Actito franchit un nouveau palier en reprenant SmartFocus

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Par · 20/06/2019

Actito, éditeur de solutions d’automatisation de marketing (gestion de données client, de campagnes multi-canal…) né et toujours basé à Louvain-la-Neuve, rachète la “britannique” SmartFocus, elle-même auteur d’une plate-forme de marketing numérique proposée en modèle SaaS. Sa clientèle se situe notamment dans les domaines de la distribution, du commerce numérique, des médias, de l’automobile et des transports, ou encore des loisirs.

Si nous avons mis sa nationalité britannique entre guillemets, c’est parce que son parcours est quelque peu atypique et géographiquement perturbé. Car SmartFocus est née… en France, sous le nom d’EmailVision. C’est à la “faveur” de son rachat par le fonds américain Francisco Partners que son centre de gravité a été déménagé vers Londres et que le nom de SmartFocus a fait son apparition dans le paysage. Le changement de nom intervenait en 2013, la raison évoquée à l’époque étant la suivante: “mieux refléter la vision et la stratégie d’innovation de la société, désormais tournée vers le marketing personnalisé en temps réel par e-mail, sur Internet et via les réseaux mobiles et sociaux”.

Depuis quelques mois, le fonds américain désirait retirer ses billes et se défaire de SmartFocus.

Triplement de taille

En rachetant Actito, la société belge se dote d’une nouvelle envergure – d’ailleurs l’une des motivations premières de l’opération puisque, comme le rappelle Benoît De Nayer, co-fondateur et co-PDG d’Actito, “c’est la course à la taille face essentiellement à des concurrents américains d’une toute autre envergure [du genre Mailchimp].

L’acquisition de SmartFocus qui était trois fois plus important que nous en termes de chiffre d’affaires et de clients, et deux fois plus gros en termes d’effectifs, fait de nous le principal fournisseur 100% européen de solutions d’automatisation marketing. Nous avons désormais la taille critique nécessaire pour réellement peser dans le choix des clients européens [face à des concurrents américains]. Et nous ne comptons pas nous arrêter là. Une série d’autres acquisitions sont envisagées mais ce sera sans doute pour 2020 ou 2021, lorsque nous aurons bouclé le processus d’intégration de SmartFocus.” Et pour ces prochaines acquisitions, Actito devra sans doute trouver un soutien financier, contrairement à ce qu’elle a pu faire, sur fonds propres, pour le rachat de SmartFocus (grâce au petit trésor de guerre engrangé, en 2018, par la revente de son activité MediQuality).

Benoît De Nayer (Actito): “Nous avons désormais la taille critique nécessaire pour réellement peser dans le choix des clients européens. Et nous envisageons à moyen terme d’autres acquisitions.”

Benoît De Nayer (Actito): “Nous avons désormais la taille critique nécessaire pour réellement peser dans le choix des clients européens. Et nous envisageons à moyen terme d’autres acquisitions.”

Pour l’heure, l’acquisition de SmartFocus se justifie donc par une opposition des genres: l’“ancien” contre le nouveau, le “Vieux Continent” contre les prédateurs américains, leurs us, coutumes et manières d’être contre lesquelles le(s) marché(s) européen(s) doivent faire de la résistance, conserver leur ADN, leurs règles et leurs usages.

Quelques nouvelles contraintes et manières de voir les choses – RGPD en tête – viennent encore préciser le tableau. Mais ce Règlement sur la protection des données privées n’est pas le seul paramètre. “Le but est d’offrir aux spécialistes du marketing une alternative aux “marketing cloud” américains en nous adaptant mieux aux besoins et aux contraintes”. C’est-à-dire? “Les gros marketeurs ont souvent externalisé leurs services vers des plates-formes situées en Inde ou ailleurs, ce qui pose des problèmes d’adéquation et de différences d’ordre culturel”, souligne Benoît De Nayer.

“Selon une perception européenne, il s’agit certes de rechercher l’efficacité et de se doter de la meilleure technologie possible mais il est tout aussi important de veiller au contact et au support. Selon l’approche à l’américaine, tout le monde est logé à la même enseigne, où que l’on soit dans le monde. Ce n’est pas la manière dont nous voyons les choses. L’approche commerciale et le support du client doivent conserver une note locale. Chaque filiale doit avoir du personnel de support et de ventes de proximité.”

