Déconfinement: la foire aux solutions (numériques)

Pratique
Par · 05/05/2020

Source: Rombit

A l’heure où on commence, doucement, à sortir de nos tanières (ou simplement à s’y préparer) afin de reprendre un minimum d’activités, professionnelles ou non, quelle protection ou information peut-on obtenir, par des moyens technologiques, sur la situation de contamination réelle des personnes que l’on croise ou côtoie? Quelles autres solutions (numériques) existent-elles à part ou en plus de la piste des applis mobiles de signalement de personnes infectées?

Passons-en en revue quelques-unes des solutions de cet arsenal grandissant. Sans ambition d’exhaustivité…

Gardez vos distances

Des bracelets connectés qui stockent l’état sanitaire des individus pour le communiquer, de proche en proche, aux personnes qu’ils croisent (à condition, bien entendu qu’ils soient équipés du même dispositif). Voilà l’une des solutions proposées en lieu et place des applis de tracing sur smartphone.

Pourquoi des bracelets (ou balises) plutôt que des applis sur smartphones? Pour parer à des problèmes de perte de signal dans certains bâtiments, en raison de l’interdiction dans certains environnements d’utiliser un GSM, ou encore par facilité (consultation d’écran, désinfection du dispositif…).

Autre solution, moins “sensible”: des bracelets qui signalent simplement qu’une personne ne respecte pas les conditions de distanciation physique. C’est l’option choisie par la société anversoise Rombit, qui démarre ces jours-ci un test-pilote grandeur nature dans le port d’Anvers. Le “repérage” se fait via diffusion et détection d’ondes UWB.

Contextes d’utilisation visés: essentiellement les environnements industriels.

Solution similaire mais via balise portable (au lieu d’un bracelet) chez Pozyx (Gand) qui a imaginé une solution de vérification et d’alerte de distanciation sociale, avec, comme dimension supplémentaire, une localisation par rapport à des zones sensibles ou interdites d’accès. Le déploiement se fait selon le principe des réseaux privés d’entreprise. La centralisation et l’archivage des données de contact permettent aux responsables de la société d’informer toutes les personnes ayant été en contact avec une personne qui serait identifiée comme infectée à un moment donné.

 

Mobisafe par B-Side

Dans un même ordre d’idée, mais cette fois via appli mobile, B-Side (Tournai) propose une solution avertissant les employés et travailleurs qu’ils côtoient leurs collègues d’un peu trop près. La solution est en fait une extension de son application Mobinome (planification et suivi d’équipes d’intervention technique et gestion des ressources et équipements qu’ils sollicitent dans le cadre de leur travail (matériels, outils de chantier… ).

La fonction, baptisée Mobisafe, génère un message vocal et déclenche la vibration du smartphone dès que le mobile d’un utilisateur “repère” l’utilisation de la même appli sur un autre smartphone entrant dans un cercle trop proche de lui. Les deux personnes trop proches l’une de l’autre sont ainsi averties.

Fonction supplémentaire: toutes ces “close encounters” sont répertoriées dans le fichier central Mobinome, afin que le service Prévention et protection au travail de l’entreprise puisse en tirer certains enseignements ou mettre en oeuvre des rappels ou bonnes pratiques.

Le même principe est appliqué par des applications “(Private) Proximity Registration” développées par les sociétés flamandes Option et Clear Digital (division WMW).

Source: Option

 

Respecter les distances entre employés impliquera bien entendu également de revoir la disposition des locaux, au sein de chaque entreprise. La société Colliers International, spécialisée dans les services immobiliers aux entreprises, a dès lors imaginé un “calculateur de distanciation sociale”, un outil en-ligne, disponible gratuitement via le site de l’application, via lequel chaque société peut encoder ses paramètres et recevoir des conseils de réaménagement.

