Geoffroy Simon (Preesale): “Techstars nous a permis de décanter bien des choses”

Hors-cadre
Par · 26/12/2016

“Mon conseil à toute start-up qui ne l’aurait pas encore fait est de s’inscrire à un programme d’accélération”, confie Geoffroy Simon, aujourd’hui à la tête de Preesale, après avoir lancé successivement GetYoo et TagTagCity (toujours bien vivante et dont il demeure l’un des pilotes, même à distance).

Ce conseil, il le destine à quiconque veut bien l’entendre, au lendemain de son retour d’Atlanta où il a participé, pendant 12 semaines, en compagnie de deux de ses collègues, au programme d’accélération Techstars.

Qu’en a-t-il retiré par rapport à ses espoirs de départ? Faut-il aller chercher si loin un accompagnement ou des structures plus proches – tant culturellement que géographiquement – pourraient-elles faire l’affaire? Petit debriefing…

Geoffroy Simon n’est pas revenu d’Atlanta des étoiles plein les yeux, planant sur un petit nuage d’excitation à l’américaine. Le bilan qu’il tire de ces 12 semaines intensives d’accélération contient en effet du bon et du moins bon. S’il ne regrette rien et continue de considérer que “Techstars demeure l’un des meilleurs accélérateurs au monde”, l’expérience géorgienne ne lui a pas permis de hisser ce programme en tête de liste de ses préférences.

Le fait est qu’il n’était pas un novice en la matière. Techstars Atlanta était sa 4ème participation à un accélérateur (et sans doute pas la dernière). Il en avait fréquenté d’autres, bien plus près de chez nous, notamment lorsqu’il dirigeait encore une TagTagCity encore en phase de démarrage.

Et le programme qui, à ses yeux, lui a apporté le plus n’est pas l’américain Techstars mais l’européen StartupBootcamp d’Amsterdam.

Il y avait trouvé un accompagnement et, plus précisément, un encadrement plus directement utile. Parce que l’approche est différente – comme on le verra plus loin – et parce que la manière dont les choses se sont déroulées à Atlanta manquait, à ses yeux, de structuration. “Mais c’était peut-être dû au fait que le programme était une première dans cette ville.”

Une certaine dose de plâtres a donc dû être essuyée… Bénéfice du doute!

Tout est dans la méthode

Quelle était la “méthode” Techstars? Un programme de 12 semaines, découpé en 4 phases.

  • Première étape: “Mentor Madness”, avec des séances de pitch devant pas moins de 100 sponsors, à raison d’une dizaine de sessions de 30 ou 40 minutes par jour. De quoi vous lessiver la tête. Mais cela a aussi son côté positif. “En répétant son pitch jusqu’à la nausée, on finit par synthétiser ce qu’on connaît déjà et à faire émerger de nouvelles idées, à dégager une vision de son business à 2 ou 4 ans.”
  • Deuxième phase: traction, construction du produit et contact avec une clientèle potentielle. Phase jugée très utile: “Techstars aide à se remettre en question, à rechercher les valeurs essentielles de la start-up, à dégager une vision de la manière dont on veut y parvenir. Définir ces valeurs impose un véritable travail de recherche.”
  • Troisième tableau: recherche de fonds. En la matière, Preesale a sans doute déçu – ou choqué ? – les organisateurs de Techstars parce que la start-up bruxelloise n’a pas cherché d’investisseurs. “Il n’était pas question pour nous de vendre du rêve sur base d’un plan financier fou. Le but pour nous est avant tout de consolider notre marché, en Wallonie, à Bruxelles. Dans 4 ou 6 mois, nous retournerons sûrement vers les Etats-Unis [Ndlr: et un possible appel aux fonds] mais nous devons encore nous bâtir de la visibilité, consolider avant de s’éparpiller. Les investisseurs américains auraient sans doute préféré nous entendre dire que nous avions l’intention d’installer immédiatement une équipe sur place et de développer le marché local…”
  • Quatrième et dernière phase: Demo Day. Un exercice qui est longuement préparé. Pas question d’y venir en dilettante. Des “pre-demo days” permettent de jauger le sérieux du starter mis sur le gril. Toute préparation insuffisante signifie une privation simple et définitive du podium.

Le moins bon

Si Preesale a retiré pas mal de bonnes choses du programme d’accélération Techstars, elle en revient avec des sentiments plus mitigés sur un certain nombre de points.

Geoffroy Simon: “Un bon mentor est un quelqu’un qui connaît le marché. Sans quoi, on tombe facilement dans des discussions stériles, de surface, qui n’apportent pas grand chose de concret à l’accélération de la start-up.”

Côté pitch devant “mentors” (des CEO de haut vol, quelques gros calibres venus de sociétés connues telles que Microsoft, The Weather Channel, MailChimp, Cox Industries…, des profils financiers, juridiques, gestion de produits…), Geoffroy Simon regrette que la réputation, la carte de visite mais aussi la quantité l’aient emporté sur la pertinence et l’adéquation avec ce qu’attend spécifiquement chaque start-up.

Il est plus important de passé 4 heures avec le responsable du design chez booking.com que deux heures avec le fondateur d’une boîte qu’on ne connait pas, pour entendre sa “founder story”. Il faut du pratique, de l’exécutable.”