En reprenant SmartFocus, Actito dit d’ailleurs avoir hérité de précieuses ressources humaines locales, dans les différentes géographies visées. “Il reste difficile de trouver certains profils, en ce compris chez nous. Nous continuons par exemple à rechercher des développeurs. En reprenant SmartFocus, nous en avons trouvé à Paris, Londres, Barcelone… Mais, localement, il nous manque toujours des développeurs Java, des profils commerciaux, des chefs de projet…” Avis aux intéressés… “Dans l’ensemble de nos implantations, nous avons encore de l’ordre de 30 postes à pourvoir.”

Restructuration des filiales et de l’infrastructure d’hébergement

A l’avenir, Actito compte bien continuer à jouer à fond la carte et l’argument de la proximité géographique.

SmartFocus lui ouvre de nouveaux territoires dans la mesure où la société est essentiellement présente en France, au Royaume-Uni (où elle compte un quart de ses clients et réalise un tiers de son chiffre d’affaires), mais aussi en Espagne, sans oublier quelques clients nord-américains (Etats-Unis et Canada). Actito, elle, avait déjà un orteil en Amérique du Nord, via le Canada, mais était encore absente des marchés britannique et espagnol.

Actito compte par contre “restructurer” le réseau de filiales de SmartFocus, pour supprimer des antennes “anecdotiques” ou ne représentant pas de réel intérêt commercial (au Brésil, notamment). Par contre, aucune filiale ne sera supprimée en Europe, même petite comme en Allemagne où une seule personne est employée et où la société ne compte qu’une dizaine de clients.

Le but est en effet de jouer la proximité avec le client. Pour le support tant commercial que technique.

Une autre “restructuration” sera effectuée du côté de l’infrastructure d’hébergement (serveurs et données). “SmartFocus avait établi de multiples data centers. L’arrivée du RGPD, notamment, justifie un regroupement. Notre but est d’en réduire le nombre. Cela n’aurait aucun sens d’en avoir des dizaines. Un exercice de convergence sera donc effectué pour réduire les coûts et optimiser l’efficacité, en préservant toutefois l’un des atouts de SmartFocus qui est de posséder de nombreuses adresses IPv4 – nécessaires pour la répartition de la charge [envois de campagnes].”

A l’avenir, le maillage d’Actito/SmartFocus en termes d’hébergement de serveurs sera une combinaison de data centers gérés en propre (à Bruxelles, Paris…) et de serveurs hébergés chez des acteurs cloud public (AWS pour l’Amérique du Nord par exemple, sur une infrastructure canadienne).

Intégrer, migrer, viser la synergie

Actito et SmartFocus sont – largement – actives sur le même terrain, avec des offres similaires. La belge est davantage tournée vers les solutions multi-canal, la britannique se concentrait davantage sur l’e-mail marketing. Elle vise toutefois une clientèle située quelques crans au-dessus (en termes de volumes d’envois, de ciblages et de campagnes) de celle d’Actito.

“SmartFocus a réussi à résoudre les problèmes que pose la “déliverabilité” des campagnes en cas d’envois massifs”, souligne Benoît De Nayer. Une capacité qui intéressait Actito. “Nous pouvons désormais nous adresser à des clients plus importants, situés dans le cran supérieur du middle market. En alliant les capacités de SmartFocus aux avantages que nous avions pour notre part développés, en termes notamment d’aptitude à gérer efficacement des (jeux de) données plus complexes.”

Côté technologies, les similitudes sont flagrantes: Java, cloud, SaaS. C’est d’ailleurs cette proximité qui a joué en partie lors de la bagarre qu’a provoqué le rachat de SmartFocus. “Au-delà de la garantie que l’on devait apporter de conserver les équipes et de ne pas fermer de filiales [Ndlr: même si, comme on l’a vu, il y aura une restructuration de la présence géographique], il fallait également faire valoir une capacité à migrer aisément les milliers de clients de SmartFocus vers la solution future. Le fait d’avoir une similarité technologique en matière de bases de données, de serveurs d’applications, d’applications front end ou encore de solution de supervision a clairement joué en notre faveur. S’ils avaient proposé des solutions basées sur php ou Microsoft, les choses auraient été très différentes.”

Le but est bien évidemment de conserver et d’“annexer” les clients SmartFocus pour renforcer le portefeuille d’Actito. Mais la chose se fera via migration relativement rapide de la solution britannique vers la plate-forme Actito. “Nous envisageons un timing assez court – maximum 12 à 18 mois”, souligne Benoît De Nayer.