Tioga Capital: un fonds belge dédié aux start-ups et projets blockchain

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Par · 08/07/2020

Un nouveau fonds d’investissement est en passe de voir le jour. Avec une particularité majeure: investir exclusivement – du moins dans la première phase de son existence – dans les projets et start-ups ayant choisi la blockchain comme terrain de jeu.

Son nom: Tioga Capital Partners (à ne pas confondre avec un fonds d’investissement américain quasi-éponyme, Tioga Capital LLC, basé à Atlanta, qui investit essentiellement dans le secteur immobilier).

Créé au départ de la Belgique, Tioga dispose d’une équipe de direction exclusivement constituée de Belges (voir encadré ci-dessous). Sa première cagnotte devrait provenir essentiellement sinon entièrement d’investisseurs belges – “des family offices, des techno-entrepreneurs, et éventuellement des investisseurs institutionniels”, déclare Nicolas Priem, l’un des co-fondateurs du fonds, qui a fait ses classes et ses armes sur le marché du capital-risque, travaillant successivement pour Bain & Cy, Altamont Capital Partners et Core Equity Holdings.

Rayon d’action? Tioga Capital veut investir dans des start-ups européennes, quel que soit le pays dont elles soient originaires. Compte tenu de la physionomie actuelle, il y a de fortes chances pour que l’on retrouve des start-ups britanniques, suisses et allemandes (les trois pays les plus dynamiques en matière de blockchain) parmi les premières bénéficiaires.

Nicolas Priem (Tioga Capital): “Le marché européen est tout aussi prometteur que le marché américain en termes de start-ups et de potentiels blockchain. Par contre, il y a encore fort peu de fonds qui s’intéressent à cette thématique.”

Cette première cagnotte à distribuer atteindra 10 millions d’euros – c’est l’objectif que s’est fixé le fonds pour démarrer, espérant boucler le tour de table d’ici la fin du troisième trimestre. Avec l’espoir à terme (courant 2021?) de pousser à 50 millions.

Y aura-t-il des start-ups belges parmi les jeunes pousses sélectionnées? L’espoir est en effet d’en compter “deux ou trois” parmi les premières bénéficiaires.

Pourquoi miser sur la blockchain?

Tioga Capital compte donc placer toutes ses mises sur le cheval blockchain (ce qui lui fera toutefois croiser des thématiques telles que l’intelligence artificielle ou l’Internet des Objets…).

Nicolas Priem explique ce choix de la thématique blockchain par la percée que fait indéniablement ce concept technologique comme outil de vérification et sécurisation d’opérations, transactions et actifs en tous genres. “Tant aux Etats-Unis qu’en Europe, des centaines de start-ups, positionnées sur cette technologie, se créent et recherchent des capitaux chaque année. On en dénombre environ 800 au Royaume-Uni, de 5 à 600 en Suisse, 400 en Allemagne. Chaque année, de 3 à 400 nouvelles start-ups font un tour de table en Europe.

Aux Etats-Unis, quelque 350 fonds d’investissement s’intéressent à cette thématique, représentant un pactole de 15 à 20 milliards de dollars. En Europe, par contre, alors que le nombre de deals est sensiblement similaire à ce qui se passe aux Etats-Unis, il n’y a quasiment aucun fonds dédié à cette thématique.”

Pourquoi ce contraste entre les deux côtés de l’Atlantique? “Culturellement, on sait que l’Europe a moins d’appétit pour le risque. Toutefois, en termes d’investissements à caractère générique, on constate que, ces deux ou trois dernières années, la situation en termes de compétences d’investissement du côté des venture capitaliste est en train de s’inverser. Les VC européens obtiennent désormais de meilleurs résultats que leurs homologues américains. Par ailleurs, les investisseurs se montrent nettement plus ouverts que par le passé.

Tioga Capital, en chiffres, dates et noms

Tioga Capital compte engranger et pouvoir investir 10 millions d’euros lors de sa première campagne de financement.
Bouclage du 1er tour de table: fin du troisième trimestre 2020.
Premiers investissements dans des start-ups: quatrième trimestre.
Augmentation de la cagnotte (jusqu’à 50 millions?): courant 2021 (au plus tôt).

Nombre de start-ups financées dans un premier temps: “de 20 à 30”, dont si possible “2 ou 3” belges.
Montant “moyen” sans doute investi par start-up: un million en phase early stage, avec possibilité de réinvestir ensuite jusqu’à 5 millions.

