Baromètre “Maturité numérique”: premiers signes d’impact de la crise sanitaire

Hors-cadre
Par · 30/11/2020

Impossible, dans les circonstances que nous connaissons, de ne pas s’intéresser à l’évolution des pratiques de travail et de fonctionnement opérationnel (voire transactionnel) des entreprises. Avant et après le déclenchement de la crise sanitaire…

Le baromètre de l’AdN s’est attardé sur la question. Commençons par les constats posés avant le Covid…

Travail à distance

Premier constat: l’étude relève une stabilité dans le nombre d’entreprises autorisant le travail à distance par rapport à la précédente étude de l’AdN, datant d’il y a deux ans (moyenne globale de 44%, avant la crise).

Les auteurs de l’étude relèvent néanmoins que le télétravail est potentielle favorisé, “par une mise à disposition plus importante de technologies numériques (ordinateurs portables, smartphones, connexion à Internet au domicile, …) par les employeurs. L’augmentation des smartphones professionnels, notamment, est un levier potentiel, même s’ils n’offrent évidemment pas les mêmes potentiels que les tablettes ou autres ordinateurs. Pour rappel, l’équipement en smartphones est, comparativement, le grand gagnant ces deux dernières années, avec 53% des réponses, contre 32% pour celles qui dotent leurs télétravailleurs d’ordinateurs portables, 13% pour celles qui optent pour une tablette et 29% qui financent la connexion Internet à domicile.

Quels sont les secteurs où le télétravail, en 2019-2020, a été le plus utilisé? Le secteur du numérique arrive en tâte (87% des entreprises autorisent le télétravail), suivi de près par celui des services aux entreprises (86%), de la culture et des médias (82%), et à distance plus respectable celui de la finance (62%).

Les moins adeptes du travail distance? L’horeca (10% seulement autorisent ce mode de travail, évidemment difficile à concilier avec les impératifs du métier), l’agriculture, les garages, l’immobilier, ou la grande distribution.

Entre-temps (pour rappel, l’étude initiale de l’AdN s’est clôturée en février), il y a eu un évident “effet Covid” (voir ci-dessous).

Depuis les contraintes de confinement ou de restrictions, les outils numériques ont par ailleurs clairement joué en faveur des nouveaux modes de travail: 60% des entreprises interrogées disent ainsi “avoir pu maintenir une activité grâce au numérique”.

Collaboration

Les outils de collaboration ont, très logiquement, gagné du terrain pendant le confinement ou le déploiement de restrictions de travail sur site. 38% des entreprises sondées disent y avoir eu recours (pourcentage qui pousse même à 57% du côté des entreprises employant plus de 10 personnes).

Attention toutefois, ce terme d’“outils de collaboration” recouvre une petite panoplie hétéroclite de solutions – depuis la messagerie, les agendas partagés, jusqu’aux “vrais” outils de collaboration que sont par exemple les logiciels de gestion de projets ou encore de partage/co-création/co-gestion dynamique de documents…

Si les logiciels mail sont quasi présents partout, les outils de gestion bureautique dans le cloud (Google, Microsoft, essentiellement) sont utilisés par quelque 39% des répondants. Pour les autres types de solutions, les pourcentages sont nettement plus bas: 17% seulement pour les plates-formes de vidéoconférence (Teams, Zoom, Slack et consorts), 12% pour les logiciels de gestion documentaire, 11% pour les logiciels de gestion de projets et 8% pour les réseaux sociaux privés d’entreprises.

e-commerce

Légère, très légère, progression des opérations d’achat et de vente en-ligne pour les entreprises wallonnes par rapport à la situation qui prévalait deux ans plus tôt.

Quelques chiffres pointés dans le Baromètre de l’AdN?

  • 14% des entreprises wallonnes (18% dans la tranche de celles employant plus de 10 personnes) vendent en ligne – un léger progrès par rapport à 2018 (+ 4 points pour le score global)
  • Les ventes visent essentiellement le grand public, ou consommateur lambda (66%).

 

“La hausse de quatre points de la vente en ligne observée entre 2018 et 2020 est principalement due aux secteurs de la distribution (29%, +12 points), des finances (25%, +7), du numérique (25%, +9) et du commerce de détail (22%, +7).”

 

Attention ici encore à ce que cache ce concept de “vente en ligne” dans la mesure où le “produit” vendu est des plus variés et que ceux qui prennent le plus le chemin de l’Internet ne sont pas forcément le signe d’une importante transformation des sociétés.

