Le Plan Digital Wallonia vu par les “DW Champions” (1): pérenniser l’initiative

Hors-cadre
Par · 24/09/2018

Pour préparer la version “2.0” du Plan Digital Wallonia (attendue pour décembre), les responsables régionaux, par l’intermédiaire de l’AdN, ont organisé un exercice de réflexion participative afin de collecter des avis, souhaits et propositions. Avis sur la manière dont les choses se sont passées jusqu’ici. Souhaits et propositions pour les orientations à donner aux futures actions.

Les personnes invitées à participer ainsi à cet exercice collégial, via questionnaires et séance de réflexion en présentiel, furent les Digital Wallonia Champions (ils sont environ 150), qui émanent de toute une série de domaines d’activités.

L’un des souhaits qui se dégage avec force des échanges est celui de la continuité du plan: faire en sorte que le plan Digital Wallonia soit pérennisé, puisse évoluer en dépit de toute influence ou de tout soubresaut politique. Ce message fut émis par de nombreux “champions”, ce qui est sans doute aussi le signe d’une inquiétude latente. Comme s’il fallait réinsister sur cette continuité et cette neutralité objective.

Préserver la représentativité

Le groupe de travail “Gouvernance, promotion et communication” qui avait été constitué lors de l’Université d’Eté est revenu sur ce point. “La notion de “stratégie apolitique et collaborative” a été mise en avant par plusieurs participants, dont moi-même”, déclare Sandrine Quoibion, qui s’apprête à quitter ses fonctions de directrice de l’Infopole Cluster TIC.

“Selon nous, pour qu’un plan ambitieux puisse avoir de réelles applications, implications et porte ses fruits, il ne doit pas subir les aléas politiques. Un changement de majorité au sein du gouvernement où on passe du rouge au bleu et où chacun cherche à marquer de son empreinte ce changement par des actions “tranchantes”, ou bien un “coup d’état”politique tel qu’on a pu en connaître durant l’été 2017, ne devraient avoir aucune conséquence sur une stratégie telle que celle envisagée au niveau du numérique.

De même, il faut que les grandes décisions stratégiques régionales soient réfléchies, validées, appliquées, suivies et évaluées non pas uniquement par un gouvernement ou quelques personnes représentant le gouvernement mais bien par un panel représentatif d’acteurs divers (politiques, économiques, publics, …). Sans une approche collaborative, aucune stratégie ne sera réellement efficace et pertinente.

Ce sont là deux idées originales qui ont été débattues mais qui ont été fortement appréciées.”

Sandrine Quoibion (Infopole Cluster TIC): “Sans une approche collaborative, aucune stratégie ne sera réellement efficace et pertinente.

Poursuivre, amplifier, se saisir des éléments déjà existants pour progresser. C’est là aussi le sentiment qu’Olivier De Doncker, président de la branche francophone de la Feweb, retire de l’exercice Université d’Eté. “Le fil rouge qui se dégage de toutes les propositions qui ont été faites, c’est qu’il ne s’agit pas d’imaginer quelque de nouveau mais plutôt de consolider ce qui existe déjà. Il y a déjà plein d’outils, de pièces du puzzle mais qui sont parfois mal emboîtées, voire pas du tout. Il faut faire en sorte que ce qui existe fonctionne.”

Un exemple? “En matière de financement des start-ups, on dénombre plusieurs acteurs publics – invests, SRIW… On semble reproduire, dans ce domaine, la concurrence entre bassins.

Mon espoir est que dans l’axe Economie par [du plan Digital Wallonia], on mette en oeuvre des filières bien organisées.”

L’après-Univ’: les désidératas pour la suite

Qu’attendent dès lors les DW Champions de l’acteur public (gouvernement, AdN) ou encore du Conseil du Numérique pour la suite du processus et l’implémentation du plan “DW 2.0”?

Tous les DW Champions que nous avons contactés insistent sur un besoin de poursuivre, voire d’amplifier et accélérer l’effort.

Sandrine Quoibion (Infopole Cluster TIC): “La dynamique initiée via l’Université d’été ou celle du Conseil du Numérique sont pour moi des dynamiques qui doivent durer et s’amplifier. Il s’agit d’un processus collaboratif indispensable pour une implémentation réussie du DW 2.0.”

