Les exemples de fausses infos, véhiculées essentiellement via les réseaux sociaux, et prises pour argent comptant par des internautes et électeurs crédules (ou aveuglés), se sont multipliés ces derniers temps. A l’heure où la presse traditionnelle souffre d’un déficit de crédibilité, contredire ces fausses infos n’a souvent qu’un effet contraire – comme on l’a vu aux Etats-Unis.
Qui dès lors peut endiguer ce phénomène hautement néfaste? Les regards se tournent vers les canaux qui véhiculent ces “fake news” sans intervenir. Des voix s’élèvent pour pousser Facebook – mais il n’est pas le seul en cause – à jouer les gendarmes. Encore faut-il qu’il y consente.
La sacro-sainte liberté d’expression, qu’évoquent de tels canaux et réseaux, n’est qu’une vague auto-justification pour ne rien faire. En effet, ce qui pèse bien plus, en coulisse, c’est l’intérêt financier de ces réseaux peu regardants, de ces “prestataires de services” d’un genre nouveau.
Voilà ce que rappelait récemment Pierre Verjans, politologue à l’ULg, à l’occasion du colloque “La révolution numérique et le vivre ensemble de demain” organisé par l’UNamur.
Pierre Verjans (ULg): “Au lieu de faciliter la diffusion des propos provocateurs, il faudrait au contraire appliquer des filtres.”
“Facebook a mis en oeuvre des algorithmes qui favorisent la sur-propagation des infos qui attirent le plus de clics.” Or, on sait depuis toujours que les mauvaises nouvelles, les coups de gueule, les outrances, les petites phrases choc attirent plus de lecteurs et invitent davantage à la propagation que des contenus sages et sensés. C’est ce phénomène qui joue, en partie, dans la diffusion de contre-vérités.
Mais il est sans doute vain d’espérer, selon Pierre Verjans, que Mark Zuckerberg cède ainsi spontanément à la pression dans la mesure où le volume de clics détermine la rentabilité et le coût des publicités publiées sur Facebook. Pourquoi, dès lors, se priverait-il des contenus qui génèrent le plus de trafic et de revenus?
Que faire? A-t-on prise sur Facebook? Peut-on parler de “responsabilité” des réseaux sociaux?
Pierre Verjans pointe une disposition existant en droit belge, “une procédure simple mais à laquelle on ne fait pas appel, et qui n’est autre que le principe de la responsabilité en cascade, en matière de publication.” Si l’irrégularité, la faute incombe à une personne qui ne réside pas en Belgique (ce qui sera le cas dans la majorité des cas pour des posts sur les réseaux sociaux), il est possible de se retourner contre l’éditeur ou le distributeur qui est considéré comme responsable. “Quiconque véhicule Internet est responsable du contenu malfaisant”, insiste Pierre Verjans. “Un juge belge devrait avoir le courage d’appliquer cette procédure.”
Est-ce possible, praticable? “Pourquoi pas?”, estime-t-il. “Après tout un juge allemand a bien réussi à faire reculer Google…”
Alors, 5 minutes de courage juridique?
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