On parle en effet aussi bien de produits culturels, de services financiers, de biens immobiliers, de nuitées en chambres d’hôtel, de tickets et abonnements de transport que de produits manufacturés ou agricoles!

Or, le fossé est profond entre le taux de vente en ligne, par exemple dans le secteur culture et média (29%), et les ventes en-ligne de produits agricoles (9%) ou de matériaux et solutions de construction (8%)… On constate même un recul pour les secteurs des transports et des garages.

De quoi parle-t-on?

Première précision majeure: quand le Baromètre “Maturité numérique” parle de “ventes en ligne de soins de santé”, il n’inclut pas la vente de produits para-)pharmaceutiques. Cette catégorie de ventes sont en effet reprises dans un calcul autre, à savoir les ventes de… commerce de détails (segmentation des codes NACE obligent).
On restreint donc l’analyse à la vente de “services” ou de prestations, en ce compris par le biais de dispositifs médicaux, tant physiques (capteurs…) que virtuels (applis de suivi, de coaching santé…).
Et, comme on le voit, ces “ventes e-santé” sont encore extrêmement modérées en Wallonie: 2%. “Et 2%, c’est un chiffre qui se situe clairement dans la marge d’erreur”, tient à souligner Hélène Raimond (AdN). On peut, tout au plus, parler de frémissement, de stade où les professions médicales ou paramédicales sont encore en train de s’interroger sur la manière d’offrir des services, prestations et solutions en-ligne, “essentiellement pour faire face à l’arrivée d’une concurrence déréglementée. Ils se demandent encore comment se positionner, comment communiquer via Internet ou les réseaux sociaux, tout en respectant la législation.”
On commence donc à voir poindre des tentatives de téléconsultations, avec remboursement de certains actes effectués en-ligne (comme les visioconsultations pour les cinés). “Mais ces professionnels sont encore en manque et donc très demandeurs de bonnes pratiques, d’une aide au développement de ces pratiques.”

Par contre le “commerce de détail” progresse (passant de 15 à 22%) de même que l’immobilier (passant de 12 à 17%). A noter aussi le démarrage des ventes en-ligne de “soins de santé”: absentes du paysage en 2018, elles pointent aujourd’hui à 2% (voir encadré ci-contre).

Et même s’il y a (légère) amélioration, les auteurs du Baromètre soulignent que “le nombre d’entreprises vendant en ligne reste trop faible en Wallonie”. D’autant plus que “l’essentiel du volume d’affaires, globalement en forte hausse, reste monopolisé par les géants de l’e-commerce basés hors de nos frontières.”

27% des entreprises (chiffre identique à celui d’il y a deux ans) recourent à une plate-forme générique (du genre Amazon, CoolBlue, bol.com) ou sectorielle et donc davantage locale (resto.be, AutoScoot24…).

Entre “présence” et “transaction”…

Entre “présence en ligne” et transaction, il y a de la marge. Et là aussi, le bât continue de blesser. Avant la crise du coronavirus (qui a un tantinet changé les mentalités et les prises de conscience), la moitié des sites de vente en ligne ne proposaient encore aucune possibilité de passer commande en ligne et aucun mode de paiement via le site. Et même ceux qui le proposent ne mettent pas forcément une solution numérique (en ligne) à disposition. Virements bancaires et achats sur facture ont ainsi encore la cote (respectivement 17 et 11% des sites étudiés). La paiement au comptant à la livraison représentait encore 9% des pratiques.

Des moyens nettement plus neufs, telles que des plates-formes du genre PayPal, Stripe, restent minoritaires (20%). Et les solutions “propriétaires” (ApplePay, AmazonPay, GooglePay) commencent seulement à poindre le bout de leur nez (2% des réponses dans l’échantillon analysé).

L’effet Covid

Dans le courant du mois de juin, l’AdN a recontacté les entreprises ayant participé à la première enquête afin de déterminer dans quelle mesure la crise les avait poussées à accélérer l’une ou l’autre transformation, à adopter de nouveaux outils et solutions….

1.249 entreprises ont accepté de participer à cette seconde enquête dont la teneur a sensiblement été simplifiée par rapport à la première. “Intervenant juste après la fin du premier confinement, le but était essentiellement de mettre le doigt sur certains changements qui seraient intervenus du côté des sociétés sondées, de vérifier quel était leur état d’esprit par rapport au numérique…”, indique André Delacharlerie, co-auteur de l’enquête Baromètre.

