“Closing the (digital) skills gap”: impossible sans revoir certains fondamentaux (une étude d’IBM)

Hors-cadre
Par · 09/09/2019

L’impact qu’auront ou que risquent d’avoir l’Intelligence Artificielle et l’“automatisation intelligente” (c’est-à-dire l’amélioration constante de processus physiques ou numériques grâce à l’IA et à d’autres technologies) sur le marché du travail (taux et forme d’emploi, compétences, métiers) ne cesse d’inspirer des études. Dernière en date, celle de l’Institute for Business Value d’IBM intitulée “The Enterprise Guide to Closing the Skills Gap”. [Méthodologie de l’étude: quelque 5.250 cadres ont été interrogés dans 37 pays.]

Parmi les chiffres auxquels ses auteurs arrivent, celui-ci: “Jusqu’à 120 millions d’employés à réorienter ou requalifier en trois ans dans les 12 principales économies de la planète”. Le défi ressemble à une montagne digne de Sisyphe.

Les entreprises les plus touchées (ou les plus conscientes du problème?) semblent être les sociétés de plus de 250 employés.

Seulement 41% des dirigeants interrogés disent “avoir actuellement les bonnes personnes, les bonnes compétences et les bonnes ressources pour mener à bien leur stratégie d’entreprise”. 

45% des entreprises interrogées (et même 67% des grandes entreprises) disent ne pas trouver, sur le marché de l’emploi, les compétences qu’elles recherchent. 50% d’entre elles disent être dans l’incapacité d’y faire face en raison d’une pénurie de personnel qualifié – soit que les profils n’existent pas ou soient en nombre insuffisant sur le marché (30%), soit que l’expérience affichée soit insuffisante (20%).

“Le temps nécessaire pour combler le déficit de compétences a été multiplié par plus de 10 en seulement quatre ans. En 2014, il fallait en moyenne 3 jours pour combler un déficit de capacités par la formation; en 2018, il en fallait 36.”

 

67% des dirigeants interrogés s’attendent à ce que les progrès de l’automatisation requièrent des compétences et des types de tâches qui n’existent pas encore.

Trouver de nouvelles recettes

Par ailleurs, la “pérennité” d’un talent se réduit rapidement. Autrement dit, l’obsolescence des compétences s’accélère. Par le passé, on estimait que la valeur d’une compétence professionnelle ou des connaissances détenues chutait de 50% après 10 ou 15 ans. Désormais, la “demi-vie” d’une compétence acquise est estimée à 5 ans, voire moins dans le cas de compétences techniques. Source: “Skill, re-skill and re-skill again: How to keep up with the future of work.” World Economic Forum (juillet 2017)

Une comparaison de deux études menées en 2014 et 2018 par l’Institute for Business Value  d’IBM (Benchmarking Talent Development Survey) révèle que “le temps nécessaire pour combler le déficit de compétences a été multiplié par plus de 10 en seulement quatre ans. En 2014, il fallait en moyenne 3 jours pour combler un déficit de capacités par la formation; en 2018, il en fallait 36.”

La plupart des entreprises, par la force des choses, ont conscience de la pénurie des talents mais peinent encore à trouver la parade et/ou à adapter leur approche. “La toute grande majorité des entreprises se contentent encore de stratégies de recrutement et de formations traditionnelles”, souligne l’étude – ce qui est loin d’être suffisant face au rythme effréné de l’évolution des technologies, des modèles économiques et de contraintes démographiques n’allant pas forcément dans le bon sens.

Pour faire face au défi et combler le déficit, d’autres mécanismes doivent être activés, en supplément. Les auteurs de l’étude en pointent de trois types: personnalisation à grande échelle ; regain de transparence ; et mise à contribution de l’écosystème.

Source: EPL (UCLouvain)

Personnalisation? “Les employés aspirent à une carrière, à des possibilités de développement de leurs compétences et d’apprentissage qui soient adaptées à leur expérience, à leurs objectifs et à leurs pôles d’intérêt.”

La “personnalisation à grande échelle” à laquelle doit procéder une entreprise implique de comprendre les compétences actuelles de chaque employé, ses attentes, et de s’y appuyer pour personnaliser un parcours de formation et un trajet de carrière. Et… l’Intelligence Artificielle peut être un outil RH pour trouver les bons scénarios. “Certaines sociétés s’en servent pour personnaliser le dialogue avec l’employé, le trajet d’apprentissage, le contenu des tâches afin de satisfaire les besoins à la fois de l’entreprise et de l’individu.”

Côté formations, les méthodes évoluent également: “programmes encourageant la mobilité interne; projets ad hoc; apprentissage entre pairs; coaching ou compagnonnage”. Sans oublier la désormais indispensable dimension d’apprentissage perpétuel.

Transparence? Les auteurs de l’étude IBM parlent de transparence en termes de visibilité donnée aux compétences au sein de l’entreprise. Non seulement pour les mettre en exergue, sinon en vedette, et permettre à tous les collègues et responsables hiérarchiques d’en avoir conscience mais aussi pour documenter davantage ces compétences pour chaque individu. Afin de les rendre “actionnables, prévisibles”.

A charge aussi pour l’entreprise d’informer clairement les collaborateurs sur les compétences et talents dont elle a besoin, qu’elle veut privilégier ou fidéliser, ou qui sont en progression sur le marché du travail, et de leur procurer les moyens de les acquérir. “Ce nouveau degré de transparence procure aux employés l’information nécessaire pour qu’ils orientent eux-mêmes leur apprentissage et leurs choix de carrière. Il s’agit là d’une information particulièrement nécessaire si l’on veut contrecarrer la contraction de la demi-vie des compétences.”

Ecosystème? “Au sein de l’entreprise, constituer des équipes agiles composées de jeux de compétences hétérogènes afin d’autoriser l’innovation expérimentale entre pairs et créer une culture où l’apprentissage devient viral. Suscitez des opportunités d’échange de job et de mobilité interne axées sur le développement des compétences.

Pour ce qui est de l’écosystème externe, faites appel à un ensemble de partenaires qui explorent et recourent en permanence à des projets-pilote de stratégies visant à combler le fossé des compétences innovantes. […] Tirez parti d’initiatives telles que les MOOC (massive open online courses), les écoles de codage ou des réseaux d’expertise sectoriels. Recourez à l’IA pour identifier et combiner les ressources pédagogiques les plus pertinentes pour vos apprenants […] Tournez-vous vers des partenaires pour assurer la gestion de fonctions internes spécifiques.”

Changement de priorités

En l’espace de deux ans, les attentes et exigences des employeurs – en termes de compétences (connaissances numériques, soft skills…) semblent avoir évolué. 

Comme le montre le schéma ci-dessous, la situation a quelque peu changé deux ans plus tard. En 2016, six dirigeants interrogés sur dix disaient surtout rechercher des compétences techniques, élémentaires ou plus poussées, en maths, science et informatique. Désormais, leurs attentes penchent davantage du côté “compétences comportementales”. Des “soft skills” sont pointés aux quatre premières places de leur classement de priorités…

 

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