Agoria Wallonie: cinq recommandations pour “l’école du futur”

Hors-cadre
Par · 11/08/2020

Source: Agoria Wallonie.

La “transition” – numérique et pédagogique – de l’enseignement, acteur essentiel de l’“apprentissage à la citoyenneté numérique”, continue d’être une préoccupation, plus ou moins visible et exprimée, plus ou moins prioritaire, des premiers intéressés (et l’on parle ici des acteurs de l’enseignement) et de ceux et celles qui peuvent influencer le cours des choses – instances politiques ou groupes de pression et organes représentatifs.

Parmi ces derniers, Agoria Wallonie a, cet été, formulé “cinq recommandations pour accélérer la digitalisation de nos écoles”. L’opuscule, signé par Dominique Demonté, directeur général d’Agoria Wallonie, se veut un petit aiguillon à l’adresse des autorités, histoire d’encourager à de nouvelles initiatives, tant au niveau communautaire que régional et, dès lors, d’inciter les décideurs (politiques) à ne pas se contenter de ce que prévoient les cadres existants ou pré-décidés, qu’il s’agisse du Pacte d’Excellence ou de Digital Wallonia.

Le document d’Agoria Wallonie comporte des prises de position et des recommandations à la fois du point de vue de l’accès, du recours et de l’apprentissage des outils numériques par les élèves et étudiants et du point de vue de l’accompagnement des enseignants à l’utilisation de ces mêmes “outils”. L’un n’allant bien entendu pas sans l’autre si l’on veut “accompagner les nouvelles générations de citoyens dans leur apprentissage numérique et faire évoluer les pratiques d’éducation selon les nouvelles attentes et habitudes d’apprentissage des digital natives”.

 

Agoria Wallonie: “Les pouvoirs publics doivent poursuivre et intensifier leurs efforts afin de rejoindre le peloton de tête européen/mondial et profiter pleinement des effets bénéfiques de ces technologies.”

 

Agoria rappelle – en guise de préambule – qu’il s’agit d’aborder l’insertion du numérique en classe non seulement sous l’angle de l’acquisition de compétences instrumentales de base mais doit dans un cadre et pour une finalité bien plus holistique, à savoir la construction d’une “citoyenneté numérique”, la transmission des “clés pour pouvoir vivre dans un monde de plus en plus numérique tout en développant un esprit critique”.

Or, souligne la fédération wallonne, l’“éducation au numérique”, dans une telle perspective, en est encore à ses balbutiements – en Belgique et, plus particulièrement, en Wallonie. Agoria cite à cet égard la position de Julie Henry, chercheuse à la Faculté d’Informatique et à l’Institut de recherche en didactique et éducation de l’UNamur, qui estime que “face à ces enjeux, la Wallonie et Bruxelles restent frileuses. […] Dans le cadre du tronc commun, on en est resté aux bases ; des bases qui ont été jetées dans les pays européens il y a déjà pratiquement une petite dizaine d’années. On est donc vraiment ici, en Wallonie et à Bruxelles, aux balbutiements du numérique et il va probablement falloir prendre ce train, mais aller plus vite qu’on ne l’entend au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles.” [Source de cette déclaration: une interview de la Rtbf qui faisait notamment intervenir Julie Henry]

Cinq propositions

La première des propositions d’Agoria Wallonie vise ce que’elle estime être une initiative qui n’a pas (encore) concrétisé les promesses pour lesquelles elle a vu le jour. Dans le viseur? La plate-forme e-Classe de la Fédération Wallonie-Bruxelles (élaborée en collaboration avec la Rtbf et la Sonuma), présentée comme étant (ou devant devenir) la plate-forme dépositaire centrale de ressources (exercices, leçons, contenus avalisés éducatives accessible aux membres des personnels de l’enseignement, outils de création/apprentissage…) au service de l’enseignement… “Son déploiement et son enrichissement sont trop progressifs”, tance Agoria. Lenteur coupable qui est loin de combler le fossé ou le retard de transformation numérico-pédagogique de l’enseignement local. “La plate-forme ne semble pas jouer aujourd’hui le rôle structurant qu’elle pourrait avoir dans la promotion et la diffusion de contenus digitaux à destination des acteurs de l’enseignement”.

Certes, de nouvelles fonctionnalités sont planifiées (pour autoriser “co-construction et partage de ressources” et dépôt de ressources créées par les enseignants eux-mêmes) mais le potentiel et les outils nécessaires pour l’enseignement à distance – rendu ô combien nécessaire ces derniers temps – manquent encore à l’appel et n’ont été programmés, pour mise à disposition, que d’un environ un an.

Un retard qui, une fois encore, compte tenu des circonstances, ne fait que creuser le fossé.

Il y a donc une nécessité impérative selon Agoria Wallonie d’enrichir bien plus activement et rapidement la plate-forme e-Classe et d’en faire une promotion active “par exemple dans le cadre des journées pédagogiques des enseignants”. Il s’agit aussi selon la fédération d’“élargir ses missions vers la production et la diffusion de bonnes pratiques et le coaching/accompagnement des enseignants”.

