UNamur: un projet Silverkit pour permettre aux applications de s’adapter à l’acuité de l’utilisateur

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Par · 26/06/2019

Source: Eneo.be

Perte (littéralement) de dextérité dans le maniement d’ordinateurs ou d’applications, détérioration des capacités cognitives, influence de l’âge ou d’une maladie sur l’acuité visuelle…, l’utilisation d’applications et de dispositifs numériques peut être ou devenir problématique pour certaines personnes.

L’UNamur se lance dès lors dans le développement d’une librairie d’outils et fonctionnalités à la finalité plutôt ambitieuse: devenir une ressource exploitable automatiquement par des outils ou applications informatiques et numériques afin qu’ils pallient spontanément aux petits (ou grands) ratés d’utilisation et d’interaction induits par le vieillissement ou par une maladie dégénérative (Alzheimer par exemple). Ou, de manière moins spécifique, pour que les applications “s’adaptent automatiquement à l’utilisateur tout au long de sa vie.”

Silverkit, c’est son nom de baptême, est un projet de recherche et développement qui se déroulera au minimum sur 15 ou 18 mois mais que ses initiateurs espèrent pouvoir prolonger au-delà de la période financée par l’UNamur (une levée de fond auprès de particuliers et d’entreprises a eu lieu fin 2018).

Le projet, mené en collaboration entre la Faculté d’informatique et l’institut de recherche NaDI de l’UNamur, est porté par un trio de professeurs attachés à la faculté d’informatique (Vincent Englebert, doyen de la Faculté, Claire Lobet-Maris, sociologue, et Wim Vanhoof) et un étudiant (diplômé cette année), devenu chercheur à l’UNamur et qui a déjà développé une appli destinée à aider des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer à utiliser des fonctionnalités de banque en-ligne. 

“La librairie Silverkit pourrait permettre le développement d’applis Web ou mobiles auto-adaptatives”, explique le professeur Vincent Englebert. 

Dans un premier temps, les applis visées sont des applis mobiles pour tablettes opérant en environnement Android “mais nous y ajouterons d’autres environnements si le besoin en est exprimé par les partenaires impliqués dans le projet” – à savoir, le service d’Aide et Soins à domicile du Hainaut oriental et les UTAN (Université du Troisième Âge) d’Andenne et de Namur.

Le premier apportera les connaissances de terrain des assistantes sociales. Les secondes procureront des panels d’utilisateurs-témoin “permettant de valider les idées et les développements” des porteurs du projet.

Des outils avec du “feeling”

Pour développer cette librairie qui permettrait donc l’évolution et l’adaptation spontanées des interfaces en fonction de l’“efficacité” d’utilisation, l’équipe namuroise commencera par puiser dans l’expérience acquise lors d’autres projets (orientés vers l’accompagnement de personnes plus vulnérables) et développera un système expert dans lequel injecter ces connaissances et des données heuristiques. Du genre données d’analyse de comportement, de rapidité d’interaction, d’erreurs d’utilisation… collectées auprès d’un public déterminé.

“Une surveillance de l’interaction entre une personne et une application permet de documenter par exemple le temps entre deux clics sur des touches distinctes, la précision du geste, le temps mis pour chaque type d’opération.

En comparant les résultats obtenus sur plusieurs groupes d’âge ou des cohortes d’utilisateurs présentant différents états de santé, il est possible de simuler l’évolution, la détérioration d’un comportement d’utilisation due à l’âge ou une maladie donnée.”

Une librairie d’outils et de fonctions qui permettrait aux applications d’identifier automatiquement et avec précision le taux de détérioration de leur utilisation ainsi que les causes premières de cette détérioration (âge, maladie…).

 

Une fois ces données-témoin disponibles, l’étape suivante consiste à définir des règles et à scénariser des “corrections” automatiques. Exemple: en cas de problème d’interaction identifié comme étant provoqué par une perte d’acuité visuelle, l’appli qui exploiterait la librairie Silverkit pourrait automatiquement adapter le contraste de l’écran. 

En cas d’imprécision ou d’hésitation du geste [pour cliquer sur une touche ou pour sélectionner une icône], la taille pourrait en être agrandie automatiquement, selon l’intensité du problème “ressenti” par l’application. Etc. etc.

La deuxième phase du projet de développement s’attachera justement à identifier le plus précisément possible l’origine du problème d’utilisation. De quoi rendre l’outil suffisamment “intelligent” pour établir une distinction entre un problème visuel dû à l’âge et un souci dû à une dégénérescence.

“Grâce aux données heuristiques collectées au départ, nous pourrons en effet faire intervenir de l’apprentissage automatique et des techniques de classific ation pour identifier les causes réelles et donc permettre à la solution Silverkit de proposer des réponses plus ciblées”, indique Vincent Englebert.