Les communes face au phénomène “smart city”

Hors-cadre
Par · 20/02/2017

De mai à octobre 2016, le Smart City Institute de HEC Liège a réalisé auprès de l’ensemble des communes belges, petites ou grandes, rurales ou urbaines, wallonnes, bruxelloises et flamandes, une enquête visant à caractériser et documenter la manière dont elles perçoivent voire déploiement des projets “smart city”.

L’utilité potentielle de cette étude, réalisée pour les besoins de Digital Wallonia, va toutefois bien au-delà du territoire wallon puisqu’elle visait l’ensemble des communes de Belgique. Sur un total de 589, 113 ont répondu au questionnaire.

Les questions avaient été organisées en trois chapitres:

  • perception: les villes et communes se sentent-elles concernées par le concept de “smart city” ? que signifie-t-il à leurs yeux ? quels sont les thèmes et axes prioritaires ?
  • projets concrets: des projets ont-ils été initiés ? quels sont les obstacles ou barrières rencontrés (ou perçus) ? qui est à la barre ? quels sont les acteurs qui s’impliquent ?
  • dynamique : dans quelle mesure une dynamique a-t-elle déjà été initiée ? une stratégie a-t-elle été définie ? une équipe y est-elle dédiée ?

Défi ou opportunité?

Que retirer de cette enquête?

Premier constat, deux-tiers des communes participantes estiment être bel et bien que le phénomène smart city revêt un intérêt certain ou est incontournable. Mais il y a une assez grosse divergence selon que l’on parle à une commune urbaine ou rurale ou que l’on s’adresse à une commune wallonne ou flamande.

Les projets initiés en priorité par les villes et communes. La mobilité, bien que considérée comme une priorité, peine à se hisser en tête de classement des réalisations…

A la question “le concept de smart city est-il approprié à votre territoire?” 77% des communes plus urbaines répondent par l’affirmative, contre seulement 34% de communes rurales. Et les Wallonnes, urbaines ou rurales, sont à la traîne avec seulement 45% de oui contre 84% en Flandre et 88% à Bruxelles. Jonathan Desdemoustier, chercheur et co-auteur de l’enquête, y voit comme raison “un paysage urbain plus propice au changement parce que concentrant une population plus nombreuse et hétérogène ainsi que de nombreuses dynamiques en place (économiques, culturelles, politiques et entrepreneuriales).”

On retrouve cette même différence de perception quand la question posée est “voyez-vous plutôt la smart city comme un défi technologique, une opportunité ou l’avenir de votre ville/commune?”.

Communes urbaines et communes flamandes y voient plutôt une opportunité. Leurs homologues rurales et wallonnes (mais aussi bruxelloises) cochent par contre la case “défi technologique”.

Autre chiffre – fort décevant – qui émerge de l’enquête: seules 13% des villes et communes ayant répondu au questionnaire disent avoir élaboré un plan, une stratégie smart city. 17% disent en avoir l’intention.

Seulement 17 (sur les 113 ayant répondu) ont engagé une ou plusieurs personnes au titre de smart city manager. Hasard de l’échantillon ou réelle tendance, la plupart sont en Wallonie: 9 sur les 17, contre 6 en Flandre et 2 à Bruxelles. Petite douche froide par contre: aucune des 96 autres ne semble désireuse d’engager un tel profil.

Autre indication, du côté des plus volontaristes: 59% des chargés de projets travaillent au sein du département stratégique de leur commune.

Obstacles

Les barrières que les communes disent identifier pour le déploiement de projets smart city ne sont d’ailleurs pas uniquement technologiques. En tête des obstacles et difficultés qu’elles pointent du doigt, il y a en effet d’abord la disponibilité de moyens financiers. Deuxième argument avancé: le manque d’expertise en interne au sein de l’administration. Viennent ensuite le dynamisme des acteurs, la motivation du pouvoir politique, les nouvelles technologies, et l’implication de la société civile.

Le manque d’expertise concerne à la fois des carences en termes de maîtrise des nouvelles technologies mais aussi un manque de profils multidisciplinaires ayant une vision transversale des besoins, des opportunités et des possibilités du phénomène smart city, souligne Nathalie Crutzen, directrice du Smart City Institute.

Nathalie Crutzen; “Je pense qu’il faut notamment mettre en place des plates-formes d’échange entre les divers acteurs (plate-forme virtuelle ou organisation de rencontres, d’ateliers…) afin de créer un cercle vertueux et faire en sorte que tous les acteurs – et les citoyens en particulier – puissent activement contribuer à la transformation de leurs territoires.”

Quant au manque de dynamisme des acteurs, elle estime que des outils (ateliers, forums, plates-formes en-ligne…) existent et devraient davantage être exploités pour apporter des réponses et abattre les barrières.

Par ailleurs, les personnes interrogées (pour rappel des responsables communaux) estiment que les initiatives, lorsqu’elles sont prises, émanent encore – très – majoritairement des autorités locales (80% des réponses), ne laissant que 10% au privé, 5% à la société civile, 4% aux centres de recherche et d’universités (le “profil” du pour-cent restant n’est pas identifié).

C’est là une perception sans doute lourde de sens et qui mériterait qu’on creuse sa validité. “En effet”, estime Nathalie Crutzen, “des solutions existent sur le marché. De nombreuses solutions et une dynamique davantage bottom up doivent être mises en oeuvre en collaboration avec le privé, les universités, les citoyens…”

Si les communes ont si peu l’impression que la dynamique vient du terrain, c’est aussi fort probablement parce que les mécanismes d’échanges et d’interactions “en mode 2.0” (participation citoyenne) n’ont pas encore été activés. Ou, lorsqu’ils existent et émanent de simples citoyens ou de start-ups, échappent encore trop souvent au radar et à l’attention de ces mêmes communes… Le chantier est donc encore énorme.

La liste des obstacles perçus le révélait d’ailleurs: le manque d’expertise interne arrive en deuxième position. Or, il ne s’agit sans doute pas uniquement, au moins dans certains cas, d’un manque d’“expertise” mais aussi d’un manque d’attention…