>> Télétravail

Suite à la crise du Covid, 17% disent avoir “introduit ou renforcé le télétravail”, pourcentage qui est même de 40% du côté des sociétés de plus de 10 personnes.

Quelles mesures les entreprises ont-elles prises pour faciliter ce changement dans les pratiques?
– 12% ont acheté des équipements informatiques supplémentaires
– 9% ont installé un dispositif de connexion sécurisée (VPN)
– 7% ont dispensé des formations aux nouveaux outils et pratiques de travail
– 4% ont utilisé des versions cloud de leurs logiciels
– 2% ont pris en charge les frais de connexion de leurs employés
– 13% ont mis en oeuvre des mesures de sécurité particulières pour encadrer le télétravail. 

>> Collaboration

26% de l’échantillon interrogé se sont mises, quasi structurellement, en mode vidéo-contacts (via plates-formes de collaboration du genre Microsoft Teams, Zoom ou Skype) ; 12% y ont recours de manière plus épisodique. A noter qu’ici encore les pourcentages sont plus élevés du côté des sociétés de plus de 10 personnes (respectivement 40% et 17%). 

Source: Digital Wallonia

>> e-commerce

5% des quelque 1.300 sociétés ayant répondu à cette deuxième enquête disent avoir “introduit ou renforcé la vente en ligne”. Ce qui n’est vraiment pas beaucoup… Mais c’est vrai que ce deuxième sondage a été effectué en juin, un peu tôt donc sans doute pour que des démarches aient été entreprises. Et comme le soulignent les auteurs du Baromètre, “la mise en place de nouveaux processus de vente et de livraison ne peut jamais s’improviser tandis que la réorganisation consécutive peut s’avérer lourde, coûteuse et longue à implémenter.”

Autre élément qui a sans doute joué: “face aux discours qui se voulaient pour le moins rassurant de la part des autorités, beaucoup de sociétés pensaient que la période de confinement n’était qu’un événement ponctuel qui ne serait pas répété”, indique André Delacharlerie. Des mesures au long cours ou réorientant sensiblement projets et stratégies n’ont donc pas été jugées nécessaires…

 

André Delacharlerie (AdN): “Les quelques chiffres que nous avons pu dégager de cette deuxième enqu^te [effet Covid] ne permettent pas de formuler des conclusions durables. Tout au plus a-t-on relevé de premiers signes de changement et sans doute aussi le signe que le numérique est désormais perçu comme un facteur de changement plus important qu’imaginé par le passé.”

 

Ceux qui ont pu changer quelque peu leur fusil d’épaule grâce au numérique “furent souvent des entreprises ou des indépendants qui avaient déjà entamé, avant la crise, certains projets ou démarches. Par exemple, se livrer à des promotions via les réseaux sociaux ou pratiquer la réservation via Facebook”, estime Hélène Raimond, co-auteur de l’étude Baromètre de l’AdN. “Ils ont pu finaliser plus rapidement le projet entamé. La situation est toute autre pour ceux qui partent de rien…”

4% ont toutefois “adapté leurs modalités de livraison” et 3% signalent avoir adopté des moyens de paiement électronique…

Rappelons, comme signalé précédemment, qu’avant la crise, la moitié des sites de vente en ligne ne proposaient encore aucune possibilité de passer commande en ligne et aucun mode de paiement via le site. 

“Globalement 26% des responsables interrogés disent que la crise les a conduits à une meilleure utilisation des outils numériques, pour eux-mêmes et pour leur personnel. […] C’est dans les secteurs de la finance (75%) et dans une moindre mesure du numérique (51%) et des services aux entreprises (45%) que le progrès dans l’usage du numérique sont les plus identifiés. Ces progrès sont aussi plus marqués dans les entreprises de plus de 10 travailleurs (40%) que dans les entreprises plus petites.”

Toutefois… “l’urgence de la numérisation des processus est très peu relevée, à l’exception des secteurs de la distribution (9%), des transports (6%) ou des services aux entreprises (4%). Le résultat est sensiblement plus élevé dans les entreprises comptant au moins 10 travailleurs où elle atteint 5% en moyenne.”

 

“9% des entrepreneurs ayant cessé leurs activités pendant la crise pensent qu’une présence accrue du numérique dans leurs processus de production, d’administration ou de vente aurait peut-être (7%) ou certainement (2%) pu leur permettre de conserver un certain niveau d’activité pendant la crise. Les plus convaincus viennent des secteurs du commerce (7%) et des industries autres que lourdes et sidérurgiques (6%). Et principalement d’entreprises de moins de 10 travailleurs.”