill Taylor (The Fast Company): le chemin de l’innovation n’est plus celui que vous croyez

Hors-cadre
Par · 15/11/2012

En ouverture de la Semaine de la Créativité (même si le Kikk Festival de Namur avait joué les avant-coureurs), Creative Wallonia avait organisé un débat sur le thème de l’innovation, de ses ressorts, de son effet éphémère ou au contraire pérenne.

“The middle of the road, today, has become the road to nowhere.”

Pour lancer le débat, l’orateur invité de la soirée était Bill Taylor, fondateur du magazine The Fast Company et par ailleurs auteur de livres (cf. sa bio en fin d’article).

En matière d’innovation et/ou de créativité, ce ne sont évidemment pas les réflexions, thèses, prises de position et critiques plus ou moins constructives qui manquent.

Faut-il bousculer les cadres existants? Jusqu’où? La créativité, l’innovation est-elle quelque chose d’individuel, de collectif, d’inné, de culturel? Une affaire de personnalité, d’imagination et de volonté? Ou une nécessité de survie?

Le débat a en fait touché à tous ces thèmes. Nous vous en livrons ici quelques bribes et facettes. A chacun d’en tirer les quelques éléments qui pourront étayer une éventuelle réflexion personnelle

Un monde débridé

Monde débridé, en effet, de par la vitesse de l’évolution – comme un cheval, toutes brides abattues, pris de frénésie. Débridé aussi de par la multiplicité des directions et formes que prend cette innovation. Débridé encore parce qu’on a l’impression qu’aucune règle ne tient plus. Du moins, pas celles qu’on a connues.

Dans ce monde de l’hyper-concurrence, de bouleversements perpétuels, il n’y a d’autre remède que l’originalité, déclarait Bill Taylor. “Il faut sortir du lot, trouver des idées qui refaçonnent les possibles. Désormais, ce ne sont pas ceux qui ont le plus de moyens financiers ou les effectifs les plus pléthoriques qui l’emportent. The smart ones prevail over the strong ones. Copier, imiter ne suffit plus. Il ne suffit plus à une région ou à un individu d’être “pas trop mal”. Il faut être le meilleur. Etre celui qui propose l’idée, la solution la plus simple, la plus agile, la plus quelque-chose.”

Leadership intellectuel

L’innovation, la différence n’est pas quelque chose que l’on déniche par hasard. Pas souvent, en tout cas. Il faut provoquer cet instant de découverte, “savoir s’arrêter pour réfléchir à la manière dont fonctionne son entreprise, à la manière dont les autres s’y prennent”, afin de se placer dans une perspective fondamentalement nouvelle.

Bill Taylor (The Fast Company): “You can’t let what you know limit what you can imagine.”

Aux yeux de Bill Taylor, l’une des recettes qui permet de s’ouvrir des possibilités de réelle créativité est d’octroyer une place aux émotions, à la passion, aux valeurs et à leur partage. Autrement dit: n’oubliez pas l’humain. “Dans un monde refaçonné par la technologie, il faut savoir être intensivement humain.” C’est ainsi que les sociétés les plus novatrices s’affranchissent de leurs oeillères, se distinguent du reste des autres qui font toutes les choses de la même façon, déclarait-il en substance.

Gare aux habitudes, aux acquis coulés dans le bronze, à ce qu’on appelle souvent la “zone de confort”. “You can’t let what you know limit what you can imagine. Sachez voir l’environnement qui est le vôtre depuis toujours avec un oeil nouveau. Voyez ce que vous n’avez jamais perçu jusqu’ici.”

Un changement de mentalité

Parmi les obstacles majeurs à l’innovation et à l’inventivité, Bill Taylor pointe l’individualisme, la conviction que la source de l’innovation doit venir de l’interne: “Il ne faut plus se voir comme un “résolveur de problème” mais comme un “chercheur de solution”. Il y a sûrement quelqu’un, quelque part, qui a déjà résolu le problème auquel vous être confronté. Trouvez cette personne. Demandez-lui de vous aider.”

Selon lui, la co-création, indispensable outil de “performance” au vu du rythme des innovations, impose néanmoins de cultiver certaines qualités: convivialité, ouverture d’esprit, spontanéité et- surtout- humilité intellectuelle. “Le chemin vers le succès est laborieux. Ceux qui y arrivent sont ceux qui restent ouverts à de nouvelles sources de créativité et d’inspiration qui peuvent les aider dans leur cheminement.”

Bill Taylor: “La vitesse avec laquelle les grandes sociétés cessent d’être des leaders dans leur domaine est le signe qu’il faut penser à de nouveaux modèles et de nouveaux types de relations.”

La co-création implique de nouveaux schémas relationnels. Certes une évidence mais, là encore, quelque chose qu’il faut apprendre et apprivoiser. En la matière, les autres participants au débat, parmi lesquels Agnès Flémal (directrice du WSL), Ben Piquard (MIC), Bobby Fishkin (Reframe It) ou Loïc Bar (The Smart Company), soulignaient que la co-création suppose du co-leadership et, plus encore, du “team leadership”. Ces cercles et communautés, placées sous le sceau de la confiance, doivent pouvoir susciter un libre échange de connaissances. Un schéma qui devrait trouver à s’exprimer dès les bancs de l’école. A condition de revoir les modes de fonctionnement. Notamment dans les études supérieures. “Partager. Propager les connaissances. Apprendre de manière collégiale, via le groupe.”

La participation de tous n’est pas une évidence. Pour de multiples raisons. Réticences, peur d’abdiquer une certaine forme de contrôle, de mettre en péril ses propres atouts. Peur de ne pas paraître à la hauteur. De “donner” trop.

Les débatteurs se voulaient pourtant optimistes, parlant plutôt d’émulation: “les gens deviendront créatifs et participatifs en côtoyant d’autres créateurs et d’autres personnes intelligentes.”


Brève bio…

Bill Taylor est le co-fondateur du magazine The Fast Company. Au fil du temps, on a pu rencontrer sa plume dans les colonnes du New York Times (rubrique “Under New Management”), du Guardian et, aujourd’hui, du Harvard Business Review. Il a également publié deux livres: Mavericks at Work: Why the Most Original Minds in Business Win et Practically Radical: Not-So-Crazy Ways to Transform Your Company, Shake Up Your Industry, and Challenge Yourself.