Ecolo, demandeur d’un “agenda robo-numérique” belge

Hors-cadre
Par · 29/09/2017

La robotisation, tant physique (robots et cobots) que virtuelle (assistants “intelligents”, IA…), toujours plus invasive de notre environnement, privé ou professionnel, suscite bien des inquiétudes, des fantasmes et, pour certains, des images de nirvana.

Les impacts potentiels sont aussi nombreux qu’encore nébuleux: sur notre mode de vie, sur nos conditions de travail, de rémunération, de couverture sociale, sur l’environnement (pensez à la consommation énergétique de tous ces “objets” et à leur arrivée en fin de vie), sur l’autonomie cognitive de l’homo sapiens, sur les fractures sociales…

Ecolo et Groen ont décidé de porter le débat au plus haut niveau possible – celui du Parlement (et ensuite du gouvernement fédéral) – ainsi que, dans un deuxième temps, à l’échelon régional.

Une proposition de résolution a été soumise au Parlement en juillet et officiellement inscrite à l’agenda un peu après la mi-septembre.

Son thème: “création d’un agenda robo-numérique inclusif et durable.”

L’espoir du duo Ecolo-Groen est de voir les partis de la majorité (fédérale, dans un premier temps) accepter de se saisir du sujet et d’en débattre.

Débats en commission

Lieu choisi pour les échanges: la commission Infrastructure, choisie par les Verts dans la mesure où c’est là que siège un certain Alexander De Croo, ministre en charge de l’Agenda numérique belge.

L’accueil encore informel des partis concernés – MR, VLD, CD&V, NVA – est a priori favorable. Reste à transformer l’essai.

Gilles Vanden Burre (Ecolo) “Il est essentiel que le politique se saisisse du dossier. Il n’en donne pas l’impression aujourd’hui. Il y a un grand écart entre le politique et la prise de conscience par le marché…”

Si le dossier est accepté, Ecolo espère que le débat, “transversal et approfondi”, pourra débuter avant la fin de l’année, avec accouchement d’un rapport et de recommandations au printemps 2018. A transmettre au gouvernement fédéral…

Ecolo-Groen désirent également que les Régions s’emparent du sujet, afin d’“établir, à titre

complémentaire, un agenda robonumérique propre aux Régions et aux Communautés, et à collaborer en vue de la mise en place, au niveau belge, d’une stratégie nationale concernant la numérisation et la société.”

“Mais nous attendons d’abord de voir si notre proposition est bel et bien acceptée au niveau fédéral avant de les solliciter”, indique Gilles Vanden Burre, l’un des auteurs de la proposition de résolution. Il souligne toutefois que le Parlement flamand a d’ores et déjà accepté de lancer le débat, suite à une proposition de résolution déposée par Groen. Les premières auditions ont commencé…

Discuter de tout

“Le débat doit être transversal”, indique Gilles Vanden Burre. Autrement dit, toutes les tendances politiques doivent pouvoir s’exprimer mais il s’agira aussi d’inviter et d’entendre des experts et observateurs de tous bords, des chercheurs, les auteurs de rapports et études sur le sujet, les associations patronales et organisations syndicales, des acteurs spécialisés en gestion des ressources humaines, des acteurs belges de la robotique, “sans oublier des représentants de l’enseignement et du non-marchand. Et si Elon Musk est de passage à Bruxelles, nous l’inviterons bien volontiers…”.

L’espoir d’Ecolo est que le débat soit également large, qu’il couvre les multiples facettes de la problématique: compétences, impact sur le travail, sur la sécurité sociale, fiscalité, effets environnementaux…

Le texte de la proposition n’est pas un réquisitoire qui développerait une seule vision ou les seules positions d’Ecolo. Le parti a au contraire rédigé un document qui fait le tour des positions, “un état des lieux des connaissances et des études, qu’elles viennent des techno-optimistes, des techno-pessimistes ou des techno-réalistes”, commente Gilles Vanden Burre.

