Les projets “smart city” des communes wallonnes: la réflexion devient plus globale

Hors-cadre
Par · 16/03/2022

Nouvelle édition de la désormais traditionnelle étude “baromètre” du Smart City Institute (HEC ULiège), qui prend le pouls des intentions et des projets des villes et communes wallonnes, de leur “trajet de maturation”, en matière de “smart city”. Ou plus exactement, pour éviter d’utiliser ce vocable souvent fourre-tout, dans ce que le Smart City Institute appelle désormais la “transition durable et intelligente”…

113 communes (soit un peu moins de la moitié des communes wallonnes) ont répondu, entre la mi-août et le début octobre 2021, au questionnaire concocté par le Smart City Institute.

Répartition en termes de taille et de “profil”:
– 104 petites communes et 9 grandes villes (Charleroi, Liège, Namur, Mons, La Louvière, Tournai, Seraing, Mouscron et Verviers)
– 70 entités urbaines et 43 entités rurales.

84% d’entre elles continuent de voir avant tout sous le vocable “smart city” une invite à initier des projets de transformation (ou transition) numérique. 60% des communes ayant participé à l’étude estiment par ailleurs que le concept de “smart city” implique un projet de “participation inclusive des citoyens et des acteurs (publics et privés)”.

Principaux événements ou éléments qui ont poussé la commune à se lancer dans une démarche de “transition durable et intelligente”? En premier lieu, tant pour les entités urbaines que rurales, l’élaboration d’un Plan Stratégique Transversal (PST), obligatoire depuis 2019.

Vient ensuite une participation à l’appel à projets Territoire intelligent lancé dans le cadre du programme Digital Wallonia.

Les perceptions de ce que désigne le concept de “smart city” (voir tableau ci-contre) n’évoluent guère par rapport à l’enquête antérieure.

Seul glissement significatif, le fait que les communes sont plus nombreuses à considérer que les projets de smart city visent ou devraient permettre le “développement d’une vision globale des enjeux de la ville/commune”.

La progression n’est pas anodine, passant de 33% des réponses en 2020 à 45% en 2021 (une progression qui est en outre plus marquée du côté des entités urbaines). Un élément qui s’explique sans doute dans le fait que davantage de communes ont désormais intégré ce concept dans leur réflexion stratégique (PST compris).

Et c’est sans doute le même phénomène qui est à l’oeuvre derrière la progression (moins nette) du paramètre “complexification de la planification stratégiques d’une ville/commune”.

Les thématiques privilégiées pour les projets restent l’environnement et le développement urbain durable, l’amélioration de la gouvernance (où l’on retrouve la participation citoyenne comme levier d’action), et la notion de “smart people”, qui inclut des dimensions de compétences (via des actions de formation) mais aussi de (télé)communications.

 

Smart City Institute: “60% des communes, engagées dans des projets smart city, n’ont pas encore formalisé cette dynamique dans un programme ou une stratégie. Parfois parce qu’elles estiment ne pas encore avoir un stade d’avancement suffisant. Parfois aussi par manque d’expertise ou de ressources… Du côté de celle qui ont formalisé leur démarche, beaucoup l’ont fait sous l’impulsion du Plan Stratégique Transversal.”

 

Une approche davantage stratégique

D’après les conclusions que le Smart City Institute tire de son enquête, les communes wallonnes auraient donc progressé dans le registre “gestion structurée des projets”, en ce compris l’insertion des projets dans le cadre d’une réelle stratégie. En l’espace d’un an, le gain est sensible, passant de 30% des réponses à 40% (mais soulignons ici que l’on est dans l’auto-déclaratif…). “81% des communes”, souligne le Smart City Institute, “affirment avoir intégré leur démarche dans leur Plan Stratégique Transversal (PST)”. 

 

Smart City Institute: “Outre le développement numérique des communes wallonnes (55%) et la rédaction du Plan Stratégique Transversal (51%), l’un des principaux déclencheurs des démarches Smart City au sein des communes wallonnes est la participation à l’appel à projets Territoire Intelligent (54%).”

 

Toutefois, il ne faudrait pas confondre “structuration” ou “formalisation” et “évaluation”. Il ressort en effet de l’enquête du Smart City Institute que 57% des communes ayant lancé des projets, voire une “démarche”, smart city ne procèdent pas encore à une évaluation de leurs projets.

A noter au passage une différence notoire entre la province de Luxembourg et les autres provinces francophones. En effet, dans la province méridionale, 46% des communes disent procéder à une évaluation de leurs projets, là où la moyenne est inférieure à 25% dans toutes les autres provinces.

Raisons évoquées pour justifier ou expliquer le manque ou l’absence d’évaluation? Par ordre décroissant de signalement: démarche non encore aboutie (47%), stade trop précoce pour pouvoir évaluer (47%), manque de ressources en temps ou personnel (41%).

A propos des deux premières raisons évoquées, le Smart City Institute tient à relever qu’il y a là une erreur de perception et une erreur dans la démarche: “les communes wallonnes considèrent encore le suivi et l’évaluation comme une étape de fin de processus alors, qu’au contraire, elle devrait apparaître tout au long du développement de la démarche”.

Plus ne veut pas forcément dire mieux

Si le nombre de projets progresse quelque peu (mais sans augmentation réellement importante) et si la démarche semble devenir plus raisonnée et stratégique, cela ne veut pas forcément dire que les gains et les réussites soient davantage au rendez-vous. Pour preuve, ce chiffre: “66% (soit une augmentation de 10% par rapport à l’enquête 2020) des répondants impliqués dans une démarche smart city estiment que les projets sont difficiles voire très difficiles à mettre en oeuvre.”

Principales justifications données:
– difficulté à mobiliser les budgets (50% des réponses)
– difficulté à obtenir l’expertise nécessaire à la planification, à la réalisation et au suivi des projets (49%)
– et… difficulté à identifier et à déployer les technologies nécessaires. Cet élément apparaît d’ailleurs plus que lors de l’enquête 2020 (la hausse est de l’ordre de 10%). Comment expliquer ce phénomène? Le Smart City Institute avance l’effet-boomerang de ma crise sanitaire: “les communes wallonnes ont été nombreuses à avoir fait appel aux nouvelles technologies pour maintenir leurs activités”. Autrement dit, plus de recours aux technologies numériques, donc augmentation d’une prise de conscience des difficultés d’appropriation qu’elles induisent…

L’acquisition de compétences continue d’apparaître comme une nécessité et un obstacle difficile à surmonter. En la matière, nombre de communes espèrent une aide financière (pour financer des formateurs ou acquérir des outils) de la part de la Région – voire de l’Europe, sans doute sous la bannière “Relance”.

Question, toujours intéressante, posée par les auteurs de l’étude: qui, au niveau de l’administration communale, est en charge ou qui endosse la responsabilité du pilotage des projets orientés smart city. Il s’avère que dans 55% des cas, l’échevin à la manoeuvre est celui qui est responsable des dossiers IT/numérique/nouvelles technologies. Viennent ensuite les échevins des travaux et aménagement du territoire (30%), des finances (25%), de la communication (20%), de la mobilité (15%) et… dernier (plus rare) un “smart city manager” dédié (10% des réponses).

Certaines petites communes, en particulier dans les provinces de Namur et de Luxembourg, ont par ailleurs “externalisé” les rênes “smart city” à l’intercommunale (respectivement BEP et Idelux – deux intercommunales qui, très tôt, en ont fait un axe d’action mutualiste).

Le rapport de l’enquête-“baromètre” “Smart City and Smart Region – Transition durable et intelligente – 2021” peut être téléchargé via le site du Smart City Institute.