ETNIC: un hackathon pour repenser l’espace de travail mais aussi l’image de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Hors-cadre
Par · 02/03/2022

A la mi-février, l’ETNIC, service informatique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, organisait pour la première fois un hackathon. Un concours d’idéation et de prototypage de solutions IT/numériques ouvert à la fois aux collaborateurs des services de la Fédération, aux développeurs indépendants, aux étudiants… Plusieurs start-ups y ont également participé.

Thème : la transformation numérique des processus opérationnels et les nouveaux environnements et modes de travail (travail hybride, décentralisé, télétravail…) et comment des acteurs publics tels que les services et administrations de la Fédération Wallonie-Bruxelles peuvent adopter ces derniers. Parmi les outils et solutions numériques potentielles que les participants étaient invités à utiliser: la gamification et les jumeaux numériques.

Plusieurs scénarios en mode “défis” avaient été imaginés, auxquels les équipes participantes étaient invitées à s’attaquer. Et ce, en mode idéation, plutôt que développement ou prototypage, dans la mesure où il s’agissait surtout de faire germer et de pré-valider certaines idées.

Les plus matures ou intéressantes sont destinées à être poussées plus avant jusqu’à devenir, éventuellement, de véritables solutions ou méthodes dont les administrations et services publics pourront se saisir.

Une jumelle numérique

L’équipe “Quick & Flupke” (ça ne s’invente pas!) a imaginé une solution en mode jumeau numérique avec pour objectif d’automatiser certaines processus répétitifs. Notamment au rayon secrétariat.

Derrière “Mademoiselle Jeanne” se cache ainsi une secrétaire désincarnée (on aurait pu, pour le même prix, imaginer un Monsieur Jeannot…). Mais toute suspicion de sexisme mise à part, l’intention est donc de charger un processus automatisé de tâches administratives peu valorisantes, répétitives – par exemple pour préparer des réunions (réservation de salles, vérification que tout le matériel, toutes les ressources nécessaires pour une tâche sont disponibles, vérification que toutes les personnes devant y participer sont disponibles ce jour-là…).

Ce tout dernier exemple est certes déjà possible via simple recours à un gestionnaire d’agenda intégré par exemple avec le logiciel de gestion RH (telle personne ne travaillant pas tel jour ne pourrait participer à telle réunion). L’idée est ici de pousser ce schéma plus loin en étendant le champ des tâches prises en charge par une “intelligence artificielle”.

Objectif: non pas réduire le personnel mais plutôt faire épargner du temps. Autres exemples potentiels de tâches confiées au futur jumeau numérique: la gestion (partielle) du courrier, certaines prises de contacts…

Pour que “Mlle Jeanne” ait réellement un sens, il faudra confier à cette secrétaire virtuelle (ou à tout autre avatar-fonctionnaire) des tâches qui, objectivement, peuvent être rationalisées, accélérées, virtualisées. Tout un travail de documentation des tâches et processus existants est donc un passage obligé, à réaliser en amont. Et cela implique de “documenter” la manière dont les tâches et processus sont assumés actuellement par des humains: enfilade de tâches, temps passé à chaque stade, bonnes pratiques… Avec, nécessairement, une certaine dose d’immixtion dans ce qui peut être très personnel et très révélateur. La question du respect de la vie privée et des contraintes RGPD n’est jamais très loin. D’où cette question: jusqu’où l’ETNIC poussera-t-il cet exercice de jumeau numérique administratif? “Le principe du RPA – robotic process automation – est déjà un concept sur lequel nous travaillons”, indique Christophe Malfroid, responsable de laCellule Innovation de l’ETNIC et organisateur du hackathon Hack’nWOW.

“Une partie de l’identification des processus est déjà en cours mais ne couvrait pas, jusqu’ici, des tâches quotidiennes.” Pour les besoins du projet “Mlle Jeanne”, “les occupations quotidiennes récurrentes seront observées mais seront injectées manuellement dans l’outil. Par ailleurs, on se limitera à des occupations basiques. Il s’agit encore d’une expérimentation qui sera encadrée et qui ne concernera que des personnes volontaires.”

Jeu et approche ludique

La “gamification” a été choisie par plusieurs équipes pour imaginer un moyen d’améliorer ou de faciliter le processus d’enrôlement (“onboarding”) et les premiers pas de nouvelles recrues au sein des services de la Fédération.

L’idée de jeu qui a été imaginée consiste à amener les jeunes recrues à découvrir et à se familiariser à leur nouvel environnement en partant à la chasse (virtuelle) aux badges au fil de plusieurs défis. Défis à relever en solo ou en équipe.

Pour ce faire, il leur faudra enfiler un casque de réalité augmentée (le “parrain” du défi était Microsoft…) pour s’en aller collecter des objets dissimulés dans les bureaux. A eux de les dénicher en décryptant les renseignements et indices distillés par de futurs collègues. Réunir suffisamment d’objets permet d’empocher un badge, porte d’entrée vers le défi suivant. Se construira ainsi un “parcours d’intégration” avec, comme étapes, la découverte des modes de fonctionnement du ministère de la Fédé, ses différents services, ses espaces, etc. 