Le principe? “L’entreprise introduit la surface occupée par les postes de travail, ainsi que les détails par type de poste de travail présent dans les espaces paysager ou clos. Sur cette base, l’outil calcule la capacité maximale de postes de travail dans l’état actuel d’agencement des bureaux de même que la capacité excédentaire libérée si des mesures complémentaires sont mises en œuvre par l’entreprise. Le calculateur donne une première estimation.” Estimation à affiner et préciser, au cas par cas, évidemment…

 

Lorsqu’il s’agit d’éviter la sur-fréquentation d’espaces – commerciaux, notamment -, les solutions de comptage automatisé montent au créneau. Parmi elles, celle de Piximate (La Hulpe). La solution permet à chaque surface commerciale d’afficher, à l’entrée (sur un totem fourni par FieldDrive), si le nombre de clients déjà admis à y pénétrer a atteint la limite, intimant donc aux arrivants d’attendre à l’extérieur.

Le principe est donc celui du comptage automatique (via détection visuelle par caméra) avec comparaison avec le nombre spécifique admissible (selon la directive officielle qui est d’un client par 10 m2, ou avec possibilité éventuelle – comme on pourrait l’imaginer – d’appliquer un quota plus spécifique queutait décidé chaque surface commerciale en raison de ses spécificités).

Le recours à une détection par caméra permet aussi d’effectuer une mesure de température corporelle (en cas de caméra thermique) afin de détecter d’éventuels clients contaminés.

Les codes QR

Dans certaines régions de Chine, désormais, toute personne entrant dans un quelconque lieu ou espace est “enjointe” de scanner un code QR qui attestera de sa présence. Histoire de connaître ses déambulations mais aussi, potentiellement, de la prévenir d’un risque, ou de lui imposer une quarantaine.

 

Singapour vient de lancer une application qui s’inscrit en complément de son appli mobile TraceTogether. SafeEntry fonctionne sur base de codes QR apposés dans les “endroits présentant un risque élevé de contact non éphémère” (bureaux, magasins, galeries commerciales…), codes que chaque personne pénétrant dans cet espace doit obligatoirement scanner avec son smartphone (la procédure est optionnelle mais recommandée dans d’autres endroits tels que parcs, stations de métro…).

La solution enregistre le nom de la personne, son numéro national, le numéro d’appel de son portable ainsi que le temps qu’elle a passé dans un espace déterminé.

 

Aux Etats-Unis, une équipe de chercheurs du MIT a mis au point une application baptisée PACT (Private Automatic Contact Tracing). Si une personne est diagnostiquée comme étant infectée par le Covid-19, elle reçoit un code QR dont les données sont répertoriées sur un serveur hébergé dans le cloud, en même temps que tous les signaux (“chirps”) reçus d’autres utilisateurs ayant téléchargé l’appli PACT sur leur propre smartphone et ayant côtoyé cette personne.

Chaque utilisateur de l’appli peut vérifier auprès du journal centralisé si ses signaux ont été répertoriés, l’avertissant ainsi qu’il a croisé une personne infectée (dont l’identité demeure secrète via recours à un mécanisme de pseudonymisation). C’est là une solution fort proche de celle que préconisent, en Europe, les auteurs du protocole DP-3T, mais via code QR.

 

Solution de calcul de distanciation sociale Savitas.

Chez nous aussi, certains optent pour la piste des codes QR. Ainsi, la société Vinçotte, spécialiste de la certification, a mis au point avec la jeune pousse anversoise Esoptra (et avec le soutien des services de Prévention et protection au travail d’Attentia et de Mensura) une solution baptisée Savitas – Scoped Anonymous Viral Infection Tracing At Scale.

Le principe? Les employés scannent (sur base strictement volontaire) un code QR chaque fois qu’ils entrent dans un local ou un espace déterminé. Ce faisant, un fichier central répertorie les smartphones qui ont scanné le code et, si le détenteur de l’un d’eux est ensuite diagnostiqué comme porteur du coronavirus, les autres personnes ayant fréquenté le même espace, au même moment (ou dans un laps de temps proche) en sont averties. La notification se fait de deux façons: soit via le site Internet Savitas (les utilisateurs doivent donc le consulter eux-mêmes), soit lorsqu’une personne qui a scanné le code QR d’un endroit déterminé (plus ou moins) au même moment que la personne infectée scannera à nouveau le code de ce local ou de cet endroit (ou de tout autre où les deux autres personnes se sont croisées).

Comme pour les applis de traçage, le principe repose évidemment sur le signalement dans le système Savitas, par l’individu contaminé, de son diagnostic.

