Elections 2019: les partis et le numérique (2) – Economie, cybersécurité…

Hors-cadre
Par · 15/05/2019

Deuxième partie de notre zoom – rapide et forcément partiel – sur la place qu’occupent le numérique et les nouvelles technologies dans le programme électoral des partis francophones. Au menu, cette fois: comment voient-ils le rôle du digital dans l’économie, les besoins en connectivité ou encore les impacts et mesures à prendre en matière de (cyber-)sécurité et de protection de la vie privée…

Relire la première partie de ce coup de projo sur les programmes…

Commençons par un rapide regard vers le rôle et l’impact du numérique sur l’économie et la création d’emplois. Un sujet que l’on retrouve tout naturellement abordés dans tous les programmes, plus ou moins en profondeur et avec des tonalités différentes. Tous sont conscient du côté inexorable de la numérisation des emplois et des connaissances, et des potentiels pour l’économie. Mais à gauche, on évoque aussi les risques en termes de déstructuration du tissu social. Au PS, par exemple, on souligne que “la révolution numérique va avoir des conséquences non négligeables sur l’emploi. A cet effet, il est important de mettre à contribution les outils publics tels que le Forem, Actiris et Bruxelles Formation afin qu’ils accompagnent le mieux possible les travailleurs dans cette transition.

Dans le même temps, l’économie 4.0 créera de nouvelles formes d’emplois desquels découleront des nouveaux statuts. Il sera impératif de veiller à ce que ces nouveaux statuts ne contribuent pas à faire reculer les droits des travailleurs.”

Pour le cdH, la piste de la “spécialisation intelligente” est une piste à exploiter bien davantage, au niveau des Régions, en ce compris dans le champ du numérique et de la transition numérique. Pour lui, il s’agirait par exemple de développer, en Wallonie, “des pôles de compétitivité – ou écosystèmes – digitaux qui rassemblent les acteurs académiques, publics et privés, y compris les incubateurs de start-up, autour des secteurs dans lesquels la Belgique se distingue déjà, par exemple les soins de santé, la smart mobilité et la logistique, l’industrie 4.0, la cybersécurité, l’agriculture, et la FinTech.” 

Fiscalité pro-numérique

Le MR parle d’incitants financiers/fiscaux dans plusieurs registres: recrutement de formateurs et l’achat de matériel pour les organismes dispensant des formations numériques ; transition numérique des PME ; promotion de la naissance d’“entreprises actrices de l’économie digitale” ; poursuite de l’émergence d’une industrie 4.0…

Le MR évoque rapidement le sujet de l’e-commerce, estimant que son développement passe en partie par un soutien public, pas encore assez développé ou trop méconnu des premiers intéressés.

Il faut “améliorer la connaissance des aides publiques destinées à la visibilité Web pour les commerçants et les inciter à réaliser un diagnostic de leur potentiel e-commerce avant de se lancer dans la vente en ligne.” Un argument qui est une copie quasi-conforme du raisonnement suivi du côté du plan Digital Wallonia mais n’apporte pas réellement de neuf. Voir par ailleurs, dans l’encadré ci-contre, quelques idées bleues sur de possibles “coups de pouce” fiscaux au numérique…

Economie collaborative: une arme à double tranchant?

L’économie collaborative s’est installée depuis déjà quelques années. L’ère des “plates-formes”, du “consommacteur” est une réalité mais provoque bien des remous voire disruptions – tant en termes de salaires, de protection sociale, d’accessibilité aux services, de domination par des acteurs souvent inattendus, de légalité…

La vision du MR, en matière d’économie collaborative, diverge quelque peu – qui s’en étonnera? – de celle d’Ecolo.

Collectivité et vie en société

PS: “Le numérique peut aider à renforcer la démocratie car il offre aux citoyens de nouveaux moyens d’exercer leur pouvoir. C’est pourquoi il est indispensable de permettre à tous les citoyens de disposer d’un accès garanti à Internet au travers de l’instauration d’un droit universel à la connectivité.”
cdH: “Organiser régulièrement des hackathons ciblés pour stimuler le développement de solutions logicielles ou d’applications sur des questions ponctuelles [au service de la gestion des territoires] et développer le crowdsourcing, autrement dit la récolte de données par l’usager de la ville.”

Si le parti libéral dit “souhaiter mettre l’accent sur le développement de l’économie collaborative numérique” et estime que les Airbnb, Couchsurfing, Blablacar, Uber, etc sont autant d’exemples à suivre et à répliquer, les Verts, eux, disent vouloir davantage privilégier un modèle dit de “coopérativisme de plate-forme”.

“À l’heure du numérique, il faut diffuser un modèle coopératif 2.0 et soutenir les plates-formes coopératives” au sujet desquelles le parti regrette l’absence d’“accompagnement structurant” alors que “ce type de projet est la meilleure alternative aux plates-formes prédatrices comme Uber, Deliveroo & co.” Les coopératives, elles, “permettent aux travailleurs de peser dans la gestion de leur entreprise, aux usagers d’orienter le développement d’un projet et aux citoyens-investisseurs de faire le choix de soutenir un projet parce qu’il répond à leurs besoins et à ceux de la communauté.”

