2-Observe: surveillance sans contact des patients à risque

Portrait
Par · 13/01/2016

Incubée à Liège au WSL et aujourd’hui hébergée dans l’espace start-ups du bâtiment CreativeSpark (Axis Parc, Mont-Saint-Guibert), 2-Observe est le fruit de travaux de recherche menés par le docteur Jean-Philippe Hermanne, Chef du service d’oncologie du CHR de Namur.

La genèse du projet remonte à 2008. La société, elle, a pris forme en 2013. Sa raison d’être: le développement d’un système de surveillance sans-contact (capteurs infrarouge et transmissions en radiofréquences) destiné en priorité aux services généraux des hôpitaux.

Objectif: assurer une surveillance constante de l’état de patients à risque lors de phases critiques (telles que la sortie du service des soins intensifs ou les suites d’un examen invasif) et “réduire le nombre d’événements indésirables et de décès inopinés dans les services d’hospitalisation générale, dus pour une bonne part à une détection tardive de l’état de santé préoccupant du patient. La période souvent critique est souvent celle – 24 ou 48 heures – qui suit la sortie des soins intensifs”, souligne Isabelle Joslet, co-fondatrice et désormais directrice générale de la jeune société.

Le Life Observer Mobile (LOM) est un dispositif médical qui se présente sous la forme d’un bras articulé venant se positionner à la verticale de la région thoracique.

L’émission en continu d’ondes infrarouges par les capteurs (4 paires) positionnés sur le bras permet de surveiller tout mouvement du patient. Mouvement au sens habituel du terme (déplacement du corps ou d’un membre) mais aussi mouvement au sens de mouvement respiratoire et thoracique.

Améliorer la “chaîne de survie”

Le dispositif a en effet été conçu de telle sorte à détecter des mouvements de très faible amplitude (telle que l’augmentation, même imperceptible, du volume de la cage thoracique pendant l’inspiration).

Isabelle Joslet (ici, avec Philippe Kaplan): “Le Life Observer Mobile n’intervient pas en solo mais vient compléter le dispositif du SAMU interne. Il s’insère en première ligne dans la chaîne de survie. Or, il a été établi que la détection est le maillon faible de cette chaîne, souvent lorsque le patient est seul dans sa chambre.”

Cela permet de détecter des épisodes critiques et de déclencher dès lors une alerte, via relais vers un récepteur que porte le personnel infirmier.

Les situations critiques sont très variables: absence prolongée de respiration (le dispositif est paramétrable pour éviter les “faux positifs” générés par exemple par des apnées du sommeil), absence de mouvement (indiquant un patient en danger de mort, un patient ayant quitté son lit contre avis médical…).

Pour éviter les “faux positifs” et autres “faux négatifs” – qui auraient tôt fait de déconcerter le personnel infirmier et de leur faire rejeter l’utilisation du dispositif -, “un soin tout particulier a été apporté, lors de la phase de conception, au calibrage et à la précision prédictive des algorithmes”, souligne Isabelle Joslet. La société annonce comme performance un taux de fausses alertes réduit à 1 par tranche de 36 heures.

Le LOM dispose d’une “intelligence embarquée”. Le traitement des signaux collectés se fait en effet en local via analyse par des algorithmes.

Le dispositif et les algorithmes ont été mis au point notamment en collaboration avec le bureau d’étude liégeois Develtech (actif dans les domaines de l‘électronique et du logiciel embarqué) et WOW Technology (Namur).

Lorsque le logiciel “déduit” une situation critique, une alerte se déclenche et est relayée vers le dispositif portatif que les infirmiers et infirmières portent à la ceinture.

Un même récepteur peut potentiellement surveiller 99 LOM individuels et affiche les signaux émis par 4 LOM sur son petit écran (les autres sont consultables simplement en faisant défiler l’écran d’affichage).

Le “LOM” est destiné à compléter les dispositifs classiques (ECG, oxymètres…) qui impliquent le positionnement d’électrodes “qui posent des problèmes de fausses alertes trop fréquentes et intempestives ou la mise en oeuvre d’un dispositif lourd de centralisation du contrôle (salle, écrans…)”, affirme-t-on chez 2-0bserve.

