De nouveaux outils et dispositifs pour faire face à la fracture numérique

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Par Jean-Luc Manise · 08/01/2020

Nous l’évoquions en première partie de cet article, la “fracture numérique” touche, sous des formes et manifestations sans cesse changeantes, une proportion non négligeable de la population wallonne, tous âges et tous horizons socio-démographiques confondus. Le réseau des EPN wallons peut y apporter un début (important) de réponse. A condition de recevoir les moyens et le mandat ad hoc. Mais il ne peut suffire à la tâche.

Il s’agit dès lors de renforcer le dispositif, de lui associer de nouveaux outils, de former de nouveaux “accompagnants” ou “aidants” numériques.

Des complémentarités se dessinent avec d’autres acteurs, dont certains ont été importés de l’étranger.

➤ Le premier projet, baptisé Empreintes numériques, a été mis en place par Pascal Thirifays et Gérald Vanmollekot de l’association Digital Experience Académie.
➤ Le second a pour nom 123Digit, la déclinaison belge de la plate-forme pédagogique Les Bons Clics conçue en France par Emmaüs Connect et introduite en Belgique sous le patronage de la Fondation Roi Baudouin.

Empreintes numériques

La raison sociale de l’association Digital Experience Académie est de permettre aux populations en situation de décrochage numérique de gagner en autonomie, avec une attention particulière envers les seniors qu’elle veut accompagner avec des parcours de formation “adaptés et bienveillants ».

A la demande de l’AdN, ses deux fondateurs – Pascal Thirifays et Gérald Vanmollekot – ont mis en place le projet Empreintes Numériques à destination des EPN.

Gérald Vanmollekot: “Durant l’été 2019, nous avons développé à leur attention une boîte à outils contenant un exposé, une bibliothèque et un guide pour l’animation de la conférence. Quatre rencontres provinciales ont permis de toucher 47 EPN et 82 animateurs multimédias. Cette conférence est également proposée aux villes et communes. Dix d’entre elles ont organisé une rencontre Empreintes Numériques en 2019.” En parallèle, l’asbl prépare des ateliers qui permettront en 2020 de passer de la théorie (la conférence) à la pratique (la formation). 

123Digit 

Pour le quinzième anniversaire des EPN, Jean Deydier, directeur et fondateur des associations française Emmaüs Connect et WeTechCare avait fait pour l’occasion le déplacement jusqu’à Namur avec, en poche, la plate-forme 123Digit. C’est Quentin Martens, coordinateur de projets à la Fondation Roi Baudouin, qui est allé le chercher “pour son expertise”.

Emmaüs Connect existe depuis 2013. Cette association française propose des ressources et des ateliers à des fins d’inclusion numérique.
En 2016, elle a lancé WeTechCare, une start-up tech & sociale qui propose une plate forme pédagogique, baptisée Les Bons Clics, à destination des acteurs de terrain (agents d’accueil, conseillers, bénévoles, travailleurs sociaux, formateurs numériques…) et d’acteurs décideurs (pouvoirs publics, élus locaux, dirigeants d’entreprises…).
Son objectif: connecter par leur biais un million de personnes en France aux opportunités d’Internet.

Avec l’aide de la Fondation Roi Baudouin et de la Fondation 4Wings, WeTechCare a créé WeTechCare Belgium en 2019. Cette dernière propose une déclinaison belge des Bons Clics via la plate-forme 123Digit.

Quentin Martens: “On connaît l’attachement de la Fondation Roi Baudouin à la réduction de la pauvreté. C’est sous ce prisme que nous avons décidé de nous atteler à l’inclusion numérique, devenue une priorité pour nous depuis un an et demi. Notre stratégie repose sur cinq leviers: objectiver, sensibiliser, financer, fédérer et accompagner.”

Les chiffres sur lesquels elle se base sont proches de celles de l’AdN dans son baromètre citoyen. Selon la Fondation Roi Baudouin, quatre citoyens sur dix en Belgique risquent l’exclusion numérique ; 12% n’ont pas de compétences ou n’utilisent pas Internet ; 27% ont de faibles compétences ; 30% disposent de compétences de base ; et 31% font état de compétences avancées.

La Fondation Roi Baudouin a produit le film “Je viens d’une autre planète”, réalisé par Yves Dorme, afin de sensibiliser notamment les responsables politiques à la thématique. Ce film illustre les difficultés rencontrées par des personnes qui ne sont pas en mesure d’accéder ou d’utiliser le numérique et donc, d’exploiter ses possibilités.