L’équipe de Tioga Capital:
– Nicolas Priem, ex-Bain & Capital, Altamont Capital Partners et Core Equity Holdings ; Patrick Van de Mosselaer, co-fondateur de DocBook, une start-up e-santé (prise de rendez-vous en ligne) ; Michiel Lescrauwaet, co-fondayeur d’Adamant Capital, ex-Arabesque Asset Management et B-Hive ; Olivier Lefebvre, fiscaliste.
– Parmi les membres du comité d’investissement: Jürgen Ingels, cofondateur de SmartFin Capital et ancien patron de Clear2Pay.
– Un comité consultatif a été constitué. Y siègent notamment Bart Preneel, professeur à la KUL et chef de son département COSIC (Computer Security and Industrial Cryptography), qui officiera en raison de son expérience en cryptologie et technologies ; Stijn Bijnens, patron de Cegeka et ancien président de la société d’investissement LRM (Limburgse ReconversieMaatschappij)) ; Kyle D’Souza, président du Stanford Blockchain Club, co-fonfateur de Cipher Labs, et ancien directeur de Phosphorus Cybersecurity.

Le phénomène n’a certes pas encore atteint le créneau de la blockchain mais les choses évoluent.” Et d’autres fonds ne manqueront sans doute pas de s’y intéresser de plus près à courte ou moyenne échéance…

On l’a vu, trois pays, en Europe, se distinguent par l’engouement de la blockchain en termes de projets et de start-ups. Il s’agit en l’occurrence de la Suisse, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

Le quatrième pays où Tioga Capital espère dénicher quelques pépites est la France. Le reste du continent est encore sensiblement moins prolixe. A l’exemple de la Belgique où les initiateurs de Tioga Capital disent avoir jusqu’à présent répertorié environ 20 start-ups, essentiellement situées en Flandre et à Bruxelles (en Wallonie, c’est encore quasi le désert).

“La Belgique, en termes de projets blockchain, demeure un petit marché mais beaucoup de personnes commencent à s’y intéresser, essentiellement du côté des jeunes diplômés, à l’instar de ce qui est en train de se passer du côté des jeunes graduates sortant de Stanford, des universités ou hautes écoles américaines”, souligne Nicolas Priem.

L’“infrastructure” blockchain d’abord

Le type de projets blockchain dans lesquels Tioga Capital compte investir seront à l’image de la tendance de fond de ce marché: “environ 80% des projets concernent l’infrastructure de la blockchain”, estime Nicolas Priem.

“Outre-Atlantique, la proportion des investissements allant vers des applications est un peu plus importante – notamment dans le secteur des transactions financières ou de la santé – mais il s’agit d’abord de mettre en place les bases de la blockchain.”

La notion d’“infrastructure”, en matière de blockchain, recouvre une large palette de solutions et de services: bourses et plates-formes d’échanges de crypto-monnaies ou de crypto-actifs, outils de création de liquidités pour les courtiers en crypto-actifs, plates-formes et “gardiens” d’actifs numériques, sécurisation, services d’analyse sur les valeurs et volumes de crypto-actifs, outils de traçabilité d’actifs, mécanismes et services de dépôt et d’aide au “commerce” de crypto-actifs, gestion de données, des identités, des mécanismes de confidentialité… 

C’est, souligne Nicolas Priem, l’un des enjeux et des opportunités à l’heure du “Web 3.0”: jeter et financer les bases, les éléments fondamentaux de l’infrastructure pouvant rendre la blockchain possible. “Cette phase Infrastructure est importante pour aider le marché à s’installer avant de bâtir les applications…”

 

Bart Preneel (Tioga Capital): “La technologie blockchain est complexe. Par contre, les éléments sous-jacents ne sont pas nouveaux. Les fonctions hash et signature numérique ont été inventées en 1970, les arbres de Merkle datent de 1979, et le timestamping a été introduit pour la première fois en 1990. La percée de cette technologie se trouve dans la combinaison de ces différents composants de manière unique, ce qui permet de garantir la sécurité et la confidentialité à grande échelle. Dans un monde de plus en plus digital, ces atouts deviennent de plus en plus importants pour les sociétés et les consommateurs.” 

 

Plus forts ensemble

Pour se lancer, Tioga Capital ne fait pas cavalier seul. Un partenariat a été passé avec SmartFin, dont l’un des fondateurs, Jürgen Ingels (ex-Clear2Pay et ex- NGData), a d’ores et déjà rejoint le comité d’investissement de Tioga Capital. “Nous sommes en contact depuis environ un an. Ce fonds de capital-risque est en effet très pointu en matière de fintech et croit fermement dans le potentiel de la blockchain. Plusieurs start-ups, positionnées sur le terrain de l’infrastructure blockchain, se sont déjà adressées à eux pour un tour de table.

Le rapprochement entre leur expertise fintech et notre expertise en blockchain était donc naturelle en vue d’une collaboration.”