Autres arguments: sa mobilité (permettant de le déplacer de chambre en chambre, selon les besoins, voire de l’associer à des services tels que les zones d’attente) mais aussi son prix. “Le LOM est sensiblement plus abordable que les systèmes de surveillance classiques. Les solutions existantes, trop chères et trop contraignantes, sont généralement réservées aux unités de soins intensifs ou spécialisées.”

Autonomie du dispositif: 16 heures. A noter que le LOM fonctionne aussi bien sur batterie que sur secteur. Il est en outre muni d’un accès mini-USB afin de permettre l’archivage des données.

Première cible: l’hospitalisation à risque

Dans l’état actuel des choses, 2-Observe se concentre spécifiquement sur certains services hospitaliers (chirurgie, cardiologie/pneumologie, gastro-entérologie) ou encore les zones d’attente (avant examen ou intervention chirurgicale) mais, à terme, d’autres cibles de clientèle pourraient être les maisons de repos et de soins, voire l’hospitalisation et le suivi à domicile, ou encore le suivi des personnes désorientées. “Mais ce n’est pas, pour l’heure, notre priorité”, souligne Isabelle Joslet. “Nous restons ouverts à d’autres pistes et nous les explorerons mais il nous faut d’abord asseoir notre crédibilité sur le marché.”

L’ambition est également de remonter plus en amont dans la chaîne de survie en détectant d’autres phénomènes physiologiques tels qu’une accélération ou déstructuration de la respiration et, dès lors, de jouer davantage un rôle préventif (alerte de survenance prochaine de malaise, alerte en cas de crise d’épilepsie…)

Fin d’année dernière, 2-Observe signait un premier contrat de distribution avec MSH. Marchés visés: ceux du Benelux et la France.

La jeune société attend par ailleurs beaucoup de sa participation à divers salons spécialisés dans le médical pour se ménager de la visibilité et une attractivité auprès de distributeurs internationaux.

Mais, pour les convaincre et enclencher réellement ce volet de sa stratégie commerciale, l’étape nécessaire, aux yeux d’Isabelle Joslet, est celle de premières ventes en direct. “Il nous a d’abord fallu créer nous-mêmes les premiers relais.”

Le LOM a ainsi été présenté et mis à la disposition à un certain nombre d’hôpitaux de référence, en Belgique. Cinq ou six d’entre eux se sont dits intéressés à très intéressés. Le CHR de Namur (où le projet a pris racine) l’a par exemple inscrit à son budget cette année. Idem du côté du réseau Iris Sud (Bruxelles).

Les premiers marchés-cible de 2-Observe seront la Belgique et la France mais des contacts ont d’ores et déjà été pris avec des hôpitaux suisses, danois et turcs.

Financement public-privé

Après une phase initiale sur fonds propres, 2-Observe a procédé à trois tours de table successifs. Le premier a vu l’entrée au capital de MeusInvest, qui prenait un tiers du capital, à parts égales avec les fondateurs.

Le deuxième, effectué afin de financer la R&D et de fiabiliser le produit, a vu MeusInvest réintervenir, cette fois aux côtés du fonds d’investissement de MyMicroInvest puisque ce 2ème tour de table s’était ouvert au crowdfunding, notamment afin d’évangéliser le concept auprès du public et de trouver des “ambassadeurs” qui, à un stade ultérieur, puissent intervenir dans l’effort de visibilité et commercialisation.

Troisième étape, en juin 2015, une troisième levée de fonds, cette fois afin de financer le lancement commercial (recrutement, recherche de distributeurs). Cette fois encore, MeusInvest, MyMicroInvest et les fondateurs sont intervenus (chaque partie détenant désormais un tiers du capital). Parmi les investisseurs privés, signalons la présence de Philippe Kaplan engagé en décembre 2014 comme responsable Business Development (via le programme subsidié CxO).

2-Observe compte aujourd’hui 5 personnes. Dernière recrue en date (janvier 2016): un responsable solution, qui sera chargé de faire évoluer la solution, d’un point de vue technologique (l’un des hôpitaux contacté a par exemple émis l’idée d’un modèle pouvant s’installer sur une potence).