Ce projet de jeu d’onboarding est venu s’accoler à une idée d’application permettant de planifier et d’organiser le travail en mode hybride (sur site et à distance), avec tout ce que cela implique en termes d’affectation de bureaux (en temps réel ou “au fil de l’eau”), de salles, d’équipement, ou encore d’adaptation des outils de collaboration et de travail à un environnement délocalisé (en ce compris à domicile) dont les capacités et configurations ne sont pas forcément à la hauteur. Ce scénario était porté par l’équipe “OptiDesk”.

A noter qu’une autre équipe a elle aussi planché sur cette idée d’organisation/planification du travail hybride. En l’occurence, une équipe derrière laquelle se cachait notamment la start-up CreativeOne (basée à Wavre), qui a notamment développé une solution de gestion et réservation d’espaces de travail collaboratif. Même si son idée, “trop court-termiste” et “trop basée sur leur propre solution”, n’a pas été retenue parmi les projets-lauréats, la start-up a annoncé son désir de poursuivre l’exercice de réflexion, en liaison avec l’ETNIC, afin d’envisager un possible proof of concept qui prendrait davantage en compte l’innovation à insuffler aux nouveaux modes de travail à plus long terme.

Mais revenons-en au concept de gamification proposé comme possible vecteur d’innovation dans une autre perspective explorée à l’occasion du hackathon Hack’nWOW. A savoir, le jeu numérique comme outil de découverte, “pour mieux faire connaître la Fédération Wallonie-Bruxelles de manière originale, tant pour ses collaborateurs que pour ses usagers” (lisez: les citoyens).

C’est en tout cas l’idée que l’on retrouve derrière le projet “Explorateurs”. Ici encore la réalité alterne sert de cheval de Troie. Un “métavers”, conçu sur base du jeu vidéo multi-joueurs Roblox, invite l’“explorateur” à découvrir les différents domaines et responsabilités de la Fédération: culture, enseignement, sport…

Potentiellement, ce métavers sera utilisé dans une perspective plus large. Il pourrait ainsi être mis à disposition des écoles, non seulement pour servir de support d’un genre nouveau à un cours ou à une activité mais pourrait également servir de leitmotiv à une “réflexion à avoir avec les plus jeunes au sujet de la manière de se comporter dans un environnement métavers”, déclare Christophe Malfroid.

Transformer les concepts imaginés en futures solutions

Compte tenu du court laps de temps qui caractérise, bien souvent, un hackathon, l’objectif de l’événement organisé, sur deux journées, par l’ETNIC ne pouvait espérer aboutir à de réels produits voire même à des prototypes plus ou moins fonctionnels. “On en est au stade du conceptuel, de la scénarisation virtuelle”, tient à souligner Christophe Malfroid.

Quel avenir dès lors pour les idées? Tous les participants (aussi bien les projets lauréats que les équipes dont les idées n’ont pas été saluées) auront la possibilité de participer à des ateliers destinés à “affiner les idées [retenues] et à les porter à maturité pour déboucher sur un MVP”, explique Christophe Malfroid. 

 

Christophe Malfroid (ETNIC): “Le but est que les MVP soient mis entre les mains des utilisateurs d’ici la fin de l’année afin de vérifier leur réelle valeur ajoutée et de déterminer quel investissement doit être consenti pour leur concrétisation”.

 

Les participants à ces ateliers seront donc aussi bien des membres du personnel de la Fédération que des “externes” ayant participé au hackathon – étudiants, entrepreneurs, développeurs, designers… Pour ces externes, bien entendu, cela pourra se faire selon leur envie de poursuivre l’exercice ou le temps qu’ils peuvent y consacrer. “A minima, tous les participants du hackathon seront tenus au courant jusqu’à la fin de l’expérimentation.”

Les ateliers seront organisés par Convidencia, société bruxelloise de conseils en gestion, organisation et communication d’entreprise (où l’on retrouve notamment un certain Michel Duchateau, figure bien connue de la scène hackathonienne).

“Le but est que les MVP soient mis entre les mains des utilisateurs d’ici la fin de l’année afin de vérifier leur réelle valeur ajoutée et de déterminer quel investissement doit être consenti pour leur concrétisation”, précise Christophe Malfroid.

En imaginant qu’un ou plusieurs des projets lauréats du hackathon confirment leur intérêt intrinsèque et leur valeur ajoutée, dans quelle mesure leur concrétisation en solution déployable sera-t-elle prise en charge par l’ETNIC et avec quels moyens? L’équipe de la Cellule innovation sera mise à contribution, déclare Christophe Malfroid. Et cel, dans le cadre du budget qui a été alloué au hackathon et de son suivi. Viendrait potentiellement s’y ajouter un budget complémentaire à prévoir, par exemple, pour l’acquisition de matériel, comme des casques VR/AR pour des projets orientés gamification. Pour ce qui est des logiciels à utiliser, les préférences de l’ETNIC vont habituellement à des solutions open source (qui évitent une bonne dose d’investissement) “mais nous ne nous fermons pas pour autant, si nécessaire, à l’achat de licences commerciales si ces solutions se justifient davantage”. Par exemple si le MVP basé sur casque Hololens ne trouvait pas de logiciel adéquat dans le répertoire open source

Terminons sur le bilan que tire l’ETNIC de sa première expérience de hackathon. L’exercice a été jugé satisfaisant. L’intention est dès lors de repasser les plats. Deux autres hackathons, déjà pré-budgetisés, auront donc lieu, selon un calendrier encore à préciser et sur des thématiques elles aussi à confirmer mais qui pourraient être l’innovation numérique au service de la petite enfance ou encore de l’enseignement…