En fin d’année dernière, le petit monde européen des accélérateurs de start-ups a publié un rapport intitulé “Acceleration in Europe” et sous-titré “Principaux défis et recommandations en vue de faire croître l’écosystème européen des start-ups par le biais d’accélérateurs”.
Le rapport formule quelques recommandations afin que l’Europe prenne de nouvelles dispositions en faveur des accélérateurs de jeunes pousses technologiques afin de systématiser davantage l’impact que ce genre de programme peut avoir non seulement sur la croissance des start-ups mais, de manière plus large, sur la compétitivité de l’économie européenne.
Co-rédigé par plusieurs acteurs du monde des “accélérateurs” de start-ups (v. note de bas de page), il est le reflet des attentes et désidératas d’une quarantaine d’organisateurs de programmes d’accélération émis à l’occasion de l’European Accelerator Summit qui s’était tenu en 2015 à Lisbonne ainsi que des résultats d’une étude effectuée par la suite.
Le rapport développe 6 idées majeures:
- renforcement de la collaboration transnationale, au-delà même des frontières de l’Europe
- extension du concept d’accélérateur à des thématiques et à des régions qui, jusqu’ici, ont été négligées
- analyse plus poussée du phénomène – et de l’efficacité – des programmes d’accélération
- participation plus active dans la définition des initiatives et politiques européennes
- développement de relations avec le monde des (grandes) entreprises
- intégration de certains principes et concepts dès le stade de l’enseignement.
Ces différentes actions en faveur des programmes d’accélération et des organismes qui les proposent (ces acteurs étant en passe de se diversifier) sont présentées comme étant d’autant plus importantes que, pour reprendre les termes de Ricardo Marvão, cofondateur de l’accélérateur portugais Beta-i, “la valeur des accélérateurs ne se limite pas uniquement à procurer aux créateurs de start-ups des contacts et des méthodologies qui leur permettent de grandir plus vite. Ils servent de connecteurs entre un entrepreneuriat transnational et des hubs technologiques, entre le monde des grandes entreprises et les nouveaux modèles et technologies disruptifs. Ils sont là pour déclencher de nouveaux schémas de pensée et permettre à ceux qui les fréquentent d’explorer plutôt que d’exécuter.”
6 axes d’une nouvelle dynamique
Passons ces six leviers d’action qui, aux yeux des auteurs et contributeurs du rapport, sont essentiels pour une maturation et un développement efficace des actions des accélérateurs.
1 – Collaboration transnationale. Objectif: donner naissance à des réseaux internationaux pour start-ups et accélérateurs et favoriser un échange plus dynamique de bonnes pratiques. Et cette collaboration ne doit pas se limiter aux frontières européennes. Le rapport recommande des échanges et une collaboration avec des écosystèmes plus évolués – ceux de la Silicon Valley ou d’Israël, notamment – mais aussi avec des écosystèmes naissants (Inde).
“Cela peut devenir un élément d’une stratégie visant à créer de nouveaux marchés pour les start-ups européennes.” A rebours, ces nouveaux liens de collaboration transnationale pourraient favoriser l’implantation en Europe de jeunes pousses venues d’ailleurs.
Le partage d’expériences et de bonnes pratiques pourrait notamment impliquer des échanges de mentors, d’équipes… “Il faut renforcer la qualité de nos mentors en leur permettant de se former à l’étranger, au sein d’écosystèmes plus mûrs.”
2 – Généraliser le principe et favoriser une fertilisation croisée. “Alors que le nombre d’accélérateurs ne cesse d’augmenter, les programmes se concentrent souvent sur certains secteurs ou régions. L’écosystème européen des start-ups n’est pas présent, de manière homogène, dans toutes les industries et régions (européennes). Il serait nécessaire d’encourager les organisations qui sont à l’origine des accélérateurs afin qu’elles gomment ces différences et qu’elles exploitent les secteurs moins attrayants, avec une intervention des pouvoirs publics qui serait limitée aux domaines où le financement privé est déficient.”