Les cinq recommandations d’Agoria Wallonie en matière de numérisation de l’enseignement

– faire de la plate-forme e-Classe le centre de référence en matière de contenu digital à destination des enseignants, des professeurs et formateurs
– identifier et soutenir un réseau de fournisseurs de contenus susceptibles d’alimenter la plate-forme e-Classe
– poursuivre l’équipement numérique des écoles
– adapter le contenu de la formation initiale des enseignants aux réalités technologiques
– renforcer la formation continue des enseignants au travers des Centres de compétences

Enrichir la plate-forme e-Classe de nouveaux contenus, certes, mais comment procéder? Les contenus, ressources, outils, bonnes pratiques que pourraient y injecter les enseignants eux-mêmes, en puisant et transposant ce qu’ils ont déjà créé ou créeraient pour la circonstance, ne saurait suffire. 

Pour Agoria Wallonie, l’une des “sources” doit être la somme d’outils déjà existants sur Internet mais qui “ne sont pas connus et peu, voire pas, utilisés en classe”.

Ici encore, il s’agira selon Agoria de mieux les promouvoir ou, en tout cas, de mieux les faire connaître et, via e-Classe, d’organiser un “réseau de fournisseurs de contenus” en centralisant les contenus produits. Moyennant validation par des professionnels de l’enseignement, comme le prévoient les pratiques e-Classe.

“e-Classe doit pouvoir également labelliser les initiatives et coordonner l’offre produite afin de garantir la qualité des contenus, assurer leur cohérence et identifier les synergies possibles entre les initiatives […] en phase avec les évolutions technologiques et adaptée à la maturité de l’enseignement francophone.”

Et pour mieux innover et garantir la pertinence de la plate-forme, de ses fonctionnalités et ressources, pourquoi ne pas organiser un “projet multi-disciplinaire annuel de contribution estudiantine à l’école numérique”, s’interroge – et propose – Agoria? Par exemple dans le cadre des travaux de fin d’étude ou de stages “afin de booster les plates-formes actuelles de partage de contenus pédagogiques et d’outils numériques”.

Agoria veut y voir une réponse (partielle) à des problèmes quasi-structurels tels que le manque d’enseignants, de liens avec le tissu économique ou de synergie entre différents niveaux et sphères d’enseignement…

 

Agoria Wallonie: pourquoi pas un “projet multi-disciplinaire annuel de contribution estudiantine à l’école numérique afin de booster les plates-formes actuelles de partage de contenus pédagogiques et d’outils numériques” ?

 

L’équipement, le nerf de la guerre

La troisième recommandation d’Agoria Wallonie est un classique: ne pas oublier ou négliger l’équipement numérique des écoles. Equipement en ordinateurs, tablettes, tableaux et écrans interactifs, connexion Internet suffisante…

Ici encore Agoria regrette la lenteur ou l’insuffisance des moyens, initiatives et plans. “Afin de répondre à l’enjeu, une accélération des plans d’investissement devrait être menée et des incitants financiers devraient être mis en place afin de générer un “déclic digital” auprès des établissements scolaires ainsi qu’un accompagnement en lien avec leur plan de pilotage”. 

L’enseignement autrement…

Parce que le mode de l’enseignement évolue et que le rôle de l’enseignant est en pleine mutation, les professeurs – tous niveaux d’enseignement confondus – ont plus que jamais besoin de revoir leurs méthodes, leurs habitudes, leurs compétences. L’enseignant-devenu-coach, pilote dans la marée des savoirs et du savoir-être, enseignant transformé en manieur vertueux d’outils et de pratiques qui pré-mâchent la matière ou la personnalisent en fonction du degré de compétence, du stade d’évolution ou du rythme d’apprentissage de chaque élève…

Pour s’adapter à ce contexte nouveau, souligne Agoria, les enseignants doivent être mieux formés à ces nouvelles méthodes pédagogiques. “Il convient de […] s’assurer que la dimension technologique est au cœur-même de l’éthos professionnel des enseignants et [de] créer de la sorte un “réflexe technologique” tant du point de vue du référentiel pédagogique (le rôle de l’enseignant) que du point de vue des outils pédagogiques (les bons outils pour induire l’apprentissage).”

Reste à aménager, compléter et mettre régulièrement à jour les référentiels de compétences des enseignants. Chantier qu’aborde Agoria dans le cadre de sa cinquième et dernière recommandation: “Au-delà de la formation initiale, il convient également d’assurer le reskilling digital des enseignants en exercice et d’assurer en continu un upskiling digital tout au long de la carrière des enseignants.”

En la matière, Agoria Wallonie estime que les Centres de compétences [Technofutur TIC, Technocité…] sont des intervenants idéaux, en appui et/ou en supplément des instances de référence en matière de formation continue des enseignants. “Ils seraient compétents pour définir les formations à suivre, compte tenu de l’évolution du référentiel de compétences digitales qu’un enseignant doit pouvoir atteindre”.

 

Agoria Wallonie: “Des audits réguliers des compétences des enseignants devraient être réalisés et des obligations de formation devraient être formulées en tenant compte de leur situation (développement de parcours de formation non plus génériques mais bien personnalisés).”