On y trouve ainsi les analyses et opinions de personnes telles celles de Geert Noels (Econopolis), Peter Hinssen, Gilbert De Swert (ex-ACV), Etienne Vermeersch (professeur émérite et ex-vice recteur de l’Université de Gand), Carl Frey et Michael Osborne (Université d’Oxford), Klaus Schwab, Jeremy Rifkin – pour n’en citer que quelques-uns – ou encore des informations tirées d’études et de rapports du Boston Consulting Group, du Citygroup…

Les positions des Verts

Ecolo, bien entendu, s’est forgé une opinion dans certains pans de la problématique. A commencer par l’impact écologique de robotisation – en ce compris la multiplication exponentielle des capteurs “intelligents” ou les ressources sollicitées par toute action automatisée. “On en parle trop peu”, estime Gilles Vanden Burre. “Il s’agit aussi de conscientiser.”

En matière d’impact social et sociétal, le parti prêche en faveur de nouveaux statuts ou pour une évolution des statuts actuels (indépendants, indépendants à titre complémentaire, salariés…), pour la création de passerelle entre ces divers statuts et pour une individualisation des parcours.

Taxer les robots? Un débat qui ne fait que commencer… Ici un appel à signer une pétition sur Change.org

Quid de la fiscalité applicable aux robots? “Nous ne sommes pas très enthousiastes à propos d’une taxe robot parce que ce serait pénaliser les PME qui désirent s’automatiser.

Nous penchons plutôt pour une taxe GAFA élargie à d’autres sociétés technologiques, aux auteurs d’autres technologies qui sont utilisées pour concevoir des robots. Il est logique de leur demander une contribution, prélevée sur le chiffre d’affaires ou le capital. De nouveaux types de taxation doivent être imaginés.”

Pour ce qui est de la menace que les robots (physiques et virtuels) font peser sur le travail et, dès lors, sur les rémunérations et niveaux de vie des personnes actives, Ecolo voudrait remettre sur la table le sujet de l’allocation de base et/ou du revenu universel, sans remettre en cause le système d’allocations “qui est un socle indispensable pour se lancer dans la vie active, se former. L’ère de la robotisation ne fait que renforcer cette nécessité.”

Quant à une proposition chiffrée en matière de montant de base, le parti vert promet de dévoiler “bientôt” ses batteries- en 2018?

Gilles Vanden Burre (Ecolo): “Il est certain que la robotisation aura un important impact en termes de pertes d’emploi à court terme. Les nouveaux emplois à créer, venant les remplacer, ne seront pas créés à court terme. Il y aura donc un gap important.”

“Il est certain que la robotisation aura un important impact en termes de pertes d’emplois à court terme. Les nouveaux emplois à créer, venant les remplacer, ne seront pas créés à court terme. Il y aura donc un gap important.”

A plus long terme, les perspectives sont plus prometteuses mais c’est une raison supplémentaire aux yeux de Gilles Vanden Burre de lancer dès à présent une réflexion approfondie, “de mettre en oeuvre des adaptations, en matière d’apprentissage, de statuts… J’ai bon espoir que la société saura réagir à temps et saisira les opportunités.”

Et si on montait d’un échelon?

Ce débat de l’impact de la robotisation ne peut évidemment pas se limiter à la seule Belgique. Le document d’Ecolo fait d’ailleurs allusion à certaines expériences ou recherches déjà menées à l’étranger. Les travaux du parlement néerlandais et certaines initiatives allemandes (livre vert du ministère du Travail sur le “travail 4.0” et des analyses sur la numérisation du monde du travail), notamment, sont mis en exergue. “Malheureusement, il ne s’agit encore souvent que de recommandations, pas de législations.”

Et le reproche ne tarde pas vis-à-vis de l’Europe: “Nous sommes en retard en matière de prie de conscience.” Il salue au passage l’idée du président français, Emmanuel Macron, de créer une agence européenne de l’innovation, dont l’un des champs d’action serait l’intelligence artificielle. “Des fonds importants sont disponibles. Il est possible de mettre le paquet plutôt que de voir chacun travailler dans son coin. Il y a clairement un rôle à jouer pour l’Europe. Malheureusement, pour l’instant, elle ne le saisit pas.”