Mi-avril, l’association Cap numérique organisait, en collaboration avec l’intercommunale IDEA et le pôle de compétitivité Logistics in Wallonia, un colloque sur le thème de l’importance de la logistique dans les transactions e-commerce. L’occasion de braquer les projecteurs sur les multiples éléments et détails qui influencent le bon fonctionnement de cette “courroie de transmission” essentielle entre vendeur et acheteur – depuis le choix du bon partenaire logisticien jusqu’aux avantages différenciateurs à procurer au consommateur en passant par l’optimisation et l’intégration des outils informatiques.
Responsable même si non coupable
Que la chaîne logistique grippe et la satisfaction et fidélité du client risque fort de déraper. Comme le révélait en 2014 une enquête du Centre Européen des Consommateurs, la principale inquiétude qu’avouent à la fois les acheteurs et les e-commerçants est de ne pouvoir respecter les délais de livraison (voir encadré ci-dessous).
Principales raisons de plaintes, selon une enquête 2014 du Centre européen des Consommateurs:
- l’absence de livraison ou la suppression du service: 15,4%
- un produit (ou service) livré en mauvais état ou en retard: 12,4%
- un produit (ou service) ne correspondant pas à la commande: 10%
- une annulation de contrat: 8,6%
- des coûts supplémentaires, non prévus: 5%
Or, même si la source du problème se situe du côté du partenaire logistique de l’e-commerçant, chargé d’acheminer le colis, c’est bel et bien le vendeur qui demeure seul responsable, non seulement aux yeux du client mais aussi aux yeux de la loi…
“Il devra donc, à ses frais, résoudre le problème, par exemple avec un deuxième envoi ou un remboursement”, souligne Damien Jacob, consultant et formateur en e-commerce. “Et il court le risque que le consommateur s’épanche sur les réseaux sociaux de sa mauvaise expérience et évidemment ne revienne pas acheter.”
Et ce risque pour l’e-réputation n’est pas mineur: certaines études indiquent en effet que trois-quarts des consommateurs sont “enclins à en parler à leurs amis” via les réseaux sociaux…
Flexibilité pour la livraison
Plusieurs enquêtes ont montré que le consommateur belge s’attend à avoir le choix entre plusieurs modes de livraison: à domicile, au bureau, ou un retrait chez un tiers comme par exemple un point-relais ou dans des consignes automatiques.
En 2015, l’enquête réalisée par Comeos soulignait par ailleurs que l’acheteur, surtout en Flandre et pour la tranche d’âge au-delà de 44 ans, s’attend à la gratuité de la livraison (30% des réponses lors de l’enquête) et à pouvoir choisir le créneau horaire de livraison.
Le Wallon, lui, se disait prêt (ou s’attendait) à débourser de 4 à 7,50 euros en frais de livraison.
Une gratuité peut toutefois être un argument intéressant (même s’il implique des risques non négligeables pour l’e-commerçant) dans la mesure où cela peut doper les ventes et permettre aux petits poucets de regagner du terrain face à de gros bras tels qu’Amazon ou Alibaba où la gratuité est réservée à certaines catégories de clients (ou de commandes).
Partenaires et points-relais
Parmi les critères qui pèsent lourd dans le choix du consommateur, Damien Jacob listait les suivants: nombre et taux de couverture territorial, stabilité du réseau (autrement dit fidélité des acteurs qui servent de points d’enlèvement), plages horaires disponibles, capacité d’entreposage, rigueur des conditions posées (poids maximal, volume des colis…), possibilité de suivre en-ligne le cheminement du colis, possibilité de payer sur place à l’enlèvement…
Critères d’évaluation pour choisir son partenaire logistique (transport, fulfilment)? Les délais maximum de livraison promis, les créneaux de livraison, la fiabilité, les assurances, les services annexes tels que le suivi du processus (tracking) et l’intégration avec la plate-forme d’e-commerce.
Côté choix des partenaires logistiques proprement dit, un critère tel que l’orchestration efficace du flux d’informations à la fois vers l’e-commerçant (et donc vers sa propre solution électronique de gestion des commandes et facturations) et vers le client devient de plus en plus primordial.
Là aussi, un potentiel de suivi (si possible en temps réel) du colis est important. De même que des fonctions de notification automatique en cas de “pépin” (du genre tournée ratée, travaux routiers, grève, produit manquant…) retardant d’autant l’acheminement.
Ce service de notification est, en principe, prévu par tout bon partenaire logistique qui se respecte. Et il est un atout non négligeable pour l’e-commerçant lui-même dans la mesure où cela lui permettra d’avertir spontanément ses propres clients d’un éventuel retard ou problème, voire de lui proposer une solution, plutôt que d’attendre, comme le soulignait Damien Jacob, que le client ne se plaigne auprès de son unique point de contact…
Le “souci du client” passe par d’autres petits détails, tels qu’un système de bordereau que le client pourra imprimer lui-même pour le coller au produit en cas de retour. Avec, si possible, un espace où il pourra expliquer les raisons de son retour. “De quoi améliorer l’offre ou la logistique à l’avenir mais aussi utiliser les informations pour le marketing”.
S’adapter à la cible et la séduire
Plusieurs e-commerçants ont témoigné de leur expérience en logistique. Ainsi Lesbieresbelges.be, boutique qui propose plus de 200 références de bières spéciales, a souligné à quel point il est difficile de trouver un prestataire fiable pour gérer des expéditions fragiles comme des bouteilles. Il a dû investir dans un emballage spécifique pour diminuer le taux de casse. Ce surcoût est non négligeable, mais obligatoire pour la réputation de la boutique en-ligne. Ce constat était pleinement partagé par vinodis.be qui s’est spécialisé dans les “vins du monde” (hors France).
Ces deux e-commerçants développent leurs ventes à l’étranger et veillent donc à proposer des moyens de livraison qu’attendent les consommateurs de ces pays, comme le retrait en point-relais. Pour les acheteurs belges, ils proposent également le retrait gratuit au hall de stockage.
www.padl.be fait de la livraison un des éléments de différenciation par rapport à la concurrence en proposant par exemple la livraison de kayaks directement au bord de l’eau ainsi qu’un emballage écologique.
Internaliser ou externaliser?
Un autre sujet abordé à l’occasion du colloque portait sur les arguments qui font pencher la balance vers un service de fulfilment interne ou externe. Souvent une question de volumes…
“Lorsqu’un certain seuil d’expédition de colis par jour est atteint, le gérant de l’e-commerce peut difficile continuer à assurer lui-même l’ensemble des processus de préparation des commandes”, relevait Damien Jacob. “Faire appel à des sous-traitants comme Logvad ou Bpost peut alors s’avérer judicieux dans la mesure où ces acteurs peuvent niveler les pointes de travail sur plusieurs contrats.”
Une nouvelle tendance est en train de s’installer en la matière, qui vise à optimiser ressources et compétences. “La profession lorgne sur les initiatives lancées par d’autres régions, comme par exemple le Nord-Pas-de-Calais, où il existe des espaces de mutualisation de la logistique ainsi que des incubateurs spécialisés pour e-shops, soutenus par les pouvoirs publics. Il semble que le plan DigitalWallonia envisage de s’en inspirer….”
Si l’externalisation du fulfilment se justifie lorsque le nombre de commandes devient trop lourd à assumer en interne, cet impact du volume s’inverse par contre à partir d’un certain seuil. “Passé un seuil de plusieurs centaines de colis par jour, la balance revient souvent vers l’internalisation, parce qu’il est alors économiquement plus intéressant de constituer une équipe de travailleurs logisticiens….”
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