WalDigiFarm: une asbl pour cultiver la transformation numérique des agriculteurs wallons

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Par · 23/10/2019

Le monde de l’agriculture, au sens large, est loin d’être sous-outillé, en ce compris en solutions informatiques et numériques, mais la marge de progression et le champ de l’innovation offrent encore d’énormes perspectives. Par ailleurs, les solutions existantes sont souvent ponctuelles, parcellaires, non intégrées ou difficilement intégrables (les solutions propriétaires foisonnent) et… le degré de compréhension et d’appropriation par les agriculteurs, éleveurs, horticulteurs, maraîchers, bioculteurs et spécialistes en tous genres est largement amendable.

En très bref résumé, voilà quelques éléments qui ont fait germer une petite idée du côté wallon en début d’année: pourquoi ne pas mettre sur pied une association qui réunisse des acteurs du secteur (ou prestant des services pour lui) et dont l’objectif serait de “valoriser et favoriser l’usage du numérique dans le secteur agricole wallon”.

Nom de baptême: WalDigiFarm.

Le moment était propice aux yeux de ses instigateurs: depuis un peu plus d’un an, le numérique dans l’agriculture était en effet devenu un thème porté et évangélisé par l’AdN dans le cadre du programme Digital Wallonia. La Foire de Libramont, notamment, a eu droit depuis deux ans à son espace “digi-agri”. Des acteurs tels que le MIC (Microsoft Innovation Center) de Mons ont lancé un programme d’accélération à la transformation numérique visant spécifiquement des acteurs de ce secteur…

Un dossier a donc été déposé, à la fois auprès du ministre de l’économie et du numérique – Pierre-Yves Jeholet à l’époque – et auprès de la DGO6 – pour octroi d’un financement. Le dossier n’a pu aboutir avant les élections mais est toujours sur la table de la DG06 et a atterri sur celui de Willy Borsus qui, outre le numérique et l’économie, a aussi – ça tombe bien – l’agriculture dans ses attributions…

Atterrissage espéré: dans les semaines ou mois qui viennent. L’asbl, elle, est déjà sur les rails et a reçu une aide financière intermédiaire de l’AdN (via le programme Digital Wallonia) pour mener ses premières actions.

Une dizaine de membres jusqu’ici

Encore modeste – “nous n’avons pas encore communiqué à ce sujet”, explique Renato Primavera (Quadratic, OptAgri), l’un des fondateurs de WalDigiFarm -, l’association compte actuellement une dizaine de membres. Elle compte, dans un premier temps, concentrer ses activités et sa réflexion sur le créneau “grandes cultures”, avant de ratisser éventuellement plus large, en termes de métiers et de cibles, dans un second temps.

Sont montés à bord, quelques agriculteurs, représentants d’équipementiers et industriels mais aussi le centre de recherche CRA-W (Centre wallon de Recherches agronomiques), et l’une ou l’autre société informatique qui développent des solutions ou proposent des services au secteur agricole. Parmi elles donc, via Renato Primavera, Quadratic (qui a réalisé quelques projets de consultance et gestion de projets sur base de la gestion de géodonnées) et OptAgri (solutions de gestion de données pour sociétés spécialisées dans le stackage de céréales). NSI est également intéressée et des contacts sont ou seront établis avec d’autres acteurs, tels que NRB…

L’asbl est notamment pilotée par son administrateur-délégué, Sébastien Weykmans, chef de projet chez Biocidal Alternative Solutions, spécialisée dans le conseil technique et réglementaire dans le secteur des biocides.

Premières activités

WalDigiFarm se propose de fournir à la fois des formations, des services d’accompagnement et un espace de réflexion dédié, sur des thématiques et enjeux-clé du secteur agricole.

Ses premières activités, pendant les prochains mois (dans l’attente d’un financement public), prendront la forme de formations et de tables rondes, organisées en mode partage d’expériences.

Moduler et optimiser les pratiques agricoles grâce au numérique…

La première formation, planifiée pour la mi-novembre, aura pour thème la modulation intra-parcellaire, autrement dit les solutions (numériques) applicables à l’adaptation des apports de produits fertilisants et des opérations de semis, en tenant compte notamment des caractéristiques de la parcelle. “Des matériels spécialisés existent mais, souvent, les agriculteurs ne savent pas s’en servir de manière optimale”, commente Renato Primavera. “La séance verra la participation de machinistes mais aussi d’experts, venus notamment du CRA-W et d’Arvalis, institut technique agricole français, qui expliqueront ce qu’il est possible de réaliser grâce à la technologie, en quoi elle est ou non efficace, pratique et/ou rentable.”

L’asbl WalDigiFarm désire par ailleurs se muer en think tank favorisant la transition numérique du secteur agricole wallon. “Notre intention est de nous concentrer, chaque année, sur un thème, une question majeure. Par exemple: la propriété des données agricoles générées par les équipements et solutions déployés. Sont-elles la propriété de l’agriculteur, de l’équipementier, d’un autre acteur? Que dit le législateur? Quelle est l’utilité et l’exploitabilité des données au niveau de la PAC européenne, quels sont les besoins spécifiques des cultivateurs, des industriels, des conseillers qui accompagnent les agriculteurs?”

Parmi les autres sujets possibles, l’asbl a également déjà pointé l’intelligence artificielle et la robotique.

L’asbl dit vouloir se donner un an par (grand) thème, le temps de faire le plus possible le tour de la question, d’effectuer une veille et le bilan de l’état de l’art, en Belgique comme à l’étranger. “Et ce, en couvrant les diverses dimensions de la question – aspects technologiques, pratiques, juridiques et sociétaux.” Ses travaux de réflexion pourraient déboucher sur des livres blancs thématiques “pour aider le législateur à orienter sa politique ou encore à destination des établissements d’enseignement supérieur afin qu’ils intègrent éventuellement de nouvelles formations à leur cursus”.

Pour ce faire, l’asbl compte en appeler à des acteurs extérieurs pour l’aider. Le CRIDS (centre de recherche informatique, droit et société) de l’UNamur, par exemple, sera impliqué dans la réflexion côté juridique, droit des données, etc… 

Mutation en coopérative numérique?

Les initiateurs de l’association envisagent déjà une évolution de leur rôle d’ici deux ou trois – si les moyens et l’engouement suivent… L’idée serait de transformer l’asbl en une “coopérative agricole numérique” qui serait la copropriété d’agriculteurs et servirait de plate-forme d’échange de données entre acteurs wallons du monde de l’agriculture. Elle pourrait aussi participer à la conception de nouveaux outils destinés au secteur.

“Les échanges de données sont devenues essentiels pour optimiser les opérations d’exploitation”. Or, souligne, le paysage est extrêmement morcelé. “Il existe une trentaine de plates-formes qui ne sont pas interopérables. Les agriculteurs sont obligés de réencoder les mêmes informations ou différents types de données, parfois sectorielles [informations sur les cultures, les conditions météorologiques…], dans plusieurs d’entre elles.”

L’intention serait donc de lancer un vaste projet d’interopérabilité et de mettre en oeuvre un mécanisme de partage de données. Cette plate-forme serait en outre une potentielle source de revenus (monétisation de données, services) permettant à la structure WalDigiFarm de se pérenniser. Un processus de réflexion sur les modalités de mise en oeuvre a été engagé, en collaboration avec le centre d’innovation et de développement d’entreprises Eklo (anciennement CIDE Socran).