3 – Investir dans une meilleure compréhension du phénomène d’accélération. Notamment en raison de son impact économique et social, les auteurs du rapport recommandent une étude plus poussée des mécanismes qui expliquent ou sous-tendent le fonctionnement des accélérateurs, ce qui fait la réussite d’un modèle, les paramètres à prendre en compte pour mesurer la valeur produite, les possibilités de réplication d’une formule gagnante…
Une meilleure compréhension est nécessaire non seulement au niveau des acteurs de ces programmes d’accélération et des pouvoirs publics mais également pour les start-ups elles-mêmes. “De nouveaux acteurs gèrent ces programmes d’accélération – de grandes entreprises, des universités, des autorités gouvernementales… Le catalogue des accélérateurs étant en expansion, comment les start-ups peuvent-elles comprendre quels sont ceux qui leur conviennent le mieux?” Avec cette remarque qui devrait faire réfléchir, exprimée par Chris Haley, directeur New Technology & Startup Research chez Nesta (fondation pour l’innovation basée à Londres): Alors que des éléments tendent à prouver que nombre d’entre eux ont en effet un impact positif sur les start-ups, il est également démontré que certains peuvent en fait leur être néfaste.”
Chris Haley (Nesta): “Les accélérateurs se sont développés à un rythme nettement plus rapide que la perception que nous en avons. Alors que des éléments tendent à prouver que nombre d’entre eux ont en effet un impact positif sur les start-ups, il est également démontré que certains peuvent en fait leur être néfaste. Nous avons besoin de plus de recherche pour mieux comprendre quelles activités donnent quels résultats pour tel ou tel type de société.”
4 – Impliquer davantage les accélérateurs et les entrepreneurs dans l’élaboration des politiques (européennes). Les impliquer ou, plus exactement, leur permettre de mieux se faire entendre auprès des décideurs et des législateurs. Et ce, en raison de ce qui fait la particularité de la démarche start-up: “un modèle qui privilégie une approche “lean”, itérative, par prototypage et implication client, une recherche de croissance rapide qui, en Europe, implique de se lancer à l’international à un stade (très) précoce.”
Selon les auteurs du rapport, le fait de propager ces préceptes à d’autres acteurs de la société – grandes entreprises mais aussi enseignement et soins de santé – pourrait leur permettre d’apprivoiser de nouveaux leviers de succès. Mais, pour ce faire, “startups & entrepreneurs need to be heard and participate in policy making.”
5 – Apporter davantage de support aux accélérateurs dans le rôle qu’ils jouent en tant que trait d’union avec le monde des (grandes) entreprises. “Jeter des ponts entre le monde des start-ups et celui des “corporates” est essentiel, non seulement pour la croissance de l’économie start-up européenne mais aussi pour l’innovation et les gains de compétitivité dans les secteurs industriels implantés de longue date.”
Les accélérateurs seront-ils leur porte-parole? Les auteurs du rapport recommandent également que les réseaux d’accélérateurs, tels que l’EAN (European Accelerator Network), soient davantage actifs dans le cadre d’associations et de groupes de pression.
6 – Inculquer les concepts de l’accélération à l’enseignement. “Le secteur de l’enseignement devrait être l’un des théâtres privilégiés pour l’accélération de start-ups. De nombreuses technologies sont développées dans le monde académique mais demeurent dans le “placard de la recherche”, sans jamais voir le jour sous forme de services ou de produits.
Les accélérateurs sont en capacité de collaborer avec les universités sur des défis spécifiques – notamment cette concrétisation de la recherche ou sur l’insertion d’une culture de l’entrepreneuriat à travers l’ensemble du secteur éducatif.”
Les auteurs du rapport proposent notamment d’adapter le programme Erasmus pour Jeunes Entrepreneurs afin d’en faire un outil permettant d’investiguer les moyens d’y parvenir.
(1) Le rapport a été rédigé par divers acteurs du monde des accélérateurs dans le cadre du projet Atalanta, arrivé à échéance en août 2016, qui visait à promouvoir l’innovation, le transfert de technologies et le support de l’entrepreneuriat en favorisant les échanges et la collaboration trans-frontières entre 7 accélérateurs européens. Parmi les auteurs et contributeurs du rapport, citons par ordre alphabétique: Carmen Bermejo, vice-présidente de l’Asociación Española de Startups et du pré-accélérateur Tetuan Valley (Madrid) ; Chris Haley, directeur New Technology & Startup Research chez Nesta (fondation pour l’innovation basée à Londres ; Lenard Koschwitz, directeur des Affaires publiques pour le réseau Allied for Startups (Bruxelles) ; Ricardo Marvão, co-fondateur de l’accélérateur portugais Beta-i ; Paul Miller, associé de Bethnal Green Ventures, programme d’accélération et d’investissement “early stage”, basé à Londres ; et Marc Nager, directeur général de Telluride Venture Accelerator (accélérateur américain basé dans le Colorado) et ancien “Chief community officer” de Techstars. [ retour au texte ]
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