En finir avec les zones blanches et grises

L’équipement du territoire – jusque dans ses zones les plus reculées – en (très) haut débit est un sujet-clé pour le développement économique du pays et de ses régions.

Les projets de déploiement – 4G, 5G, fibre… – ont déjà apportés leur lot de débats, de prises de positions politiques. 

Le cdH semble inquiet pour la Wallonie, craignant qu’elle “ne soit pas laissée pour compte dans le déploiement de la fibre optique”. Il s’agit dès lors, pour lui, d’étudier des “modèles alternatifs d’investissement dans la fibre optique pour couvrir les zones qui ne sont pas comprises dans les plans des opérateurs ou pousser les opérateurs à investir davantage.”

Le MR insiste, lui aussi, de manière plus précise, sur la nécessité de voir le privé et le public faire cause commune pour éliminer les “zones blanches” rurales. Idem pour des investissements en connectivité “le long des axes de transport.” Il prône en outre un renforcement de la couverture Wi-FI dans les espaces publics.

En termes de ruralité, le cdH veut un plan de déploiement de la 5G “pour y permettre les voitures autonomes et autres fonctionnalités de l’Internet des Objets.”

(Cyber-)sécurité, maillon faible?

Le MR dit vouloir faire de la cybercriminalité “une priorité du prochain plan national de sécurité” et prône divers axes d’action. Notamment: promotion d’un “enseignement de haute valeur relatif à la cybersécurité” ; sensibilisation de tous les acteurs concernés – “institutionnels, industriels, PME et citoyens ; aide aux indépendants et commerçants afin qu’ils sécurisent leurs infrastructures, notamment au travers de chèques cyber-formation ; développement de la recherche dans le domaine de la cybersécurité ; sécurisation des infrastructures critiques…

Côté cdH, on estime que “ce qui existe aujourd’hui en matière de cyber-sécurisation des informations et des infrastructures critiques est insuffisant. Il est essentiel de mettre en oeuvre une stratégie nationale de cybersécurité”. D’où une série de propositions et notamment:

– “le renforcement et l’amélioration des possibilités juridiques et techniques permettant de bloquer et neutraliser les sites et serveurs qui mènent des cyber-attaques”
– “le renforcement des moyens d’enquête et de lutte contre la cybercriminalité, que ce soit au niveau des services de police, des services de renseignement ou au niveau du ministère public”
– “la sensibiliser et la formation de la magistrature aux possibilités de recherche via Internet ainsi que les différentes formes de cybercriminalité”
– “le renforcement de l’information et la sensibilisation des citoyens et des entreprises aux menaces existantes”
– ou encore la mise en oeuvre d’”un cadre ou une procédure de divulgation responsable pour les donneurs d’alerte dans le secteur numérique”.

Autre orientation souhaitée: “assurer la cyber-sécurité belge dans un partenariat public-privé.”

Protection des données et vie privée: de l’individu jusqu’à l’Europe

Les “fake news”, la dés-information, les pratiques ou effets pervers des médias sociaux et de certains qui les exploitent comme vecteurs, les risques pour la vie privée, la sécurité et l’intégrité des données… sont épinglés, à des degrés divers, dans tous les programmes des partis.

Le rôle des autorités publiques sera sans conteste, demain, un point-clé dont il faudra débattre. Voici ce qu’en dit le programme du PS: “le rôle de l’Etat dans la protection des données à l’ère du numérique est central. Il est nécessaire de reconquérir une souveraineté, sur les réseaux numériques. C’est en ce sens que le PS plaide pour la création d’une agence internationale (ou à tout le moins européenne) des données personnelles”. L’un des objectifs serait de “mettre un terme à la migration dans des espaces de stockage en dehors de l’Union européenne.”

Au cdH, on évoque, dans ce domaine, l’idée de créer un “coffre-fort numérique destiné à protéger les données personnelles de chaque citoyen et chaque entreprise”.

Le parti socialiste, par ailleurs, met l’accent sur l’utilisation qui est faite des données par le biais d’une collecte de plus en plus systématique, en ce compris sans autorisation préalable des personnes concernées, notamment via les réseaux sociaux. “Les bases de données actuelles, disposant de centaines d’informations sur les individus (habitudes quotidiennes, achats personnels, mode de vie, lieu de vie, etc.) permettent de faire émerger des données sur l’individu avec le risque évident d’une utilisation de ces connaissances contre lui ou d’une utilisation dans un seul but de profit.

Le PS veut un dispositif légal pour éviter les dérives de la marchandisation de ces données, dans le souci de la vie privée des citoyens et celui de la sécurité nationale”.

A suivre…

Dans la troisième partie de ce tour d’horizon du numérique dans les programmes des partis politiques francophones, nous nous arrêterons sur quelques thèmes davantage technologiques (intelligence artificielle, open data…), le tout terminé par un petit kaléidoscope d’idées parfois insolites ou étonnantes.