L’idée de collaboration et d’efforts conjugués, “intelligemment” orchestrées, est également soulignée par Pierre Collin, directeur du cluster TWIST (industrie des médias): “Digital Wallonia est un plan collectif. L’AdN doit faire en sorte de le faire exister et partager par le plus grand nombre de compétences, dans toutes les couches de la société.

Pierre Collin (cluster TWIST): “A l’AdN, d’implémenter de manière scrupuleuse, avec le concours des compétences spécifiques existant sur le territoire, les mesures validées afin de doter la Wallonie des outils lui permettant d’affronter la révolution numérique.”

“Le Conseil du Numérique a un rôle consultatif et de surveillance du bon déroulement de ce plan. Il constitue en quelque sorte le “contre-pouvoir”. Il est de son ressort d’avoir de l’ambition et de veiller à une exécution parfaite des mesures validées.

C’est aussi un organe qu’il est possible de saisir afin de préciser des actions ou de transmettre des solutions/propositions.”

Céline Colas (Kodo Wallonie): “Il faut qu’il y ait un réel suivi de tout le travail déjà accompli par tous les acteurs et une réelle continuité dans celui-ci. Je pense que, grâce au processus mis en place, ce sera le cas et que de nouvelles idées trouveront écho aussi au niveau du gouvernement et au sein de l’AdN.”

Cédric Tumelaire, échevin chargé des nouvelles technologies de Waterloo, en appelle pour sa part à un “geste” concret, palpable, de la part des autorités wallonnes, en matière de “smart region”: “Une implication d’un maximum d’acteurs est importante. Il faut encore accompagner davantage les villes et communes dans leur démarche. Il faut aller vers elles de façon plus pro-active.

Le gouvernement wallon doit aider chacun à se positionner dans cette DW 2.0. mais surtout leur permettre d’accéder à cette “Smart City” en leur donnant des moyens financiers pour y arriver.

Seul dans son coin, les villes et communes n’ont pas la capacité financière d’investir massivement dans la Smart City et donc de faire avancer la Wallonie vers une Région 2.0.”

David Guilmot, responsable informatique et “smart city enthousiast” à la Ville d’Ath, attend lui “un peu de leadership et d’indépendance de la part de l’AdN car on ressent de temps à autre cette fameuse “lasagne administrative” typiquement Belge qui a du mal à se mettre en mouvement.”

Olivier De Doncker (Feweb): “L’AdN ne met plus suffisamment l’accent sur l’économie du numérique. On n’entend plus rien venant d’eux sur des sujets tels que la compréhension et maîtrise des outils, les métiers du numérique, les métiers émergents, alors qu’il y a pénurie et que l’économie est en pleine transformation.”

Pour Gilles Bazelaire (Dogstudio), “j’attends de ces acteurs qu’ils continuent à fédérer le secteur. Mais il faut également travailler sur des grappes sectorielles fortes. En organisant des réunions plus fréquentes de ces grappes. Des réunions qui explorent les faiblesses du secteur et qui fassent émerger les solutions que la Wallonie doit pouvoir apporter rapidement pour y répondre. Le digital avance tellement vite qu’on ne peut pas se caler sur des agendas politiques.”

Audace ou conformisme?

Ce que disent aussi espérer – parfois même avant tout – nombre de participants au processus de co-réflexion, c’est que les demandes ou propositions formulées “ne soient pas rangées dans un tiroir ou fortement écrémées pour ne garder que 10 % du contenu”, comme le dit Sandrine Quoibion.

“Plusieurs propositions formulées seront, selon toute apparence, prises en compte sans trop de difficulté. Je pense notamment à une proposition liée à la Delivery Unit et à son CIO au sein du SPW, mais certaines sont audacieuses, disruptives et, pour moi, ce sont celles-là qui seront les plus intéressantes à développer et à ne pas mettre en bas de la pile.

Je suis donc curieuse et impatiente de voir si le gouvernement, l’AdN et le Conseil du Numérique auront pris en compte ces propositions pour la nouvelle mouture du Plan numérique et curieuse de constater si l’audace aura surpassé la stabilité ou la facilité…”

A suivre, dans les prochains jours, d’autres points de vue et attentes de plusieurs DW Champions: à propos du Digital Wallonia Hub, de la formation aux compétences numériques, d’une « spécialisation intelligente” ou encore de ce qu’ils retiennent de la méthode participative utilisée.