Les huit (premiers) projets de recherche IA du TrAIL

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Par · 08/09/2021

Petit rappel rapide pour commencer…

Voici environ un an, les cinq universités francophones (UCLouvain, UMons, ULB, ULiège, UNamur) et quatre centres de recherche (Cetic, Multitel, Cenaero, Sirris) mettant le “TrAIL” sur les rails. TrAIL pour Trusted AI Labs. 

Cette structure de recherche collégiale est résolument orientée Intelligence Artificielle et, plus spécifiquement encore, IA “de confiance” – c’est-à-dire explicable, intelligible, éthique, à finalités démontrables et judicieuses – tous domaines d’application confondus.

Ses missions:
– mener des travaux de recherche de pointe ”à caractère différenciateur”, “identifiés comme stratégiques et visant un rayonnement à l’international”
– mettre en oeuvre des activités de formation et de mentorat au service d’experts et praticiens de l’IA
– et favoriser des transferts de technologies, de concepts et d’innovation entre recherche et industrie/économie. Sans oublier la volonté de voir se créer et émerger de nouveaux acteurs.

8 “défis”. 20 chercheurs. Pour commencer…

50 chercheurs (jeunes doctorants), encadrés par quelques “pointures” de la recherche en Fédération Wallonie-Bruxelles, tous orientés intelligence artificielle. Tel est l’objectif.

Ce total de 50 chercheurs n’est pas encore atteint mais reste bien l’objectif que permettra le financement obtenu de la Région wallonne dans le cadre de la convention ARIAC by DigitalWallonia4ai” (ARIAC étant l’acronyme de “Applications et Recherche pour une Intelligence Artificielle de Confiance”).

A l’heure actuelle, 20 chercheurs, jeunes doctorants, ont d’ores et déjà été engagés et sont à pied d’oeuvre. Ils opèrent selon deux axes de travail.

D’une part, leur propre thèse, qui doit s’inscrire nécessairement dans l’un des quatre “silos” de recherche prédéfinis, tous ayant trait fondamentalement à l’interaction homme-IA et à l’IA de confiance.

Quatre “work packages” ont ainsi été définis dès la création du TrAIL. Fil rouge: leurs thématiques “doivent alimenter le tissu économique local en résultats utiles”, rappelle Benoît Macq (UCLouvain), l’un des fondateurs du TrAIL, aux côtés notamment de son collègue montois Thierry Dutoit. “Le principe des work packages est de renforcer les points forts de la capacité de recherche wallonne.”

Ce qui donne…

lot #1: interactions humaines-IA ; axe piloté par l’ULB (Christine Decaestecker, directrice du labo LISA – Laboratory of Image Synthesis and Analysis)
lot #2: mécanismes de confiance pour l’intelligence artificielle ; université-pilote de ce silo: l’UNamur (professeur Benoît Frenay, professeur à l’Institut d’Informatique)
lot #3: intégration de modèles IA ; pilotage par l’ULiège (Pierre Geurts, professeur en algorithmique des systèmes à l’Institut Multifiore et à la Faculté des sciences appliquées)
lot #4: implémentations optimisées de l’IA ; sous la responsabilité de l’UMons (Thierry Dutoit, directeur de l’ISIA Lab – Information, Signal and Artificial Intelligence Lab).

De l’autre, des “défis”. Autrement dit, des projets de recherche de haut niveau, et – c’est ce qui les différencie également – effectués collectivement et collaborativement. Autrement dit, impliquant des chercheurs qui travaillent habituellement dans des universités et centres de recherche différents. Ici, au sein du TrAIL, les neuf partenaires font cause commune. Chacun des “défis” (voir ci-dessous) doit impliquer au minimum deux universités et deux centres de recherche. 

“Le but est ainsi d’éviter que l’on imagine de trop petits projets, pas assez ambitieux, ou organisés en silo. Ou encore qui n’impliqueraient que des chercheurs qui ont déjà l’habitude de travailler ensemble”.

L’esprit de collaboration trans- ou inter-labos et universités, cela se construit évidemment. Pour gommer les traditionnelles habitudes de “clocher”. Certains des chercheurs impliqués avaient déjà pratiqué la chose mais avec des collègues d’autres pays. Le TrAIL veut donc instaurer le même esprit au niveau local. Et pour démarrer, cela passe notamment par un atelier en mode bootcamp ou team building, avec travaux concrets, d’une durée de deux semaines (de fin août à mi-septembre) qui réunit sur le site de Paris-Saclay une quarantaine de chercheurs (y compris les 20 chercheurs déjà engagés dans le cadre du TrAIL). Pendant un mois, à temps plein pour 37 d’entre eux et à un rythme plus épisodique pour 10 autres, ils plancheront sur des sujets proposés par des tiers.