Au StartupBootcamp d’Amsterdam, la méthode avait été toute autre. “Les besoins de chaque start-up avaient été étudiés en amont. Un filtrage avait été effectué afin de choisir les mentors. A l’époque, j’avais par exemple eu droit à une session personnalisée de 4 heures avec un responsable de booking.com pour parler de user experience et d’interface client. Beaucoup plus utile directement que d’entendre le fondateur d’une boîte qu’on ne connait pas, parler de sa “founder story”. Il faut du pratique, de l’exécutable.”

Autre regret: la difficulté, parfois, à contacter le mentor que désirait solliciter Preesale. “Pour certaines compétences, les mentors assignés étaient tellement “high-level” qu’ils n’étaient pas toujours disponibles.”

Geoffroy Simon: “Nous avons manqué, à Atlanta, de formation spécifique, de l’aide d’une personne qui puisse par exemple nous aider dans l’analyse d’une offre de prix et de services, le montage d’un contrat, la définition de use cases…”

Le trio de Preesale en est aussi revenu avec le sentiment d’avoir été trop livré à lui-même pendant la deuxième phase du programme (travail sur la traction et les KPI). Du moins, lorsqu’il s’agissait de faire le point. Une réunion hebdomadaire, entièrement dédiée à l’analyse de ces KPI (que chaque société définissait), n’était pas suffisante, aux yeux de Geoffroy Simon. Mais là aussi il y voit l’effet d’une première édition qui cherche encore ses marques…

Il émet par contre une critique plus fondamentale sur la manière dont la progression de la start-up est placée sous le joug des KPI, des “performances” qu’il faut à tout prix améliorer, voire exploser.

La remarque, à ses yeux, vaut pour tous les accélérateurs. Il faut sans cesse être dans la rupture. Vouloir révolutionner, réinventer le monde. Innover jusqu’à l’extrême parce que “seule l’innovation peut sauver l’économie”.

Ce qui lui fait dire qu’“un accélérateur devrait ménager du temps pour décélérer, analyser le chemin parcouru pour mieux redémarrer ensuite, plutôt que de toujours nous pousser à faire plus et plus performant. A force de pousser quelqu’un à foncer tête baissée, on finit par le diluer parce qu’il ne sait plus où il en est.”

“C’est aussi oublier une chose fondamentale: les fondateurs de start-ups ne se paient pas, sont prêts à tout pour réussir. Et cela a pour effet, d’une part, de casser les prix du marché et, d’autre part, en accélérant l’innovation et la croissance, de déboucher sur des produits qui ne sont pas en adéquation avec le marché…”

“Nous n’avons pas à en rougir”

Face à ce bilan mêlant positif et négatif, la question se pose de savoir s’il est nécessaire à une start-up belge de franchir l’océan pour trouver accélération à son pied.

Geoffroy Simon cite quelques exemples d’avantages que l’on ne trouve pas près de chez nous. A savoir, “un accès incomparable à un réseau américain et international, l’accès à un riche intranet de ressources au sein de Techstars, l’importance de l’investissement que met l’accélérateur sur la table – même si le plus important n’est pas la somme d’argent avancée mais la qualité de la formation.”

Geoffroy Simon: “La réunion, au moins mensuelle, des mentors qui font partie d’un advisory board, pour faire le point, est sûrement aussi “valuable” que de rencontrer quotidiennement ses clients !”

Le mode de financement octroyé est aussi un argument en faveur de l’outre-Atlantique. “Aux Etats-Unis, ils ont compris que le principe habituel d’equity implique un parcours trop long et d’inutiles débats sur la valorisation. Ils sont passés au principe du titre convertible (“convertible note”), avec fixation d’un objectif concret [Ndlr: exprimé en chiffre de ventes, nombre de clients décrochés…] S’il n’est pas atteint, on ne s’écharpe plus sur la question de savoir qui a droit à combien d’actions…

Les créateurs de la start-up gagnent ainsi du temps. Ils ne doivent plus consacrer de long mois à peaufiner et négocier les modalités, la convention, le pacte d’actionnaire, et peuvent se concentrer sur ce qu’ils connaissent: imposer leur produit sur le marché.

En la matière, Techstars a au moins deux longueurs d’avance. On a besoin d’un important changement de mentalité du côté des investisseurs européens. Il faut davantage considérer le financement comme un prêt, à convertir sur base d’objectifs – commerciaux ou technologiques – mensuels. Il ne faut plus se projeter dans un horizon à trois ans, arrêter de concocter des choses compliquées à long terme, comme un pacte d’actionnaires, mais se concentrer avant tout sur des choses plus simples à court terme.

Les Américains ont bien compris l’importance de ce “monthly report” pour les investisseurs. Ce mode de financement commence seulement à faire son apparition chez nous.”

Pour Geoffroy Simon, il faut aussi prendre davantage conscience qu’il est possible de trouver de bons mentors chez nous. Des personnes capables de conseiller utilement les créateurs de start-ups en matière de gestion commerciale, de marketing, de questions juridiques…, “de mettre le doigt sur les faiblesses d’une start-up et de lui dire ses quatre vérités.”

Un concept – somme toute purement logique – reste à ses yeux que ce qui prime avant tout, c’est un conseil personnalisé, en tête-à-tête, une bonne discussion avec des gens qui connaissent le métier ou le créneau de la start-up… Elémentaire mon cher bourgeon !