Financement et certification des formations au numérique: “il faut changer de méthode” selon Mathieu Michel

Hors-cadre
Par · 21/09/2022

De passage à Namur pour une rencontre avec les responsables d’Interface3 Namur, le secrétaire d’Etat à la Numérisation Mathieu Michel avait voulu profiter de cette visite pour dialoguer quelques minutes avec les stagiaires et apprenants mais, surtout, pour échanger sur les conditions dans lesquelles un tel organisme de formation et de sensibilisation aux métiers et filières du numérique doit opérer pour mener à bien ses différentes actions visant à favoriser la mise à l’emploi, la découverte des métiers IT ou la prise de conscience des enjeux et opportunités pour le citoyen.

Pour rappel, les publics visés par Interface3 Namur sont aussi bien des chercheurs d’emploi que des personnes dites “éloignées”, voire “décrochées”, du numérique – jeunes, jeunes adultes, femmes en situation peu ou prou précarisée, associations du non-marchand…

Mathieu Michel était venu avec deux idées qu’il comptait ainsi “tester” sur le terrain, dans la perspective de les faire aboutir et se concrétiser à plus ou moins long terme. A condition que les organes et processus concernés les adoptent…

De quoi s’agit-il?

D’une part, de la reconnaissance “équivalente”, par les (futurs) employeurs, de toutes les filières de formation – qu’elles soient de type long (universitaire, supérieur) ou court.

Ce faisant, il était sur la même ligne que la directrice d’Interface3 Namur, Christine Dereymaeker, qui soulignait la nécessité de “conscientiser les employeurs au sujet des compétences [numériques] exploitables rapidement”. Le concept de “rapidement” tenant ici au caractère compact et (plus) flexible des filières courtes…

Mathieu Michel: “certains apprenants ont plus d’affinités pour la filière universitaire. D’autres pour une filière courte. Il faut reconnaître, de manière équivalente, toutes les filières et pas uniquement celles qui débouchent sur un diplôme. Les filières courtes sont plus agiles… Au niveau fédéral, nous travaillons sur l’idée que les diplômes ne soient plus la seule possibilité de décrocher un emploi. D’autant plus que l’on peine à trouver certaines compétences, notamment des programmeurs. Il y a là un travail d’ouverture à faire.”

 

Christine Dereymaeker (Interface3 Namur): “Il faut conscientiser les employeurs au sujet des compétences [numériques] exploitables rapidement”.

 

Et de poursuivre: “L’Administration est ouverte à l’idée mais ce sera difficile. Ce ne sera en effet pas possible pour toutes les fonctions. Il faut commencer par identifier les fonctions en pénurie [et s’y concentrer]. Il faut ouvrir le jeu de l’équivalence des certifications.”

Reste évidemment le sujet crucial de la ou des certifications, associées aux filières courtes, qui seraient reconnues… PIX? TOSA? C2i? Un choix devra être fait.

On devrait en savoir plus sur les propositions, côté fédéral, d’ici quelques semaines dans le cadre du Job Deal version 2 (dossier piloté par les ministres du Travail et des Indépendants, Pierre-Yves Dermagne et David Clarinval)…

Trouver un financement moins aléatoire

Autre idée – ou en tout cas souhait – de Mathieu Michel: trouver une alternative aux appels à projets pour le financement des associations et organes de formation et de découverte du numérique (notamment…).

“L’un des revers du principe de l’appel à projets est que les différents acteurs réinventent constamment les outils”, déclarait-il. Sans parler de l’effet saupoudrage de moyens.

Il dit ainsi vouloir militer en faveur d’une solution qui permettrait davantage d’identifier les meilleures initiatives et de les diffuser – lisez: les mutualiser, les faire adopter et utiliser par d’autres. 

Et d’ajouter: “ce n’est pas une question de moyens, c’est une question de méthode. Le principe d’appel à projets ne garantit aucune pérennité. Il est source d’angoisse [pour les structures qui doivent en passer par là pour leur financement ponctuel] et de charge administrative. Donc de perte d’énergie.”

Ce principe de la concentration des moyens sur moins de projets, le secrétaire d’Etat dit rêver de pouvoir l’appliquer par exemple au programme Digital Belgium Skills Fund, qui relève de ses compétences. “Je voudrais diminuer le nombre de projets sélectionnés tout en augmentant l’enveloppe.” Il émet donc l’idée de basculer vers une notion nouvelle: “trouver le meilleur projet et le financer”, en “faisant confiance à la structure qui le porte, qui a démontré son professionnalisme et l’efficacité de ses méthodes”. Il achoppe toutefois sur les pratiques: “le processus existant ne le permet pas. Le “petit truc transversal” qui permettrait de “changer l’ensemble du mécanisme”, il avoue ne pas encore l’avoir trouvé… 

Pour les structures de formation et de sensibilisation aux métiers du numérique, par exemple, il n’en met pas moins une autre petite idée sur la table: “conditionner le financement au nombre de profils certifiés” [on en revient à son souhait de reconnaissance de la filière courte].

Autrement dit, octroyer le financement non pas en amont mais sur base du résultat généré au sortir de l’exercice de formation. Ce qu’il formule également comme suit: “non pas créer l’opportunité [Ndlr: quasi sous-entendu opportunisme] mais l’excellence”.

 

Mathieu Michel: “Instaurer une reconnaissance transversale des formations, un langage commun à l’attention des entreprises. Quand on sort, par exemple, de l’Ecole 19 [Bruxelles], on sait qu’on peut être engagé les yeux fermés, parce que la réputation en a été faite…”