“Un atelier collectif d’un mois pour créer un esprit communautaire et renforcer la communauté TrAIL, travailler sur la gouvernance et la coordination de projets.”

Autre spécificité: la notion de “collectif” se rapporte non seulement à la nature collégiale des travaux mais aussi à la finalité d’une application de l’IA au sein d’un secteur industriel ou économique, par un maximum d’entreprises et même au-delà des frontières d’un même secteur. 

Les chercheurs engagés dans le cadre du TrAIL sont contractuellement obligés de consacrer au minimum 15% de leur temps (autrement dit, minimum un jour par semaine) à un “défi”.

Chacun des quatre centres de recherche associés au sein du TrAIL prend la direction de deux défis. A savoir:

défi #1: hybridation de modèles et de données dans la perspective d’une ingénierie augmentée ; cas d’usage visé: la fabrication additive ; centre-pilote: Cenaero
défi #2: modèles basés sur la physique et monitoring de données, avec transfert d’apprentissage au service de grands systèmes ; cas d’usage: les performances énergétiques de bâtiments de grande envergure ; centre-pilote: Cenaero
défi #3: l’IA sécurisée, fiable, garante de la vie privée ; centre-pilote: CETIC
défi #4: l’apprentissage automatique comme aide à la recherche opérationnelle en matière d’optimisation ; centre-pilote: CETIC
défi #5: l’apprentissage automatique à faible supervision – objectif: une IA plus générale ; centre-pilote: Multitel
défi #6: IA de confiance pour systèmes critiques ; centre-pilote: Multitel
défi #7: vers un environnement intelligent alimenté par une AI centrée sur l’humain, avec machines, robots, capteurs et actionneurs dans une perspective d’industrie 5.0 (sans défaut, sans accident, sans burnout) ; centre-pilote: Sirris
défi #8: comment parvenir à du “bon du premier coup” (“first time right”) et à une “qualité constante de produit” tout au long du cycle de développement de produit et du cycle de production grâce à des systèmes d’assistance IA; centre-pilote: Sirris.

Des projets nécessairement ambitieux

Dans l’immédiat, les “défis” sélectionnés sont donc au nombre de huit, tous ayant été proposés par les centres de recherche. L’ambition est de monter à douze.

Pour ce qui est des futures thématiques, elles s’inspireront potentiellement de demandes formulées par les entreprises locales.

Durée d’un projet: de deux à quatre ans. “Deux ans est un minimum. Il faut ce type de durée pour ne pas tomber dans le mini-défi, qu’un labo, voire une entreprise, pourrait mener à bien sen solo“. Un autre marqueur est celui des résultats tangibles intermédiaires, à intervalles de 12 mois.

Une évaluation de l’avancée du projet sera effectuée une fois par an. “Le cas échéant, cela permettra de réajuster le défi”, souligne Benoît Macq. Voire de l’arrêter s’il ne rencontre pas les objectifs ou espoirs.

Dès que ces résultats intermédiaires et néanmoins tangibles sont atteints et validés, ils sont mis à la disposition du marché, des entreprises locales “pour qu’elles puissent se les approprier et faire ainsi progresser leurs propres activités ou prestations.”

Venez faire votre marché

Au fur et à mesure que les projets et défis génèreront des résultats, même intermédiaires, les labos, centres de recherche et chercheurs impliqués publieront en effet ces “briques” (codes, algorithmes, bribes logicielles, prototypes, ressources, jeux de données, méthodologies, résultats de recherche) dans une marketplace (sous l’égide de la “TrAIL Factory“). Toutes ces ressources seront accessibles aux entreprises. “Le but de cette centralisation de ressources et de résultats, sous le contrôle des quatre centres de recherche, est de maximiser la pérennité et l’utilisabilité des travaux”, souligne Thierry Dutoit.

Ces “briques” ne seront pas des produits “tout faits” mais sont destinés à “répondre aux besoins des entreprises wallonnes. Il s’agira de briques technologiques pouvant progresser en maturité”, confirme François Narbonneau, responsable du département Smart Technologies chez Multitel, à qui il revient de s’assurer de la cohérence des défis et d’un relais efficace vers et avec les acteurs industriels.

Les mécanismes, modalités et conditions de mise à disposition et d’échanges avec les entreprises doivent encore être précisés. Cela fera l’objet de réflexions au cours des prochains mois. Avec organisation, en fin d’année, d’un événement qui permettra de faire passer le message aux entreprises wallonnes, de toutes tailles et de toute nature, et de mieux faire comprendre les objectifs et le fonctionnement. “De quoi aussi leur donner l’opportunité de participer aux défis et, qui sait?, d’accueillir l’un des chercheurs dans leur entreprise”, souligne François Narbonneau.