Clarisse Ramakers (Agoria Wallonie): “L’heure n’est plus à une approche ensilotée”

Article
Par · 12/05/2021

Clarisse Ramakers, nouvelle directrice générale d’Agoria Wallonie

Entrée en fonction à la tête d’Agoria Wallonie au début du mois, en succédant à Dominique Demonté, Clarisse Ramakers (ex-UCM) se livrait ce mardi à un premier exercice d’explication de la manière dont elle voit son rôle et des priorités qu’elle identifie comme devant être celles de la fédération des entreprises technologiques, section wallonne.

Prenant la relève de Dominique Demonté (ce dernier dirigeant désormais le département Context – cellules politiques & lobby, service d’études, Technology Club…) , elle veut s’inscrire dans une ligne de continuité, poursuivant les trois grands axes déjà définis. Ils ont pour noms:

– capital humain: opérationalisation des mesures identifiées lors de l’étude Be the Change, étoffement des rangs des compétences disponibles en attirant notamment davantage de jeunes (ou de moins jeunes) vers les filières technologiques et numériques ; accentuation de la “numérisation” des compétences ; mise en place de parcours de formations (via notamment le programme UpSkills Wallonia)

– quête de plus grande compétitivité des entreprises wallonnes via une injection plus grande d’innovation – ici encore, par le biais notamment des technologies numériques ; dans ce registre, Agoria continuera de taper sur trois clous en particulier: intelligence artificielle, industrie 4.0 et cybersécurité

– plan(s) de relance.

Ce dernier axe, par la force des choses, est à peine théorisé. La crise de la pandémie est passée par là et a renvoyé tous les niveaux de pouvoir (Europe comprise) vers leurs planches à dessin. Des plans de relance ont été proposés, esquissés, déposés. Reste à les faire atterrir et à les opérationaliser.

A cet égard, dans la mesure où le plan Get Up Wallonia est en phase finale de formalisation, quel message Clarisse Ramakers voudrait-elle faire passer au gouvernement wallon avant qu’il ne dévoile ses batteries?

“Il y a tout d’abord l’importante thématique de la 5G. Mais aussi l’opérationalisation du programme Be the Change, même si les principes de ce dernier ont déjà été relativement bien intégrés, notamment dans le registre de l’alternance.

De nombreux métiers du digital peuvent s’appuyer et se développer grâce à l’alternance, chose qui n’est pas encore suffisamment mise en lumière. Par ce biais, de nombreux demandeurs d’emploi pourraient retrouver un emploi de qualité.”

 

Clarisse Ramakers (Agoria Wallonie): “L’une des raisons qui m’ont poussée à rejoindre Agoria, c’est la conviction que les entreprises technologiques sont l’une des clés pour relever les défis actuels et de demain. Et qu’une politique de changement peut être un grand apporteur de positif. Message qu’a notamment fait passer Agoria au travers de son programme Be the Change, pour démontrer que le numérique, même s’il fait disparaître des emplois, peut aussi en créer de nouveaux.”

 

A ces deux priorités pointées comme devant figurer dans le plan Get Up Wallonia (5G, dossier du capital humain), Dominique Demonté ajoute une troisième: “une réorganisation du paysage. Il faut mieux articuler les différents acteurs entre eux, définir des KPI et des objectifs clairs. Il est essentiel de réorganiser le paysage pour qu’il soit plus efficace pour accompagner les transitions [numérique, énergétique, circularité…].”

Source: AdN 2019

Accent sur le ‘green’ et sur le ‘digital’

Même si Clarisse Ramakers s’inscrit donc dans la continuité des axes déjà tracés par son prédécesseur – “il reste encore beaucoup de choses à faire” avant d’envisager d’autres axes d’action -, elle pointe toutefois deux thématiques qui lui paraissent prioritaires: le ‘green’ et le numérique. Deux transitions qui se juxtaposent et qui, idéalement, pourraient / devraient se fondre l’une dans l’autre. Cela a même un nom: la “twin transition”

“L’heure n’est plus à une approche ensilotée”, souligne Clarisse Ramakers. “La Wallonie a un plan d’économie circulaire et un plan numérique. Je pense qu’on devra passer à la vitesse supérieure en travaillant sur un Plan économique et industriel wallon transversal.

La question que l’on doit se poser est la suivante: à quand et quel véritable plan industriel pour les prochaines années?” C’est là, à ses yeux, quelque chose d’essentiel pour permettre aux entreprises de déterminer comment investir, “pour leur procurer un effet de levier et leur permettre de relever les défis, de grandir.

L’avenir de l’économie wallonne, dotée de davantage de compétences [en raison des réformes institutionnelles], passera par en effet des entreprises qui auront gagné en taille.”

 

Dominique Demonté (Agoria): “En matière de 5G, il est essentiel qu’il y ait une information forte et objective du grand public. Pour démontrer l’intérêt économique, pour souligner qu’il n’y a pas de danger pour la santé. C’est là quelque chose qui doit être pris à bras-le-corps par le gouvernement, bien plus que par une fédération comme la nôtre. On a pu le constater avec ce qui s’est passé dans d’autres pays…”

 

Que ce soit dans la bouche de Dominique Demonté ou dans celle de Clarisse Ramakers, la 5G est souvent citée comme fondamentale, incontournable, pour l’avenir économique de la Wallonie. C’est aux yeux du premier nommé un passage obligé “pour doter le territoire de l’infrastructure nécessaire à son développement.”

Et c’est plus particulièrement vrai aux yeux des deux responsables d’Agoria dans le secteur manufacturier. “Ce secteur n’a pas d’avenir sans la 5G”, assène Dominique Demonté, qui juge essentiel d’accélérer la phase de POC (proof of concept), comme l’a déjà fait la Flandre. 

A nouveau, défis des technologies et défis des compétences se croisent. La 5G, c’est le moyen, le support. Reste à l’exploiter, à y greffer les solutions qui peuvent faire progresser la compétitivité des entreprises locales.

Les 7 dimensions de la transformation industrielle “4.0”. Source: Programme Made Different.

Clarisse Ramakers insiste donc sur l’importance du programme Made Different. Notamment pour les PME: “Ce programme aide les sociétés à poser un diagnostic [besoins, opportunités, maturité] afin de pouvoir déterminer comment elles peuvent se saisir du digital et faire les bons investissements. Une PME, bien souvent, n’est pas capable, par elle-même, d’identifier le retour sur investissement. Le programme Made Different lui permet de comprendre l’impact du numérique sur l’entreprise.”

Autre axe qui semble lui tenir à coeur et qu’elle devrait donc encourager à l’avenir: le programme UpSkills Wallonia, développé en collaboration avec l’AdN, et visant à former davantage de personnes – professionnels ou citoyens lambda – au numérique. “60.000 emplois sont potentiellement à créer, en Wallonie, d’ici 2030 dans les nouvelles technologies. Le but du programme UpSkills est de former un maximum de personnes, de multiplier le socle de personnes qualifiées, et pas uniquement dans les métiers purement numériques. Avoir un maximum de personnel compétent est une réponse à la problématique des métiers en pénurie.” Ce que Dominique Démonte appelle le grand paradoxe wallon: pénurie de talents, que recherchent désespérément les entreprises, et carence de formations pour de nombreux individus…