Marie-Hélène Van Eyck (InnovaTech): “Donner le sentiment que l’innovation n’est pas hors de portée. Pour innover, il faut croire en sa capacité à faire quelque chose.”
L’innovation est souvent essentielle pour la viabilité d’une entreprise. Mais comment une PME, aux moyens limités (humains, financiers ou autres), peut-elle s’y adonner?
Leur atout majeur, corollaire de leur taille, est la flexibilité, l’adaptabilité, la réactivité. Au-delà, estime Marie-Hélène Van Eyck, directrice d’Innovatech, les PME peuvent- toutes proportions gardées- s’inspirer de ce que font les grandes entreprises.
“En reprenant certains trucs et astuces des grandes structures, on peut être très performant en petite entreprise. Par exemple: fixer des objectifs, les répartir dans la structure, entre les différentes personnes, évoluer par objectifs, établir et suivre un plan d’action, être rigoureux. C’est quelque chose que les petites entreprises doivent apprendre parce que cela leur permet d’évoluer plus vite.”
Les erreurs classiques
Il y a surtout des embûches et travers à éviter à toute force. Or, certaines erreurs semblent se produire très régulièrement. Marie-Hélène Van Eyck en pointe quelques-unes.
✄ Des projets trop complexes
Un ingénieur fait souvent (trop) compliqué. “Comme le disait Steve Jobs, Simple can be harder than complex: You have to work hard to get your thinking clean to make it simple. But it’s worth it in the end because once you get there, you can move mountains. Le vrai challenge n’est pas de faire complexe mais de faire simple. Je milite toujours pour la simplification. Mais simple ne veut pas dire simpliste. Qu’un porteur de projet se présente et mette deux heures pour expliquer son projet et on peut en conclure que ce projet n’est pas mûr. Quand vous devez présenter un produit, vous avez quelques minutes pour le vendre. Si l’entrepreneur ne peut l’expliquer rapidement, cela veut dire que le produit est trop complexe pour être vendu. Il lui faudra faire des choix, en revenir à l’essentiel. De notre côté [chez Innovatech], nous devons pouvoir identifier immédiatement les faiblesses, trouver des méthodes simples pour lever ou résoudre les blocages.”
✄ L’usine à gaz
Marie-Hélène Van Eyck pointe là un “défaut typique du technicien ou du scientifique”.
Petit portrait tracé d’un trait qui se veut volontairement un peu gros et simplificateur.
“Un universitaire réfléchit un peu, beaucoup, passionnément, et en fait une usine à gaz. Il réfléchit tellement qu’il lui reste peu de temps pour l’action. On a donc très peu de résultat.
A l’inverse, l’entrepreneur d’une petite entreprise réfléchit peu et a peu de temps. Résultat: il agit beaucoup, mais dans tous les sens et va droit au burn out. Et, lui aussi, obtient peu de résultats concrets en raison de cette dispersion d’efforts.
Le juste milieu est de construire une réflexion, qui mène vers une action dirigée. Mais comment atteindre cet idéal? Nous prônons une approche par itération. Il faut commencer par une réflexion de base. A partir de là, il s’agit d’agir afin d’obtenir des résultats. Ensuite, on renforce le système et on amplifie l’action et les résultats.”
Ce qui est difficile, c’est de procéder à la bonne réflexion, de choisir les bonnes briques au départ. Eviter de réfléchir en vase clos pendant un an à une nouvelle méthode ou à un nouveau produit avant de le confronter au terrain car le résultat ne correspondra pas (ou pas forcément) au besoin. Il faut, bien entendu, faire très attention à la propriété intellectuelle.
La réflexion doit être complète mais courte. Il faut se poser les bonnes questions sans aller dans tous les détails au départ.
✄ Ne pas (oser) y croire
On dit souvent que 100% des gens qui ont réussi sont des gens qui y ont cru. Certes, mais “y croire” est aussi quelque chose qui s’apprend. Qui implique un changement de mentalité, un changement dans la manière dont l’entrepreneur- et son écosystème potentiel- se projette face à l’innovation et à l’entrepreneuriat.
“C’est toujours difficile d’y croire tant que quelque chose qui, par définition, n’existe pas encore n’est pas sur le marché. Par exemple, je ne suis pas sûre que si Mark Zuckerberg était venu présenter son projet Facebook, notre réaction aurait été d’y croire et de se dire que c’était là quelque chose qui allait révolutionner la planète.”
Marie-Hélène Van Eyck (Innovatech): “Diverses initiatives sont prises, aujourd’hui, pour intégrer de la créativité dans les écoles. Je pense que ce serait utile de les généraliser, que cela fasse partie du programme scolaire d’une manière ou d’une autre.”
Question: pourquoi n’y aurait-on pas cru en Belgique? En ce compris chez Innovatech? Il est clair qu’on ose moins en Europe- et en Belgique. Qu’on veut sans doute partir de bases plus concrètes, pragmatiques, cartésiennes. Mais que manque-t-il donc pour qu’on ose la créativité- au risque de ne pas réussir? Qu’est-ce qui doit changer aux yeux de Marie-Hélène Van Eyck?
“Notre éducation y est pour beaucoup. On nous apprend à l’école à respecter les règles, à résoudre par exemple un exercice en respectant la procédure donnée par le professeur. Ces années de formatage nous conditionnent à réfléchir dans le cadre fixé. Or, la survie économique de nos sociétés européennes va dépendre de notre capacité à sortir du cadre, à penser différemment, à créer et innover. Il y a maintenant diverses initiatives qui sont prises pour intégrer de la créativité dans les écoles. Je pense que ce serait utile de les généraliser, que cela fasse partie du programme scolaire d’une manière ou d’une autre.”
✄ Trop peu d’analyse de la rentabilité du projet
“Trop rares sont ceux qui calculent ce que le projet va leur rapporter. Beaucoup d’entrepreneurs n’ont pas pour premier objectif la rentabilité et l’argent. On peut bien entendu saluer la chose, d’un point de vue éthique, mais garantir la rentabilité est pourtant essentiel pour pouvoir réaliser ses rêves.”
✄ Trop peu de coordination de projet
On ne procède pas suffisamment souvent à la désignation d’un coordinateur de projet en PME. L’innovation technologique est quelque chose d’émotionnel. C’est de la passion. L’entrepreneur, le patron d’une petite entreprise a tendance à vouloir le faire lui-même, parce que c’est un peu le côté fun de son boulot. Mais comme il a beaucoup de choses à faire, rien n’avance. C’est donc fondamental de désigner un coordinateur ou responsable projet.
Marie-Hélène Van Eyck: “Les sociétés qui se développement sont celles qui dégagent du temps pour se projeter à deux ou trois ans.”
Qui plus est, on constate que lorsqu’un coordinateur est choisi, il l’est souvent pour des raisons techniques. Or, ce spécialiste ne sera peut-être pas la personne la plus indiquée, la plus motivante, ou quelqu’un qui va savoir écouter les autres. C’est même là l’un des traits caractéristiques d’un spécialiste: il a souvent tendance à ne pas écouter les autres alors que 80% des bonnes idées viennent pourtant de l’équipe et des collaborateurs.
Les responsables de petites entreprises sont tellement épuisés par le court terme, à agir dans tous les sens qu’il y a peu de stratégie à moyen terme. Or, les sociétés qui se développement sont celles qui dégagent du temps pour se projeter à deux ou trois ans.”
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