Baromètre belge de l’inclusion numérique: une fresque réaliste produite par la Fondation Roi Baudouin

Hors-cadre
Par · 02/09/2020

La Fondation Roi Baudouin vient de parrainer et de publier un “Baromètre de l’inclusion numérique” en Belgique, une étude-radar que la Fondation avait confiée à Périne Brotcorne, chercheuse au CIRTES (Centre Interdisciplinaire de Recherche Travail, Etat et Société) de l’UCLouvain, et à Ilse Mariën, chercheuse à l’Imec et au centre SMIT (Studies in Media, Innovation and Technology) de la VUB.

Objectif de cette étude: “identifier le phénomène de l’exclusion numérique et mieux en comprendre les causes et les conséquences”. Un exercice qui devrait être répété à l’avenir afin d’évaluer “l’évolution de ce phénomène, dans l’espoir de voir la fracture numérique se réduire”. 

Degré de connexion Internet à domicile, fracture numérique induite par la situation socio-économique (faibles revenus, situation d’isolement…), modes de connexion et types d’usages, corrélation avec le niveau de revenu ou de diplôme, niveau et nature des compétences numériques, taux d’utilisation des “services essentiels en ligne” (e-banking, achats en-ligne, e-administration)… L’étude dresse un tableau complet de la “fracture” numérique dans tous ses états. Avec une foule de chiffres et de tableaux, en ce compris une comparaison entre les trois Régions du pays mais aussi, pour certaines paramètres, avec confrontation aux chiffres et moyennes des pays limitrophes ou de l’Europe.

 

“Près de 3 ménages sur 10 vivant avec de faibles revenus ne disposent pas de connexion internet à domicile. En comparaison avec les pays voisins et la moyenne européenne, la Belgique est le pays le plus inégalitaire en matière d’accès à Internet selon les revenus.”

 

Les auteurs, pour les besoins de leur travail, ont eu recours à une grande variété de sources d’informations et de statistiques: Statbel, Eurostat, les Baromètres de l’AdN, le Digimeter de l’Imec.

La Belgique en retard sur ses voisins

En Belgique, les “have-nots”, les non-connectés, les dérochés du numérique pour cause de faiblesse socio-économique sont certes moins nombreux qu’il y a cinq ans mais le recul est moins prononcé que dans les pays voisins ou par comparaison aux moyennes européennes.

La maîtrise des compétences numériques, de plus en plus nécessaires dans tous les aspects de la vie quotidienne ou professionnelle, demeure par ailleurs le tendon d’Achille de nombreux Belges. L’étude estime ainsi à 40% la proportion de la population belge qui se trouve “en situation de vulnérabilité face à la numérisation croissante de la société”. Ici encore, et de manière parfaitement logique ou prévisible, ce sont les faibles revenus et les sous-diplômés qui sont les plus touchés (75%).

 

“Des tâches opérationnelles de base, comme copier et déplacer des fichiers ou utiliser un traitement de texte, ne sont pas maîtrisées par 6 personnes sur 10 en Belgique. Lorsqu’il s’agit de tâches plus spécifiques, comme l’utilisation de logiciels de présentation ou de traitement de photos et vidéos, seul un tiers des Belges environ sont capables de les utiliser.”

 

Les auteurs de l’étude contextualisent ce constat de vulnérabilité comme suit: “le contexte de dépendance au numérique pose la question du risque de marginalisation d’une partie de la population qui n’est pas en mesure de répondre aisément à cette nouvelle norme sociale dominante.

L’avènement d’un environnement dans lequel les services sont d’abord configurés pour des individus supposés utilisateurs des technologies numériques génère, de fait, des inégalités entre ceux capables de tirer parti de leurs usages et les autres. C’est bien le caractère incontournable de l’environnement numérique qui contribue donc aujourd’hui à créer une situation de vulnérabilité face à l’utilisation de services en ligne.”

Les cartes sont éloquentes en termes d’inégalité de couverture (très) haut débit et d’accessibilité aux services, opportunités et ressources en-ligne qu’il autorise…

 

Des faiblesses plus sensibles en Wallonie

La Flandre et, dans une moindre mesure, l’entité régionale Bruxelles-Capitale, s’en sort mieux que la Wallonie. A divers égards…

– “Les femmes isolées en Wallonie sont le public le plus vulnérable sur le plan de l’accès à Internet: 30% d’entre elles ne disposent pas de connexion au sein du foyer.”
– Des zones blanches (sans accès au haut débit, voire au simple débit Internet minimal) sont plus nombreuses en Wallonie qu’ailleurs.
– On constate davantage de “non-utilisateurs d’Internet” parmi les moins favorisés au sud du pays qu’en Flandre (faibles revenus, peu diplômés de la tranche d’âge 55-74 ans).
– En termes de maîtrise ou d’aptitude à effectuer des “tâches opérationnelles de base” (copie-collage de fichiers, déplacement, utilisation d’un traitement de texte) ou considérées comme “plus spécifiques” (utilisation de logiciels de présentation ou de traitement de photos et vidéos), “la Wallonie enregistre les taux les moins élevés des trois régions sur l’ensemble des tâches, ce qui est aussi probablement lié à sa plus grande proportion de non-utilisateurs”.

 

Le smartphone comme sésame préféré

On s’en doutait, le smartphone devient l’“outil” prédominant pour se connecter à Internet, s’informer, se divertir virtuellement, etc. etc. Mais il est aussi le recours du pauvre: “moins on dispose de revenus et moins on est diplômé, plus le smartphone est le moyen unique de se connecter à Internet”.

 

“Le smartphone devient le support de référence pour s’y connecter, quel que soit le revenu, le niveau de diplôme ou l’âge”.

 

Si cela peut sembler être une bonne chose à première vue (une opportunité pour chacun et chacune d’être connectés), le type d’usage que permet cet engin est, dans une certaine mesure, pénalisant. Or, comme le souligne l’étude, “le type de support d’accès à Internet influence les possibilités et les formes d’utilisation ainsi que le développement des compétences numériques”. Les plus “nantis”, eux, que ce soit en termes économiques ou socio-culturels, sont davantage “multi-connectés”.

Voici le lien vous permettant de télécharger et de découvrir en détail
le contenu de ce Baromètre de l’inclusion numérique.