Alertes par SMS

En Corée du Sud, les utilisateurs reçoivent des conseils sanitaires mais aussi des informations sur les personnes infectées par SMS. Beaucoup plus “sensible”, le message inclut un lien vers un site où elles peuvent visualiser les déplacements de ces personnes. Cette solution a suscité maintes réactions, en ce compris en Corée, en raison de la violation qu’elle représente pour le secret médical et le droit à la vie privée.

Empreintes thermiques

Le principe du “repérage” de personnes infectées par contrôle de leur température corporelle par caméras thermiques est déjà déployé depuis quelques semaines dans divers pays asiatiques. En Chine par exemple, on combine déjà scanners thermiques “intelligents” et technologies de reconnaissance faciale dans les lieux publics afin de pister la propagation du virus. Evidemment, ces engins ont aussi d’autres finalités…

 

Source: I-care.

Chez nous, la société montoise I-care propose elle aussi un système de “traçage thermique” similaire. Elle proposait déjà ce type de caméra infrarouge (qu’elle assemble et commercialise) mais pour la surveillance de la température de machines en milieu industriel. Crise sanitaire oblige, un petit exercice de recalibrage et de réaffectation a été effectué, à destination de clients opérant dans le secteur de la santé (hôpitaux), des services à la personne (maisons de repos) ou dans le secteur privé (espaces de bureau, surveillance des accès à des bâtiments…).

Caractéristiques de la caméra thermique portable: résolution 160×120 (thermique) et 8MP (optique) ; précision thermographique: environ 0,5°C (entre 30°C et 45°C) ; écran tactile LCD 3,5″ (640 x 480) ; intégration avec ordinateur de bureau, appareil mobile ou moniteur externe (via connexion filaire ou sans-fil) ; système d’alarme en couleurs et alarme audio.

Solution open data helvétique

En Suisse, en collaboration avec divers partenaires, tant privés au publics (parmi lesquels la coopérative à but non lucratif Midata opérant en tant que “fiduciaire de données collectées”), l’Institut d’Informatique Médicale de la Haute école de Berne (BFH) a développé une appli mobile baptisée Corona Science qui permet aux citoyens suisses de partager des données sur le Covid-19 et leur situation de vie. Objectif: partager un maximum de données, sur base volontaire, et “améliorer l’état des connaissances sur l’évolution de la maladie, repérer des flambées locales, cerner les répercussions psychologiques sur la population durant et après le confinement, et planifier au mieux le retour à la normale”.

L’appli permet de collecter des données médicales ainsi que des indications plus “soft”: ressenti, état psychique, niveau et type de stress engendré, informations d’ordre socio-économique (télétravail, chômage partiel, garde d’enfants…).

Les données, anonymisées, sont en accès libre mais cet accès est soumis à consentement préalable de l’utilisateur qui a la possibilité de revenir sur sa décision de mise à disposition. Partenaires du projet: la Haute Ecole de Berne, les cantons de Berne et de Neuchâtel, eHealth Suisse, Midata, les sociétés Roche et Elca Informatique.

La piste du blockchain

Toujours en Suisse, le consortium Public Health Blockchain Consortium (PHBC) a développé une solution devant permettre de vérifier et de garantir que les lieux de travail et les environnements de vie (groupes ou communautés de personnes, résidences, maisons de repos…) sont exempts de contamination par le coronavirus.

Objectif: “restreindre le retour de personnes infectées dans des lieux de vie ou de travail si elles traversent des zones dont on sait qu’elles ont été contaminées”.

Les données de surveillance (effectuée par des prestataires authentifiés et reconnus) sont croisées avec des données de géolocalisation soumises à une analyse algorithmique. Le résultat est alors intégré dans une blockchain.

La chaîne de blocs stocke le certificat de protection qu’un opérateur (organisme public ou autre, officiellement reconnu) a émis au sujet d’un lieu de travail ou d’une “communauté”. Le même mécanisme de surveillance peut s’appliquer à un mécanisme de “lieu isolé de résidence” au sein duquel des visiteurs sanitairement “suspects” peuvent être surveillés pendant une période déterminée avant d’être admis à pénétrer en zone sûre. 

Le projet, en mode pilote, sera évalué au cours des prochains mois et le rapport en sera soumis à l’Organisation Mondiale de la Santé début 2021 afin d’en documenter l’efficacité et la pertinence.