IXmaps: argument-choc anti-NSA?

Hors-cadre
Par · 31/03/2017

Une équipe de recherche canadienne de l’Université de Toronto et de l’Université York a mis au point une solution de cartographie Internet, baptisée IXmaps (IX étant l’abréviation d’Internet Exchange), dans le but de permettre à tout citoyen canadien de visualiser l’itinéraire que suivent ses données sur Internet, chaque fois qu’il procède à une opération ou transaction. Que ce soit pour envoyer un courriel, transférer un fichier, effectuer un achat en-ligne ou simplement consulter un site Internet.

L’un des objectifs premiers est de détecter si – et dans quelles proportions – les données transitent par le territoire américain. Les autres territoires sont évidemment tout aussi intéressants à “détecter” mais depuis que Donald Trump est arrivé au pouvoir, l’inquiétude s’est ravivée du côté canadien au sujet de mesures prises par la nouvelle Administration qui ont pour effet de supprimer toutes les protections dont bénéficiaient les données de citoyens canadiens “détenues” par les Etats-Unis.

Signe de l’importance qu’y attachent les autorités, le projet a été partiellement financé par l’Autorité canadienne des enregistrements Internet (ACEI) et par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

Inspiration pour l’Europe?

“Selon la communauté de la recherche, la vaste majorité du trafic Internet des Canadiennes et des Canadiens passe par les Etats-Unis, là où il est particulièrement vulnérable à la surveillance de la NSA. L’un des principaux problèmes que soulève cette situation vient du fait que la NSA a installé des points d’écoute dans un grand nombre de villes américaines où sont localisés les points d’échange Internet (IXP). Si vos données passent par les Etats-Unis, elles transitent par l’un de ces villes et sont donc sujettes à surveillance par la NSA. Les informations vous concernant sont alors collectées, analysées et stockées dans le principal data center de la NSA, situé dans l’Utah. Une fois en dehors du Canada, vos données sont traitées comme des données étrangères et sont privées de toute protection légale ou constitutionnelle canadienne.

[…] En cas de collecte massive de vos métadonnées de communications privées, les experts préviennent que cela permet à la NSA de dresser un portrait détaillé de votre vie personnelle, en ce compris votre situation financière, votre état de santé, votre orientation sexuelle et même vos convictions politiques ou religieuses.

[…] Ce qui est encore plus inquiétant est le fait que ce genre de surveillance ne s’applique pas uniquement aux courriels. Un Canadien qui visite un site Internet canadien (par exemple le Globe & Mail ou CBC News) risque aussi de voir son trafic passer par les Etats-Unis, où il est surveillé par la NSA. Peut-être cela ne vous fait-il ni chaud ni froid si la NSA sait que vous avez lu les infos de CBC ce matin-là mais qu’en est-il si vous visiter le site d’assistance canadien HIV/Sida ou contacter la hotline de prévention du suicide?

[…] “La majorité des communications Internet internationales canadiennes concernant des pays autres que les Etats-Unis passent elles aussi par les USA, quasi invariablement par une ville où la NSA dispose de sites d’interception.

La raison en est que la grande majorité du trafic Internet entre l’Amérique du Nord et l’Europe, ou entre l’Amérique du Nord et l’Asie, franchit les océans Atlantique et Pacifique par le biais de câbles fibre optique dont la plupart atterrissent aux Etats-Unis et non au Canada. Les 13 câbles trans-pacifiques aboutissent tous sur la côte ouest des Etats-Unis. De même, 12 des 14 câbles trans-atlantiques atterrissent aux Etats-Unis plutôt qu’au Canada.”

Renforcer les infrastructures territoriales

Cet outil IXmaps est destiné à documenter le fait que les transferts de données, en ce compris ceux dont l’expéditeur et le destinataire sont tous deux canadiens, quittent bel et bien le territoire national et s’exposent donc “inutilement” à des risques de violation de la vie privée. Pour divers acteurs canadiens, notamment l’ACEI, ce sera aussi un argument de poids dans la pression qui s’exerce de plus en plus sur les autorités et les prestataires nationaux afin de “construire et de pérenniser un ensemble robuste de points d échange Internet (IPX)” sur le territoire canadien.

C’est là l’une des recommandations émises par Andrew Clement et Jonathan Obar, deux des chercheurs à l’origine de la solution IXmaps, à destination des autorités de leur pays.

Autre recommandation: “exiger plus de transparence et une plus grande responsabilisation des fournisseurs canadiens de services de télécommunication en ce qui concerne leurs pratiques de routage inter-réseau, leur utilisation des réseaux “longue distance” ainsi que les dispositions en matière de protection des données stipulées dans les accords contractuels passés avec les fournisseurs de transit.”

Une position qui ne peut qu’intéresser et inspirer l’Union européenne…