Quentin Martens (Fondation Roi Baudouin): “Nous avons réalisé une étude qui démontre que près de 40% de la population en Belgique n’a pas de compétences ou a de faibles compétences et court donc un risque d’exclusion numérique.”

Quentin Martens (Fondation Roi Baudouin): “Nous avons réalisé une étude qui démontre que près de 40% de la population en Belgique n’a pas de compétences ou a de faibles compétences et court donc un risque d’exclusion numérique.”

Fondation Roi Baudouin a également pour vocation de redistribuer de l’argent. “En ce sens, nous avons lancé et lancerons encore différents appels à projets sur la thématique de l’inclusion numérique. Nous invitons à se mettre autour de la table toutes les parties prenantes les acteurs sociaux et les médiateurs numériques mais aussi les responsables politiques, les pouvoirs publics et les acteurs privés tels que les banques, les opérateurs d’e-commerce, les fournisseurs en énergie, en télécommunication ou en numérique…”.

Une longueur d’avance pour les EPN

En termes d’accompagnement – cinquième axe de l’action de la Fondation Roi Baudouin -, Quentin Martens estime que le réseau des EPN a “une fameuse longueur d’avance. Ils sont en place depuis 15 ans et leur expertise est considérable. Mais on se trouve devant un défi d’envergure.

En 2018, les EPN ont accueilli 250.000 personnes. On est très loin du compte face aux chiffres de la fracture numérique.

Avec notre casquette pauvreté, nous nous intéressons particulièrement aux 12% de la population qui sont en état de décrochage numérique.

Ils ont trois possibilités. Soit ils abandonnent, soit ils font appel à leur réseau familial mais ce n’est pas toujours possible, soit ils entrent en contact avec des acteurs de proximité.

Ce sont ces acteurs familiaux et sociaux que nous voulons également toucher en les outillant et mettant à leur disposition des ressources et des réseaux. Pour conduire ce projet, nous avons analysé ce qui se fait en matière d’inclusion numérique dans les trois Régions et avons recensé les projets conduits à l’étranger.

La Fondation a retenu WeTechCare pour son expertise. Avec la fondation 4Wings, nous avons donné naissance à l’association WeTechCare Belgium, dirigée actuellement par Jean Deydier. »

WeTechCare pose ses valises en Belgique

Jean Deydier: “L’idée n’est pas de simplement dupliquer le projet Les Bons Clics mais de s’en inspirer pour proposer des solutions, des projets et des expériences adaptées à la réalité belge. Notre plate-forme pédagogique est entièrement gratuite. Elle s’adresse aux aidants et aux accompagnants numériques.

Jean Deydier (WeTechCare Belgium): “Febelfin finance le développement de vidéos et de matériels d’illustration sur 123Digit afin de guider les personnes dans l’utilisation des outils numériques dans leur vie quotidienne.”

En France, 700 associations utilisent Les Bons Clics, depuis la Croix-Rouge jusqu’à l’association de quartier. La plate-forme est active auprès de 300 agences Pôles Emploi et dans 400 bibliothèques. Chaque semaine, nous recevons la demande d’adhésion de 70 à 80 structures.

123Digit [la déclinaison belge de Les Bons Clics] doit permettre aux aidants numériques de trouver la bonne posture dans leur accompagnement, de construire des parcours de formation adapté. La plate-forme intègre des outils d’évaluation du niveau d’autonomie numérique des personnes et propose des ressources pédagogiques qui facilitent l’accompagnement des publics sur des compétences numériques de base ou encore des démarches administratives dématérialisées.

Elle permet également, grâce à une cartographie des structures du réseau, d’orienter l’aidant vers les dispositifs les plus adaptés à sa demande.

Le rôle de WeTechCare est par ailleurs de proposer un éco-système au sein duquel un fournisseur va pouvoir entamer un processus de d’accompagnement et de formation à ses services numériques comme c’est le cas avec Itsme ou Febelfin qui finance le développement de vidéos et de matériels d’illustration afin de guider les personnes dans l’utilisation des outils numériques dans leur vie quotidienne (opérations bancaires, enregistrement des compteurs d’eau et d’électricité,…).”

Dès le début 2020, la Fondation Roi Baudouin proposera aux animateurs des EPN des formations à l’utilisation de 123Digit.